2.1.6.4. Le sexe et la situation matrimoniale du chef de
ménage
Les ménages ayant à leur tête une femme
étant beaucoup plus susceptibles d'être pauvres (BARROS & al,
1997), (BUVINIC & GUPTA, 1997), (LlOYD & BLANC, 1996), on s'attend
généralement à ce que le niveau de scolarisation des
enfants y soit plus faible que dans les ménages dirigés par un
homme. Pour (GUVINIC & GUPTA, 1997) cités par (KOBIANE J. F., 2002)
les facteurs qui expliquent cette situation sont que : les ménages
dirigés par une femme sont plus dépendant, c'est à dire
ayant un rapport inactifs / actifs relativement plus élevé; ces
femmes ont en moyenne des revenus plus faibles que les hommes, moins de biens,
moins accès aux activités rémunératrices et aux
ressources et aux ressources productives telles que la terre, le capital et la
technologie, En somme, les ménages dirigés par les femmes sont
économiquement plus vulnérables.
(BARROS & al, 1997) cités par (KOBIANE J. F., 2002)
ont trouvé qu'en milieu urbain Brésilien, les enfants vivants
dans des ménages dirigés par une femme ont des niveaux de
scolarisation plus faibles que ceux vivant dans des ménages
dirigés par un homme.
Par contre, les analyses menées en Afrique
subsaharienne, à l'exception de l'étude de (LUTULALAM.,& al,
1996) cités par (KOBIANE J. F., 2002) sur la ville de Kinshasa,
aboutissent au résultat selon lequel ce sont les femmes chefs de
ménages qui scolarisent beaucoup plus les enfants. (CHERNICHOVSKY, 1985)
dans le cas du Botswana, (PILON M. , 1995) dans une étude portant sur le
Togo, (CLEVENOT & PILON, 1996) dans une analyse sur sept pays d'Afrique
subsaharienne ; (LlOYD & BLANC, 1996)également dans une
étude sur sept pays d'Afrique subsaharienne, (KABORE & al.,
1999)dans une étude sur le Burkina Faso, (WAKAM, 2000)montrent que
comparés aux ménages dirigés par un homme, les enfants
appartenant aux ménages dirigés par une femme ont plus de chances
d'être à l'école et y restent plus longtemps. Au Cameroun,
WAKAM J. trouve que c'est dans les provinces les moins scolarisées que
la différence tend à être plus prononcée en faveur
des garçons et en faveur des ménages dirigés par les
femmes.
Cette différence entre le résultat trouvé
au Brésil et celui trouvé en Afrique au sud du Sahara semble
être dû à des différences de systèmes
familiaux(KOBIANE J. F., 2002). En effet, si les femmes chefs de ménages
arrivent à scolariser aussi bien leurs enfants que les hommes chefs de
ménages c'est certainement par ce qu'elles bénéficient
d'un soutien économique. Ce qui est soulignent(BUVINIC & GUPTA,
1997) cités par (KOBIANE J. F., 2002), le reflet de la persistance d'un
certain type de système familial, notamment celui qui renforce le
transfert des revenus des pères vers les enfants. Cette explication est
assez plausible dans le contexte africain mais elle reste insuffisante
comprendre pourquoi la scolarisation des enfants dans les ménages
dirigés par une femme est généralement plus
élevée que dans les ménages dirigés par un
homme (KOBIANE J. F., 2002). La raison la plus invoquée dans la
littérature est que les femmes seraient garantes d'une meilleure
allocation des ressources au sein du ménage. Pour Pilon,
« Les femmes chefs de ménage investissent davantage que
les hommes dans leurs enfants que ce soit en terme de temps, d'argent ou de
support affectif, et cela est particulièrement vrai en matière
d'éducation. Leur gestion des ressources s'avère plus rigoureuse
et plus responsable. On peut penser qu'ayant été
elles-mêmes, dans l'ensemble, victimes d'une sous scolarisation, les
femmes perçoivent mieux que les hommes l'enjeu de l'instruction pour le
devenir de leurs enfants. En outre, leur attente est forte d'un retour sur
investissement lorsque leurs enfants auront un emploi ». Mais,
« quand on sait qu'elles sont plus démunies, en moyenne,
que leurs homologues masculins, il y a lieu de penser qu'elles
bénéficieraient davantage d'appuis extérieurs (financiers
ou en nature) en provenance notamment de leurs partenaires sexuels et d'autres
membres de la famille élargie (c'est à dire en fait des hommes)
pour la prise en charge des frais de scolarisation et que beaucoup d'enfants
qu'elles accueillent le seraient précisément pour aller à
l'école » (WAKAM, 1998).
La polygamie, pratique matrimoniale courante en Afrique
subsaharienne, permet souvent des formes d'organisation de la production qui
peuvent alléger la demande de main-d'oeuvre enfantine et par
conséquent accroître les chances d'un enfant d'être
scolarisé. Les résultats trouvés par (MARCOUX, 1994a)
cité par (KOBIANE J. F., 2002) en milieu urbain au Mali
révèlent que ce lien entre la situation matrimoniale du chef de
ménages et la scolarisation des enfants dépend du sexe de
l'enfant : les garçons appartenant à des ménages dont
le chef est polygame présentent les plus forts taux de scolarisation.
Chez les filles, ce sont celles qui appartiennent à un ménage
où les coépouses cohabitent qui sont le plus
scolarisées ; ce qui suggère « que les
ménages polygames en milieu urbain présentent une structure qui
leur permet plus facilement de se dispenser du travail des enfants de 8-14 ans.
On peut penser en effet que la prise en charge par d'autres membres du
ménage des activités habituellement exécutées par
les enfants est plus difficile pour les femmes en union
monogame » MARCOUX, cité par(KOBIANE J. F., 2002).
Toutefois, dans les études de (PILON, 1993), (LUTULALA
& al, 1996), (GERARD E. , 1998), il apparaît que les chefs de
ménage monogames scolarisent plus les enfants que les polygames. Si dans
ces études, la polygamie est associée à de faibles taux de
scolarisation, elle semble tout de même « favoriser la
compétition et le plus grand succès des enfants (car la
proportion d'enfants diplômés est plus importante chez les enfants
surtout les garçons de père polygame). La rivalité entre
coépouses (...) conduit en effet nombre de femme à
déployer des stratégies pour obtenir les faveurs de leur mari. La
scolarité des enfants en est une, car le prestige associé au
succès, scolaire en l'occurrence ne manquera pas de rejaillir sur celle
qui l'a encouragé. Réciproquement, parvenir à être
l'épouse préférée de son mari accroît les
chances de ses propres enfants d'être scolarisés, être moins
aimée de lui, les prive bien souvent
del'instruction ».
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