II - Une harmonisation créative de la Cour en
matière de fiscalité directe
Au contraire de l'action de la Cour en matière de
fiscalité indirecte, la fiscalité directe n'a jamais connu
d'harmonisation positive de la part du législateur européen.
L'action de la Cour est quasiment purement jurisprudentielle (A)
généralement sous couvert du principe de non-discrimination
(B).
A - Une harmonisation quasi-jurisprudentielle
« La pénétration du droit communautaire
dans les droits nationaux doit beaucoup à l'oeuvre de la Cour de justice
» 106.
Les recours en manquement et les recours préjudiciels
posés par les juridictions nationales ou encore les recours en
appréciation de validité ont fleuri devant le prétoire de
la Cour. Le mot d'ordre dans la plupart de ces litiges était la
défense des grandes libertés. Ces grandes libertés
disposaient d'un effet direct dans les ordres juridiques nationaux au
détriment de la souveraineté des États. A l'inverse de la
fiscalité indirecte, il n'existe pas d'acte législatif ordinaire
pour les questions relatives à la fiscalité directe. Les seuls
moyens pour la Cour de pénétrer dans ce domaine farouchement
défendu par la souveraineté nationale sont les articles du
traité défendant les grandes libertés qui s'exercent sur
le marché unique.
« La Cour a développé une jurisprudence
particulièrement dynamique en matière fiscale sanctionnant en
premier lieu quasi systématiquement les entraves ou restrictions
à l'exercice de ces libertés que recelaient bien des droits
nationaux, stigmatisant en deuxième lieu comme aides d'État
illégales de nombreux dispositifs fiscaux et enfin en
106 Pierre-François Racine, Olivier Fouquet, Cyrille
David, Bernard Plagnet, Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale,
Edition, 07/09 - 5e édition
38/101
mettant en lumière les obligations découlant
de ses arrêts qui s'imposent aux États membres dont la
responsabilité est engagée » 107.
La Cour dispose d'une interprétation rigoureuse dans
les cas d'entraves à une liberté de circulation108.
Elle va tout de même exercer un contrôle des justifications
données par l'État en cause. En ce sens, l'entrave doit
rechercher « un objectif légitime compatible avec le
traité ; elle doit répondre à des raisons
impérieuses d'intérêt général ; elle doit
être de nature à atteindre l'objectif recherché ; elle ne
doit pas produire d'effets allant au- delà de ce qui est
nécessaire pour l'atteindre »109 en application du
principe de proportionnalité.
En outre, la plupart des arrêts de la Cour concernent la
protection des grandes libertés de l'Union et on été
exercés par la voie du recours préjudiciel. Les arrêts de
la Cour bénéficient donc de l'autorité de la chose
interprétée. A ce titre, « le Conseil d'État a
finalement admis que cette autorité s'étendait également
aux points tranchés par la Cour en dehors de là où des
questions qui lui avaient été soumises
»110.
L'harmonisation effectuée en matière de
fiscalité directe relève en grande partie de la jurisprudence qui
utilise de très nombreuses fois comme justification le principe de
nondiscrimination, fondamental pour assurer la cohésion des
systèmes fiscaux au sein de l'Union et ainsi lutter contre la
concurrence fiscale.
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