B - La protection stricte de la liberté
d'établissement et de la libre circulation des personnes en
matière fiscale
La libre circulation des personnes est un principe de l'Union
souvent utilisée en matière de fiscalité des personnes
physiques. Son arrêt de principe est la décision
Schumaker158. Dans cette affaire était en cause le
cas d'un résident Belge salarié en Allemagne. Dans cette affaire,
« la Cour de justice a jugé que si ce contribuable était
marié et que ses revenus salariaux d'origine allemande constituaient
l'essentiel des revenus du ménage, son impôt allemand devait
être calculé selon les mêmes règles de prise en
compte des charges de famille et de procédure qu'un résident
d'Allemagne ayant les mêmes charges de famille
»159.
De même, ne respecte pas la liberté de
circulation des personnes sur le territoire de l'Union l'absence de prise en
compte des pertes fiscales issues d'un bien immeuble situé dans un autre
État membre que celui de résidence160. La Cour trouve
toujours un moyen pour assurer cette liberté aux personnes physiques en
se basant parfois même sur le droit des citoyens européens de
séjourner librement sur le territoire d'autres États
membres161. Ainsi,
157 Ibid10
158 CJCE, 14 février 1995, Schumacker, C-279/
93
159 Ibid8
160 CJCE, 21 février 2006, Ritter Coulais, C-152/
03
161 CJCE 9 novembre 2006, Pirkko Marjatta Turpeinen,
C-520/ 04
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la Cour opère par sa jurisprudence une harmonisation,
certes casuistique, mais nécessaire pour garantir les fondements du
marché commun.
Enfin, la liberté d'établissement est une
liberté essentielle pour les acteurs économiques de l'Union. Son
champ d'application couvre tant les personnes physiques que les personnes
morales. Il peut s'agir de restriction à l'établissement
d'individus étrangers ou encore de restrictions à l'encontre des
ressortissants nationaux de s'établir à
l'étranger162.
Pour ce qui concerne les restrictions dites «
à l'entrée », l'arrêt de principe est la
décision Commission contre France163. Il
était également question dans cet arrêt d'un avoir fiscal
qui ne bénéficiait pas aux dividendes de succursales de
société d'assurance dont le siège de direction effective
se situait dans un autre État membre.
Concernant les restrictions dites « à la
sortie », la Cour illustre son action d'harmonisation en
protégeant la liberté d'établissement des contribuables
par la sanction de mesures fiscales nationales restrictives. A titre d'exemple,
l'ancien article 167 bis du CGI permettait l'imposition des plus-values de
droits sociaux lorsqu'un contribuable français décidait de
transférer son domicile hors de France. L'imposition était
constituée dès lors que le transfert de domicile était
effectif, à l'exception que le contribuable dispose d'un
représentant fiscal en France. Une autre garantie se trouvait dans le
fait qu'une décharge d'impôt était prévu à la
condition que les droits sociaux soient toujours dans le patrimoine
après une période de cinq ans passé le transfert de
domicile ou si le contribuable retournait en France. A ce sujet, la
Cour164 a jugé qu'une telle mesure entravait la
liberté d'établissement du contribuable dans d'autres
États. L'État français a exposé que la mesure
poursuivait un objectif légitime, celui de la lutte contre la fraude
fiscale. Toutefois, la Cour jugea la mesure ni nécessaire ni
proportionnée.
L'action de la Cour lors d'un litige avec un État
membre lui permet d'harmoniser l'ensemble du système fiscal
européen. La Cour emploie une rigueur toute particulière aux
problématiques s'attachant à la liberté
d'établissement, car, comme il a été vu
précédemment, les impacts économiques et financiers
peuvent être important si une mesure
162 CJCE 16 juillet 1998, ICI, C-264/ 96
163 CJCE 28 janv. 1986, Commission c/ France, C-270/
83
164 CJCE, 11 mars 2004, C- 9/ 02,
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nationale est prise en non-conformité de ladite
liberté. Cet effet « rebond » de la jurisprudence de
la Cour est particulièrement marquante à travers les suites
données à l'arrêt Lankhorst Hohorst
GmbH165 dans lequel avait été censuré la
législation allemande prévoyant la limitation de la
déductibilité des intérêts supportés à
la suite de prêt émanant de la société-mère.
A la suite de cet arrêt, la France a échappé à la
censure de l'article 212 du CGI en l'amendant complètement pour se
mettre en conformité avec le droit communautaire. Il en a
été de même pour la législation française
à la suite de l'arrêt finlandais
Verkooijen166. Chaque État membre dont une
législation fiscale est déclarée non conforme influe sur
la législation fiscale de tous les État. La part de
souveraineté de chaque État est ainsi touché en plein
coeur par la décision d'une institution juridictionnelle.
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