II - La soumission des juridictions nationales à la
jurisprudence
Toutefois, malgré une contestation plutôt visible
des administrations fiscales nationales, les juridictions nationales utilisent
souvent les principes du droit de l'Union (A) soumises à
l'autorité de la chose interprétée des décisions
rendues à la suite d'un recours préjudiciel (B).
A - L'utilisation par les juridictions nationales des
principes du droit de l'Union
Les exemples en la matière sont nombreux pour prouver
l'application du droit de l'Union par les juridictions des États
membres. Par exemple, dans une décision134 en date du 4
décembre 2004, le Verwaltungsgerichtshof autrichien a
calqué sa jurisprudence sur l'arrêt de la Cour Weber's Wine
World135 « concernant les modalités du remboursement
d'une imposition indûment perçue au regard du droit
communautaire136 ».
Également, en matière de TVA, dans un
arrêt Sezioni unite civili137, la Cour de cassation
italienne interpréta de manière extensive l'arrêt de la
Cour, Commission/ Italie138, du 17 juillet 2008. En effet,
« la cour italienne, en s'inspirant de la ratio decidendi
énoncé dans l'arrêt de la Cour, n'a pas appliqué une
autre disposition de la même loi italienne en estimant celle-ci
également contraire au droit communautaire. De la même
manière que les dispositions attaquées devant la Cour de justice,
ladite disposition prévoyait en fait une facilité de paiement
pour le contribuable, à savoir la réduction du 25% du montant
dû et l'exclusion du paiement des intérêts moratoires. Une
telle facilité de paiement doit être considérée
interdite, selon l'avis de la Cour de cassation, en raison du fait qu'elle
aussi apparaît contraire au principe d'effectivité, à
savoir le principe qui impose d'exiger le paiement exact du montant dû et
par conséquent n'admet pas le paiement d'un montant
inférieur139 ».
134 Verwaltungsgerichtshof, 4 décembre 2004,
n°2003/16/0148
135 CJCE, 2 octobre 2003, Weber's Wine World,
C-147/01
136 Curia, Reflet 2004 n°3
137 Corte di Cassazione, 17 février 2010, Sezioni
unite civili, n°3674
138 CJCE, 17 février 2008, Commission c/ Italie,
C-132/06
139 Curia Reflet 2010 n°2
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Enfin, dans un arrêt en date du 20 février
2008140, le juge national roumain a également suivi la
jurisprudence de la Cour. En effet, « la cour d'appel de
Timiþoara a jugé que les dispositions de l'article 214bis du Code
fiscal roumain concernant la taxe prélevée sur les
véhicules d'occasion lors de leur première mise en circulation
sur le territoire de la Roumanie (taxe communément appelée de
« première immatriculation ») étaient incompatibles
avec l'article 90, premier alinéa, CE. Cet arrêt confirme
d'ailleurs la solution du Tribunal d'Arad du 7 novembre 2007,
représentant le premier arrêt d'une instance juridictionnelle
roumaine statuant sur l'incompatibilité de la législation fiscale
nationale avec le droit communautaire »141.
« La cour d'appel de Timi°oara a fait application des
principes établis par la jurisprudence de la Cour de justice, et
notamment les arrêts Nádasdi et Németh142. En
vertu de la clarté évidente de cette jurisprudence, la cour
d'appel n'a pas considéré nécessaire de saisir la Cour de
justice d'une question préjudicielle. Elle a jugé que le montant
de ladite taxe était indirectement discriminatoire en raison de ses
effets, car une taxe d'immatriculation qui ne tient pas compte de la
dépréciation des véhicules d'occasion frappe plus
lourdement les produits originaires d'autres États membres. Par
conséquence, en raison de cette violation de l'article 90, premier
alinéa, CE, la cour d'appel a réaffirmé la solution de
l'instance de premier degré, qui avait écarté les
dispositions nationales contestées et avait obligé
l'administration fiscale à rembourser la taxe illégalement
perçue et à payer les intérêts y afférents
prévus par la loi, depuis le moment de la perception de la taxe jusqu'au
moment de la restitution effective, ce qui équivaut à la
réparation intégrale du préjudice, conformément aux
dispositions du code civil »143.
A travers ces quelques exemples jurisprudentiels, le constat
d'une subordination des juridictions nationales à
l'interprétation du droit de l'Union par la Cour est clair. Les frondes
juridictionnelles, qui restent minimes en matière fiscale, ne sont que
des éclipses au regard de l'application du droit de l'Union par le
premier juge dudit droit, à savoir le juge national.
140 Curtea de Apel, 20 février 2008, n°188
141 Curia Reflet 2008 n°3
142 CJCE, 5 octobre 2006, Nádasdi et Németh,
C-290/05 et C-333/05
143 Ibid142
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