4.3.4. LA TRADUCTION DES MÉTAPHORES
La métaphore est un trope fondé sur l'analogie
et/ou la substitution. C'est un type particulier d'image sans outil de
comparaison qui associe un terme à un autre appartenant à un
champ lexical différent afin de traduire une pensée plus riche et
plus complexe que celle qu'exprime un vocabulaire descriptif concret. Newmark
(1988 :104) dit que la métaphore est
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toute expression figurative. Par exemple, la personnification
d'une abstraction, ou la description d'une chose par une autre. Les
métaphores peuvent être simples (un seul mot), un idiome, une
phrase ou un proverbe. Le but de la métaphore est essentiellement
double. La métaphore décrit un processus mental ou un
état, un concept, une personne, un objet, une qualité ou une
action et le rend plus compréhensif. En même temps le
côté pragmatique fait simultanément appel au sens, à
l'intérêt, pour plaire, à la surprise.
Exemple:
La fleur de l'âge, le temps c'est de l'argent, la
langue de Molière
Dans le domaine de la traduction, cette figure de style, sous
ses différentes formes, pose des contraintes importantes dès lors
qu'il apparaît dans un énoncé appartenant à une
culture particulière et qu'on entreprend de le restituer dans une autre
langue. Dans l'environnement textuel où elle apparait, elle demeure
spécifique et subit des adaptations dès lors que le contexte
cible l'exige. Dans le cadre d'une approche interprétative, le
traducteur est le plus souvent contraint à l'utilisation de la
paraphrase explicative, d'autres fois, c'est l'équivalence culturelle ou
l'innovation qui sont mises en valeur. Kihlström (2006 : 118) cité
par Elisabet Akemark (2001) dans son mémoire pense qu'un langage
plein de métaphores donne l'impression d'être plein d'inspiration
et peut éveiller de fortes réactions émotionnelles.
Le traducteur doit traduire dans une autre langue le contenu et les
connotations de la métaphore, en gardant en même temps, autant que
possible les traits formels de la métaphore.Whittaker (2000) pense qu'il
est important pour un traducteur de bien connaître les réseaux
métaphoriques utilisés dans un domaine précis dans ses
langues de travail. Elle estime que si le traducteur connaît ses
domaines, il peut décider s'il va garder la métaphore telle
quelle ou s'il va l'adapter et la moduler. Le français regorge
d'expressions fleuries, donc plus riche en métaphores que le
shüpamom.
Différents théoriciens ont défini des
stratégies variées pour la traduction des métaphores.
Ann-Christine Hagström (citée par Elisabet Akemark) définit
dans sa thèse de doctorat neuf stratégies pour la traduction des
métaphores. Les stratégies de traduction sont: traduction
littérale ; comparaison pure; traduction d'une interprétation non
métaphorique; remplacement par une autre métaphore; omission;
omission partielle; ajout métaphorique; même métaphore avec
explications et déviation. Les procédés proposés
par Peter Newmark (1994) pour traduire la métaphore vont nous servir de
grille d'analyse dans la traduction des métaphores.
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Ces procédés se résument comme suit:
- la traduction littérale ou mot à mot,
- la paraphrase explicative,
- l'innovation créative,
- l'équivalence culturelle,
- l'élision totale.
Les résultats de la figure 6 montrent une forte
utilisation d'expressions imagées, tant dans la
langue source que dans la langue cible.
10
4
8
0
6
2
7
8
55 55
Métaphores Texte cible Métaphores texte source
44 4
3
7
8
3
5
3
4
3
5
1
3
Figure 6 : graphique de représentation des
métaphores dans les textes sources et cibles.
Selon les exigences du contexte, le traducteur a opté
pour des procédés de façon à rapprocher, autant que
faire se peut, le lecteur ou le chanteur de la traduction à
l'idée de l'original. Le traducteur opte tantôt pour la
traduction littérale, tantôt pour la paraphrase
explicative ou bien l'innovation créative. Dans certains
cas, c'est le procédé d'équivalence culturelle
qui est choisi, dans d'autres cas, il procède par
l'élision totale. C'est dire qu'à chaque situation
correspond un choix particulier.
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· Traduction par le procédé
littéral
Exemple 6 : traduction des métaphores par
procédé littéral
1) Que tout genou
fléchisse&&&&&&&&&&&&&.Ngu
ntunkushe' pe nto'she
Devant ta majesté Mesù mfon shèt fon
fon !
2) En vivant
sacrifice&&&&&&&&&&&&&..Me
ndâ yusiéne ngumkét Les exemples (1) et (2)
présentent des traductions littérales sans grande
difficulté. Le
genou qui fléchit est une métonymie pour
désigner la soumission de l'être corps et âme à son
Dieu créateur. Le traducteur a repris littéralement cette image
dans sa traduction. Il en est de même pour vivant sacrifice où le
traducteur reprend mot pour mot les termes vivant et sacrifice
(adjectif +nom) yusiéne ngumkét (nom +adjectif),
termes qui renvoient à l'adoration de Dieu pendant que l'on vit encore.
