1.3.1. LA PÉRIODE PRÉCOLONIALE
Elle se situe entre le Ve et le XIIIe
siècle. Le Cameroun précolonial est marqué par une
tradition orale très développée. De nombreuses tribus se
caractérisent par leurs richesses culturelles, notamment les contes, les
proverbes, les chansons épiques, les danses, les dessins et les
sculptures. Cette tradition est transmise de génération en
génération. Dans la tradition bamoun par exemple, les courtisans
occupaient une place importante de par leur sagesse dans la traduction et
l'interprétation. En outre, une catégorie de femmes ayant
dépassé l'âge de procréer pouvait après une
initiation, traduire des signes ou évènements survenus dans le
village. Au Nord-Cameroun, les griots étaient des bibliothèques
vivantes chargées de préserver le patrimoine culturel du peuple.
Selon Bandia (2005: 957-971), ces linguistes d'un autre genre «
étaient reconnus pour leur habileté à parler plusieurs
langues et grâce à leur rôle d'interprète, la
poésie d'une culture pouvait être diffusée sur un vaste
territoire, touchant plusieurs langues et cultures. » Les griots
étaient parfois aussi sollicités pour faciliter la
compréhension du langage utilisé par les membres d'une
société secrète, pour styliser les discours lors des
sermons religieux et des mariages. La période précoloniale est
celle où les traducteurs naturels avaient pignon sur rue. Nous
entendons par traducteur naturel une personne n'ayant jamais
reçu au préalable une formation en traduction et qui, en aucun
cas, n'a
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étudié formellement les langues sur lesquelles
elle travaille, mais qui possède une compétence remarquable dans
la transmission des messages d'une langue à l'autre. Ce genre de
personne jouait le rôle de médiateur dans le domaine religieux et
administratif, et même lors des conflits entre deux peuples.
La tradition africaine ayant été essentiellement
orale, une forme de traduction assez répandue dans le Sud Cameroun
était l'utilisation des tambours, tam-tams et xylophones encore
appelé balafons. Il va sans dire que les instruments utilisés
pour les animations musicales lors des évènements festifs ou
funestes étaient autant utilisés pour transmettre un message
à défaut de la parole. Les peuples Béti du sud-Cameroun,
par exemple, faisaient usage de ce système de communication pour
transmettre des messages à distance, annoncer un grand
évènement, convoquer une assemblée ou dialoguer avec un
village voisin. Chacun était capable de décoder le message ainsi
transmis.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas parler de l'époque
précoloniale dans l'histoire de la traduction au Cameroun sans
évoquer l'art et les peintures rupestres qui sont aussi une forme de la
traduction qui consistait à représenter un texte oral sous forme
graphique. Les archéologues ont découvert dans le nord du
Cameroun les vestiges de la civilisation Sao qui s'est éteinte vers le
XVe siècle et dont la culture, les artéfacts
étaient une sorte de traduction de la culture orale. Dans ses
ouvrages Histoire du Cameroun, l'Art et l'Artisanat africain,
Engelbert Mveng a décodé la plupart de ces textes graphiques de
l'époque précoloniale contribuant ainsi à l'histoire, en
général, mais aussi à l'histoire de l'évolution de
la traduction de l'époque précoloniale en particulier.
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