B - Une jurisprudence explicative abondante en
matière de TVA
En ce sens, la jurisprudence a abondé le domaine de la
TVA dans une optique explicative et pédagogique. En reprenant l'exemple
précédent, sont soumises à la TVA, les opérations
ayant un lien direct entre le versement d'un prix et la contrepartie à
ce prix97. A ce sujet, l'harmonisation négative
effectuée par la Cour provient d'une interprétation objective des
activités économiques. Une interprétation
économique logique à ce sujet, car la TVA est un impôt
important pour le budget des États membres. Le recouvrement efficace de
cet impôt est nécessaire pour alimenter les ressources de
l'État. Ainsi, cette approche économique permet l'harmonisation
des systèmes fiscaux européens et le recouvrement efficace et
justifié juridiquement des opérations commerciales, même
issues d'activités illicites ou de fraudes fiscales98. En la
matière, la Cour a ainsi posé les principes distinguant une
activité économique d'une activité de gestion
privée99.
La Cour a également eu à connaître de
litiges en matière de TVA sur la notion d'assujetti. C'est dans ces
situations que l'harmonisation négative prend toute sa forme. La Cour
joue son rôle d'appui au législateur formant, affaire par affaire,
une base juridique solide à laquelle le juge national, premier juge du
droit de l'Union, devra se fonder pour ne pas effectuer d'interprétation
erronée. Harmonisant alors la notion d'assujetti, la Cour estime que
l'assujetti doit être considéré comme tel même s'il
exerce à titre occasionnel une activité autre que celle pour
laquelle il a obtenu la qualité d'assujetti100.
Sur ce sujet, se pose également la question des
personnes morales de droit public, exonérées par principe
à la TVA. Si le principe est l'exonération, l'exception est
l'assujettissement à la TVA lorsque les opérations
réalisées entrent en concurrence avec des
97 CJCE, 1er avril 1982, Hong Kong Crane Dvpt. Council,
C-89-81 CJCE, 3 mars 1994, Tolsma, C-16/93
98 CJCE, 21 février 2006, Halifax PLC,
C-255/02
99 CJUE, 15 septembre 2011, Jarosaw Saby contre Minister
Finansów et Emilian Kuæ et Halina Jeziorska-Kuæ contre
Dyrektor Izby Skarbowej w Warszawie, C-181/10
100 CJUE, 13 juin 2013, Galin Kostov, C-225/26
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opérations réalisées par des personnes
morales de droit privé et sont en capacité de créer des
distorsions de concurrence. A ce sujet, il est fait application de la libre
concurrence qui s'applique sur le territoire de l'Union. Elle impose que les
agents économiques ne soient pas avantagés ou
désavantagés en fonction de leur domaine d'activité. En ce
sens, deux critères vont être posés par la
jurisprudence101. L'assujetti doit être une personne morale de
droit public et son activité, accomplie en tant qu'autorité
publique, va créer une distorsion de concurrence. La façon dont
la personne morale de droit public exerce l'activité est prise en
compte. Ce qui importe pour la Cour n'est pas l'objet mais le résultat
de cette activité.
D'autres domaines tels que celui des cessions d'action sont
également harmonisées. La Cour précise que les cessions
d'actions ne sont jamais soumises à la TVA. Soit elles sont hors du
champ d'application de la TVA, car les critères ne sont pas remplis,
soit elles entrent dans le champ d'application de la TVA, mais
bénéficient d'une exonération102. En ce sens
les opérations de gestion de patrimoine des participations se situent en
dehors du champ TVA, comme la perception de dividendes par une «
holding mixte », même en cas d'immixtion dans la gestion
des filiales103. Dès lors que ces opérations de
prêt ne constituent pas une activité économique de la
holding104, la simple détention par une holding de
participations financières dans ses filiales ne rentre pas dans le cadre
d'une activité économique au sens de la
directive105.
La fiscalité de la TVA est une matière dense et
riche sur laquelle le regard de la Cour s'est posé. Agissant comme un
dictionnaire de la directive, la jurisprudence de la Cour opère les
nuances et garantit une interprétation protectrice de l'activité
économique intracommunautaire en favorisant les recouvrements en cas
d'opérations illicites, mais également, en restant un
système attractif contre les mécanismes de double taxation sur
les valeurs mobilières particulièrement.
101 CJCE, 17 octobre 1989, Communes de Carpaneto, Piacentino
et de Rivergaro, C-231/87 et C-129/88
102 CJUE, 29 octobre 2009, Skatteverket, C-29/08
103 CJCE, 20 juin 1996, Wellcome Trust Ltd, C-155/94
104 CJCE, 14 juillet 2000, Floridienne SA et Berginvest
SA, C-142/99
105 CJCE, 29 avril 2004, EDM, C-77/01
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A l'inverse du domaine harmonisé par une directive, la
Cour a dû se montrer davantage créative en matière de
fiscalité directe ; disposant de moins de bases juridiques en la
matière.
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