Partie II - Une harmonisation par une jurisprudence
téléologique pour lutter contre la concurrence fiscale
L'harmonisation des législations fiscales des
États peut également s'analyser sous l'angle de
l'interprétation téléologique des décisions de la
Cour. Une portée téléologique assumée par la Cour
concernant des objectifs considérés comme légitimes comme
c'est le cas pour la protection du marché intérieur,
véritable objet de divergence entre la vision libérale
défendue par l'Union et particulièrement par la Cour et le
protectionnisme fiscal des États (Chapitre I). Toutefois,
intérêt de l'Union et intérêts nationaux peuvent
parfois converger notamment à travers des directives instigatrices d'un
véritable espace de liberté et de justice fiscale (Chapitre II).
Des mesures pour lesquels la majorité des États membres est
prompte à s'engager.
Chapitre I - Le marché commun : objet de
l'harmonisation des systèmes fiscaux
La vision libérale de la Cour s'observe dans sa
jurisprudence, majoritairement à travers sa volonté de
protéger le marché commun, véritable fer de lance de
l'Union économique. La jurisprudence harmonisatrice de la Cour est donc
particulièrement marquée par la protection des grandes
libertés défendues par l'Union (Section I) mais également
par l'interdiction stricte des aides d'État (Section II).
Section I - La protection des grandes libertés
défendues par l'Union
Il ne fait nul doute que les grandes libertés de
l'Union sont défendues becs et ongles par la Cour afin de favoriser
l'intégration économique communautaire des États membres.
En ce sens, ce favoritisme du marché unique (I) encadre fortement les
libertés économiques des États membres (II).
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I - La faveur donnée au marché unique
Le favoritisme du marché unique clairement
affirmé dans la jurisprudence de la Cour est destiné à
protéger les grandes libertés au sein de l'Union à travers
la suppression de toute entrave à la circulation tant des marchandises
et des capitaux (A), liée à la mobilité de la richesse,
que la liberté d'établissement et la liberté de
circulation des individus (B), davantage liée à la
mobilité des personnes physiques ou morales.
A - L'apologie des libertés de circulation des
marchandises et des capitaux
L'Union a toujours eu pour mot d'ordre la protection du
marché intérieur. Cette volonté s'est construite sur un
projet de libre circulation des flux économiques ou matériels. La
Cour a, en ce sens, toujours eu pour mission de protéger les grandes
libertés, et particulièrement la libre circulation des capitaux
et la libre circulation des marchandises : deux libertés fondamentales
en faveur d'un système économique harmonisé.
Ainsi, au sein de l'Union, il est interdit pour un État
membre d'édicter des taxes d'effet équivalent à des droits
de douanes146. La Cour dispose en la matière d'une
jurisprudence abondante. Elle égalise les situations de sorte que la
liberté puisse s'exercer pleinement sur le territoire
intracommunautaire. En effet, la Cour a jugé de la non-conformité
d'un droit de douane sur les produits d'outre-mer147.
Parallèlement au contentieux relatif aux taxes d'effet
équivalent à des droits de douanes, la Cour prohibe
également dans sa jurisprudence les mesures d'effet équivalent
à des restrictions quantitatives148. Cela signifie qu'il est
interdit au sein de l'Union d'appliquer des mesures d'imposition frappant plus
lourdement les produits provenant d'autres États par rapport aux
produits nationaux. A ce sujet, la France a été condamnée
à de maintes
146 Article 30 TFUE
147 CJCE, 16 juillet 1992, Legros, Cc-163/ 90
148 Articles 34 et 35 TFUE
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reprises notamment en ce qui concerne les droits sur les
alcools149, les droits sur le tabac150 ou encore la taxe
sur les véhicules automobiles151.
Toujours sous un angle économique, la Cour oeuvre
également pour la protection de la liberté de circulation des
capitaux. En effet, pilier d'une économie libérale et
globalisée, la libre circulation des capitaux sur le territoire de
l'Union joue en faveur d'une harmonisation des systèmes fiscaux vers
davantage d'attractivité et l'application de règle commune pour
garantir la sécurité juridique des contribuables.
La libre circulation des capitaux présente un
intérêt tout particulier pour la Cour et l'Union de manière
générale. En effet, elle s'applique tant aux États membres
qu'aux États tiers, et sa limitation est entendue de manière
très restrictive152. En ce sens, les entraves à la
liberté de circulation des capitaux ne peuvent être
autorisées si une « discrimination arbitraire
»153 ou une « restriction déguisée
»154 est caractérisée.
Toutefois, l'arrêt le plus célèbre
concernant la libre circulation des capitaux dans l'Union est sans aucun doute
la décision Petri Manninen155. En l'espèce,
« le droit finlandais prévoyait un avoir fiscal limité
aux dividendes versés par une société établie en
Finlande »156. A cet effet, la Cour analysait
cette législation comme une entrave à l'investissement dans des
participations étrangères. La Finlande argumentait sur ce point
en exposant la cohérence de son système fiscal, car l'avoir
fiscal constituait une contrepartie à l'impôt sur les
sociétés finlandais. En ce sens, il n'était pas possible
d'attribuer cette contrepartie à des sociétés
étrangères ne payant pas d'impôt dans le pays. La Cour ne
suivra pas l'argument de l'État finlandais, jugeant que « la
cohérence du régime fiscal reste assurée pour autant que
la corrélation entre l'avantage fiscal consenti en faveur de
l'actionnaire et l'impôt dû au titre de l'impôt sur les
sociétés est maintenue.
149 CJCE, 27 février 1980, Commission c/ France,
C-168/ 78
150 CJCE, 27 février 2002, C- 302/ 00
151 CJCE, 9 mai 1985, Humblot, C-112/ 84 ; CJCE, 17
septembre 1987, Feldain, C-433/ 85; CJCE, 15 juin 1999,
Tarantik, C- 421/97; CJCE, 15 mars 2001, Commission c/
France, C- 265/ 99
152 CJCE, 6 juin 2000, Verkooijen, C-35/ 98,
153 Pierre-François Racine, Olivier Fouquet, Cyrille
David, Bernard Plagnet, Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale,
Edition : 07/09 - 5e édition
154 Ibid154
155 CJCE, 7 septembre 2004, Petri Manninen, C- 319/
02
156 Ibid154
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Dès lors, l'octroi à un actionnaire
assujetti à l'impôt à titre principal en Finlande et
détenant des actions d'une société établie en
Suède d'un avoir fiscal qui serait calculé en fonction de
l'impôt dû par celle- ci au titre de l'impôt sur les
sociétés dans ce dernier État ne mettrait pas en cause la
cohérence du système fiscal finlandais et constituerait une
mesure moins restrictive pour la libre circulation des capitaux que celle
prévue par la réglementation fiscale
finlandaise157. »
A travers cet arrêt, il est à noter la rigueur de
la Cour qui s'emploie à assurer le libre exercice de la liberté
de circulation des capitaux, même si les sociétés peuvent
profiter de cet avantage pour réduire leur base imposable. Les
règles communes s'appliquent de manière harmonieuse peu importe
la cohérence du système en cause qui doit s'adapter au standard
minimum de protection qu'offre la jurisprudence de l'Union.
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