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L’harmonisation des systèmes fiscaux des états membres par la cour de justice de l’union européenne.


par Dylan Viry
Université de Lorraine - Master II Procédures et fiscalité appliquée 2019
  

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B - L'extension de l'analyse méthodologique

La méthode traditionnelle étant particulièrement inadaptée dans l'arrêt Gibraltar, la Cour définit elle-même une autre méthode afin d'apprécier la sélectivité d'un système fiscal analysant davantage le fond de la réforme fiscale plutôt que son appréciation globale. La Cour reconnaît ainsi la faille de son analyse méthodologique traditionnelle. Elle explique ainsi qu'il serait trop facile pour les États membres d'appliquer une réforme fiscale générale des entreprises pour contourner le droit de l'Union concernant la prohibition des aides d'État. Le problème étant qu'adopter une analyse globale des systèmes fiscaux des États membres peut être contestable dans la mesure où aucun de ces systèmes fiscaux ne se correspondent parfaitement et restent en principe attachés à la souveraineté de l'État membre.

Ainsi, la Cour tente de trouver une alternative à une analyse méthodologique, qui si elle fonctionnait jusque-là, a su prouver ses limites. En conséquence, « contrairement à la « méthode traditionnelle », la « méthode alternative » est ainsi subjective au stade de l'appréciation de la sélectivité d'un régime206, et objective au stade de la justification de cette sélectivité »207. L'utilisation de cette nouvelle méthode a une portée purement téléologique consistant à gommer un maximum les différences entre les différents systèmes fiscaux des États membres. L'usage de la sélectivité d'une mesure, d'une réforme, d'un système n'étant que des moyens pour assurer l'harmonisation des systèmes fiscaux de l'Union.

Ainsi, se retrouve également au titre des arguments de la Cour le principe de nondiscrimination, qui, s'il ne peut être invoqué qu'à titre complémentaire, constitue une justification non négligeable à la charge de Gibraltar. En effet, « au regard des caractéristiques de ce régime, rappelées au point précédent, il apparaît que le régime litigieux, en combinant ces bases, même si celles-ci reposent sur des critères, en eux-mêmes, de nature générale, opère, en fait, une discrimination entre des sociétés se trouvant dans une situation comparable au regard de l'objectif poursuivi par le projet de réforme

206 Car fondée sur les objectifs poursuivis par le régime fiscal

207 Car fondée sur la normalité du régime fiscal Ibid189

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fiscale, à savoir celui d'introduire un système général d'imposition pour toutes les sociétés établies à Gibraltar »208.

En ce sens, la méthode alternative de la Cour s'observe particulièrement des paragraphes 101 à 107 dudit arrêt. En effet, les paragraphes 106 et 107 en particulier selon lesquels « la circonstance que les sociétés « offshore » ne sont pas imposées est non pas une conséquence aléatoire du régime en cause, mais la conséquence inéluctable du fait que les bases d'imposition sont précisément conçues de façon à ce que les sociétés « offshore » qui, par leur nature, n'emploient pas de salariés et n'occupent pas de locaux professionnels, ne disposent pas de l'assiette fiscale au sens des bases d'imposition retenues dans le projet de réforme fiscale. Ainsi, la circonstance que les sociétés « offshore », qui constituent à l'égard des bases d'imposition retenues dans le projet de réforme fiscale un groupe de sociétés, échappent à l'imposition, précisément en raison des caractéristiques propres et spécifiques à ce groupe, permet de considérer que ces sociétés bénéficient d'avantages sélectifs ».

La Cour sanctionne, de manière implicite, la « concurrence fiscale dommageable »209 entre États. En effet, si la réforme fiscale n'avait pas été qualifié d'aide d'État, Gibraltar serait devenu une plate-forme, voire un « paradis » fiscal des sociétés européennes qui auraient utilisé l'État membre à des fins uniquement fiscales. En effet, si un tel régime n'avait pas été sanctionné, l'Union européenne aurait fait un aveu de faiblesse en faveur de la souveraineté fiscale des États membres. Or, comme observé précédemment, la Cour ne s'inscrit pas dans une telle optique, bien au contraire. Son pouvoir prétorien et sa vision téléologique d'harmoniser le marché commun, le droit de la concurrence et le droit fiscal des États. Elle ne va toutefois pas jusqu'à imposer une vision de politique fiscale et économique. Sur ce point les États demeurent libres et souverains. Toutefois, la Cour s'octroie le droit de censurer, d'harmoniser négativement, ce qui lui semble contraire aux intérêts économiques de l'Union.

L'arrêt Gibraltar induit en ce sens un renversement de la charge de la preuve pour les États en matière d'aide d'État. En effet, dans cette méthode alternative, la Cour dispose juste de la faculté de démontrer que le régime fiscal en cause est « anormal ». Il appartient en ce

208 Ibid191, paragraphe 101

209 Ibid191

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sens à l'État de prouver la « normalité », voire même la légitimité de son système fiscal. L'application d'une telle méthode est donc contestable concernant la souveraineté des États membres. En effet, la Commission, qui opère la première la qualification d'aide d'État, s'en trouve grandement avantagée car elle pourra caractériser plus facilement les aides d'État. « Cette démarche n'est pas sans risque sur les autres régimes, et la Cour s'est sans doute engagée sur une pente glissante qui l'amène à élargir le cadre général de ce qu'il convient de considérer comme « normal » en matière de fiscalité dans l'Union européenne. Car au-delà de la question de savoir qui doit juger en premier chef de la normalité, il faut aussi déterminer par rapport à quoi elle doit être évaluée »210.

En effet, « une extension trop grande du régime des aides ait pour conséquence de soumettre tous les choix de politique économique des États membres au contrôle des autorités communautaires »211. La crainte de la concurrence fiscale au sein de l'Union ne doit toutefois pas aveugler la Cour dans ses décisions. En effet, il serait dommageable pour l'institution juridictionnelle que les aides d'État fassent l'objet d'un contrôle de légitimité à défaut d'un contrôle de légalité.

Si la méthode alternative n'a été que peu utilisé par la suite et est devenue une méthode utilisée à titre subsidiaire, le marché unique fait sans aucun doute l'objet d'une protection renforcée de la Cour. En effet, l'utilisation des grandes libertés sous couvert également du principe de non-discrimination font tendre l'Union européenne vers un système économique libéral. Le droit fiscal des États membres se trouve donc harmonisée à travers des séries de décisions jurisprudentielles oeuvrant dans un sens commun et obéissant souvent à la même méthodologie. Toutefois, si une telle libéralisation des régimes fiscaux des États membres est évidente, la Cour pose des limites notamment en matière de fraude fiscale, effet pervers d'un régime économique constamment fluidifié au sein de l'Union.

210 Ibid189

211 Conclusion de l'avocat général Poiares Maduro à l'arrêt CJCE, 23 mars 2006, Enirisorse, C-237/04

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius