V.3.4 La socialisation footballistique : un rêve
chez les Ewondo de Nkolndongo
Dès l'arrivée du ballon au Cameroun qui a
donnée lieu à la création du CSY en 1930 en tant que club
de football appartenant à l'ethnie Ewondo, nous disons à ce sujet
que dans le contexte général camerounais, le grand rêve des
jeunes est celui de devenir footballeur. La professionnalisation de ce sport en
est la cause principale puisqu'elle exclut certains joueurs talentueux ainsi
que le taux de chômage, qui avoisine les 45%. Ces jeunes, en dehors des
jeux scolaires, universitaires et associatifs, redoublent d'efforts afin de
faire carrière dans football. Le football constitue un fait social total
(Marc AUGE,1982) parce qu'il concerne, à peu de choses près,
tous les éléments de la société mais aussi parce
qu'il se laisse envisager de différents points de vue. En lui-même
il est double : pratique et spectacle. Pratique suffisamment répandue
pour être elle-même considérée comme un
phénomène de masse. Spectacle assez attirant pour que le nombre
de spectateurs aille croissant durant l'ensemble de la période
considérée et que l'ordinaire des jours de la semaine en soit
affecté par avance ou en écho (par les conversations, les paris,
la lecture des comptes rendus. De même, le caractère passionnant,
économique voire politique de cette activité poussent non
seulement les enfants à s'y intéresser, mais constitue aussi et
surtout ce qui convient d'appeler les « push » et les
« pulls » factors au niveau des parents.
Du côté des jeunes joueurs, les
« push » factors ou facteurs motivateurs négatif
dans le football s'identifient chez les Ewondo par un espoir incertain car
nous avons observé plusieurs jeunes de moins de 20 ans passer toute leur
journée au stade ; la sous-estimation du travail : certains
jeunes ewondo non qualifiés, déclarent ne pas pouvoir travailler
pour une somme de moins de 50 000 F CFA /mois. La réussite et
la popularité de stars telles que Pierre WOME en poste (par ailleurs
meilleur joueur du championnat MTN Elite One 2013), Théophile ABEGA de
regretté mémoire, qui ont officié au CSY, constitue
positivement un facteur motivateur. Le football pour les jeunes est dès
lors un danger éminemment préjudiciable à leur goût
de solitude, du travail et de l'étude. A côté du danger
intellectuel, s'ajoute le danger physique et moral par les jambes
cassées, le vol car la main ne saurait passer où se trouvent de
l'argent et les pratiques occultes néfastes. Pour Louis Marie POUKA
(1936), « on consulte un sorcier pour obtenir telle ou telle
herbe dont l'effet immédiat est de paralyser les forces de
l'équipe adverse, telle ou telle drogue pour donner de la
diarrhée aux ennemis, etc... ». Les
« pulls » factors ou facteurs attractifs quant à eux
sont ceux liés à la migration. Le confort du stade, la prise en
charge des joueurs, la complétude dans les équipements, le suivi
et surtout l'extravagant salaire, sont déterminant pour attirer les
jeunes joueurs évoluant des les clubs des pays en développement
comme le Cameroun vers les clubs de France, d'Angleterre etc.
Du côté des parents, les facteurs motivateurs
sont soient positifs soient négatifs. Les facteurs positifs sont chez
certaines familles la disposition des moyens pour offrir aux enfants des
équipements sportifs tels que maillots, godas et ballons ;
l'inscription dans les écoles de football et plus récemment
l'achat des PS FIFA afin de leur inculquer la culture du football. Les facteurs
négatifs touchent aux éléments les plus fondamentaux au
niveau de la famille. Il s'agit de l'entêtement, du pari car jeunes et
vieux jouent à la tombola dont le plus connu est le
« parifoot ». Certains préfèrent utiliser
leur argent de ration à cet effet et mendier après. Pour les
parents, le souci de multiplier l'argent est à la une et cela influence
sur la réalisation de certains projets. Les facteurs attractifs ont
trait au système relationnel, aux moyens financiers, à
l'éducation et à la spécialisation. De nos jours,
plusieurs parents investissent sur leurs progénitures car jugeant
l'apport du football en terme de revenus, ils inscrivent ces enfants dans des
écoles en Europe afin qu'ils se spécialisent au football en
même temps et reçoivent une formation académique plus
adaptée au milieu. On parle de footballeur-mathématicien comme
l'ex défenseur du FC Barcelone Eric Sylvain ABIDAL. Pourtant, dans le
CSY, très peu de footballeurs ont un niveau scolaire post-secondaire. Ce
sont des joueurs qui pendant ou après leur carrière, se lancent
dans le monde du business afin de prospérer.
La socialisation footballistique au Cameroun semble donner
lieu aux grands maux sociaux tels la déperdition scolaire, la
délinquance juvénile etc. Elle a aussi permis à certains
jeunes de réussir dans la société avec l'appui parentale.
Cela peut justifier le fait que le passage au CSY de plusieurs fils de la
localité ainsi que la création d'un club de football
féminin portant toujours le pseudonyme de canon.
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