La nuance que le traducteur a apporté dans ces deux exemples est qu'il a
traduit le terme majesté par mfon shèt fon fon,
et ajoute ndâ devant yusiéne. Dans le premier
cas, mfon shèt fon fon signifie littéralement roi des
rois, c'est sans doute pour faire la différence entre cette
majesté divine et la royauté telle que conçue par le
bamoun. Le mot ndâ devant yusiéne exprime la
sincérité.
· la paraphrase explicative
Le traducteur est souvent confronté à des
ambiguïtés dues à l'absence d'éléments
référentiels auxquels se rapporte la métaphore. Il
éprouve alors le besoin de rendre le texte cible plus clair et plus
compréhensible. Il utilise par conséquent des formes plus
explicites et plus étoffées.
Exemple 7 : traduction des métaphores par
paraphrase explicative
3) Mon rocher, ma forteresse
|
&&&&&&&&&&&Ngà-yinkuor
Ngâ-yingume a,
|
|
Mon asile protecteur, Ngà-yintùe' she a me
mbue ngam
Mon recours dans la détresse Ngà-fueshe ntu a
tù ngùe sha
4) Miséricorde insondable!
&&&&&&&&&&&Nyinyi wi Tâta,
gà-ghùe' nzén,
Dans (3) le traducteur a procédé à
l'explication des termes forteresse, asile protecteur et recours. Ces termes
renvoient à Jésus Christ. Dans le texte source, il est
représenté par des lieux, tandis que le traducteur utilise une
personnification pour relever la nuance. La
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miséricorde insondable de l'exemple (4) est une
périphrase métaphorique qui représente Dieu. La traduction
décrit juste cette image.
· l'innovation créative
Nous parlons de ce procédé toutes les fois que
le traducteur innove selon le contexte et les besoins stylistiques de
l'énoncé cible. Il injecte ainsi à ce dernier une forme
esthétique, modelée par son don créatif.
Exemple 8 : traduction des métaphores par
innovation créative
5) Rends-toi maître de nos
âmes&&&&&&&&&.Yâ nkut
nshür u tù lamntù shü,
6) Le péché vainqueur règne en
moi&&&&&&&&Mbükér a sue wetne ndun
me !
Le traducteur utilise l'image d'un palais (nshüt)
dans (5) pour décrire l'idée de l'âme dirigée
par le maître qui n'est personne d'autre que Jésus Christ.
Littéralement la traduction en shüpamom se dirait « viens
construire ton palais dans nos coeurs ». Dans (6) le péché
est personnifié en français, tandis qu'il est resté
abstrait en shüpamom.
· l'équivalence culturelle
L'équivalence concerne beaucoup plus les expressions
idiomatiques ainsi que les figements et toute traduction littérale dans
un tel cas, aboutirait nécessairement à des contresens.
Exemple 9 : traduction des métaphores par
équivalence culturelle.
7) J'ai soif de ta
Présence&&&&&&&&&&&&&&&Yésu
nji u lo' njâ a
8) Et que sur moi descende
&&&&&&&&&&&&&& Ngu' mfa
mboutne shu ne pü
La flamme du saint lieu ! Shü' mû
Yîéne ndun pü
L'équivalence culturelle de soif est traduite dans (7)
par le nom njié qui signifie besoin. Une adaptation
culturelle est utilisée dans (8) pour paraphraser la métaphore.
Le nom mbouotne signifie bénédiction. Ainsi donc, la
flamme qui descend du saint lieu est assimilée à une
bénédiction divine.
· l'élision totale
Le traducteur peut toujours innover procédant ainsi
à une réécriture dans un style poétique ou comme
l'exige le texte cible ou alors, il peut procéder par une élision
totale de la métaphore.
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Exemple 10 : traduction des métaphores par
élision totale.
9) Que l'ennemi, plein de rage & Satan run ne
mbim, nkùe nkû mi
Redouble ses coups Tamshe wu pue mén.
10) Ton sang versé me
blanchira&&&&&&&&&&Mo' Nyinyi ndi ', a
li na wu,
Ton Saint-Esprit m'affranchira, Ngâ-wume pùen
pit nkù ndi wu
Ta richesse m'enrichira, M'a nkù nzé tu
mànjé po n'u.
Dans les exemples (9) et (10) le traducteur a
réécrit les vers en gardant le fond du message. L'idée de
l'ennemi qui redouble ses coups est remplacée par Satan qui, plein de
rancoeur, affûte ses armes pour attaquer. Le paradoxe du sang
versé qui blanchit a été omis au profit d'un tout autre
message qui garde cependant l'idée du Dieu libérateur. Les
résultats de notre étude sur la traduction des métaphores
nous permettent d'affirmer que malgré les différences culturelles
et linguistiques, une approche interprétative dans le processus
traductionnel permet d'établir des passerelles entre les cultures.
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