3.5. LES PARAMÈTRES LINGUISTIQUES
La musique a une forme instrumentale et verbale. L'aspect
verbal inclut un système de parole et d'éléments
linguistiques. Le musicotraducteur doit donc impérativement
connaître et comprendre la langue source, c'est-à-dire la langue
dans laquelle est écrit l'air de musique qu'il doit traduire. Ceci est
d'autant plus important que le domaine religieux utilise une terminologie qui
lui est particulière et se distingue de l'usage du vocabulaire
général. La structure syntaxique, le choix des mots, la
phraséologie, la collection, les usages et autres formes de
rédaction des textes religieux et de la musique religieuse respectent
une déontologie et suivent un protocole prédéfini qui
existe et est d'ores et déjà utilisé depuis la traduction
de La Bible. Le musicotraducteur doit donc connaître cette
langue consacrée et disposer d'une documentation ou d'une terminologie
de référence fournie par les Bibles, les livres de psaumes, de
lecture et de prière.
Au même titre que la langue source, le musicotraducteur
doit avoir une maîtrise de la langue cible, de ses tournures
linguistiques et de son génie. La traduction des cantiques étant
un domaine technique de la traduction, en général, et de la
traduction musicale, en particulier, le musicotraducteur doit
privilégier le recours à la terminologie religieuse cible au
détriment de son vocabulaire général qui peut, dans une
certaine mesure restreinte, être consulté pour
référence. La traduction des cantiques en shüpamom demandera
au musicotraducteur de consulter toute documentation religieuse en langue
bamoun, lorsque les pièces à traduire sont dérivées
ou inspirées des passages bibliques spécifiques. Par exemple, les
cantiques 25 et 26 de SAF sont respectivement inspirés des Psaumes 68 et
36 de La Bible. Les traductions de ces deux chants devront, afin de
demeurer thématiques d'une part, recourir au livre des psaumes.
49
D'autre part, tous les aménagements
supplémentaires relatifs au besoin de fidélité ou de
recréation devront s'opérer sur la base des
références bibliques consacrées en langue bamoun.
3.5.1. LE STATUT DES LANGUES
L'exercice de traduction, qui se pratique toujours entre deux
langues, peut impliquer deux langues de même statut, tout comme il peut
réunir deux langues de statuts différents. Ainsi, l'on peut
traduire de l'anglais vers français, ou du medumba vers le
shüpamom, tout comme l'on peut le faire en sens inverse. Connaître
le statut des deux langues est très important pour le musicotraducteur.
Cette approche lui donnera la possibilité de définir une attitude
précise à adopter face à celles-ci. En effet, traduire de
l'anglais vers le français ne demande pas le recours aux mêmes
techniques et procédés que traduire du français ou de
l'anglais vers le shüpamom, par exemple. On peut passer par une modulation
dans une langue indo-européenne à une transposition ou une
adaptation dans une langue africaine. Chaque langue est dotée de
caractéristiques linguistiques intrinsèques qui lui sont propres
et ne peuvent être utilisées de manière interchangeable
entre les langues. En effet, une langue à ton ne peut se voir imposer
une intonation qui n'existe pas dans son système par le simple fait que
la langue de départ est intonative, ou alors devenir atone parce que la
langue de départ est atone.
Chaque langue a une manière spécifique
d'exprimer les émotions et les idées de ses locuteurs. Ce serait
un atout pour le musicotraducteur de connaître les mille et une tournures
langagières qui embellissent la langue d'arrivée et lui donnent
des traits qui lui sont propres et la distinguent des autres langues. La
créativité et le génie du traducteur doivent pouvoir
s'exprimer librement. Mais il est important de garder un certain degré
de recréation et de fidélité pour ne pas
complètement modifier la structure musicale de l'Suvre d'origine. Dans
ce cas, le traducteur devra recourir à une adaptation en fonction du
choix des mots et du chant à traduire, s'assurant de restituer le
message dans son essence et son entité. Au cas contraire, les tons et
les accents créent des modulations sémantiques. Si la langue
dispose d'un génie littéraire, elle dispose, à n'en point
douter, d'un génie musical qu'il incombe au traducteur de transmettre ou
de retransmettre. Ce génie peut se manifester, si nécessaire, et
en cas de besoin, par des jeux de mots, des tournures figées, des
idiomes, des adages, des paraboles, des jeux d'allitération ou
d'assonance, des figures de style et de rhétorique.
50
Pour récapituler, il était question pour nous de
présenter les facteurs clés qui orientent la traduction des
chants religieux. Nous pouvons retenir que la traduction musicale, en
général, et la traduction des chants religieux, en particulier,
doivent prendre en compte les paramètres théoriques,
poétiques, linguistiques, bibliques et culturels. Il est primordial
d'associer les théories de la traduction aux théories
spécifiques à la pratique musicale. Nous allons donc à la
lumière de ce guide méthodologique rechercher les constituants de
la traduction dans yùopnké pùen kristo.
CHAPITRE 4 :
LES CONSTITUANTS DE LA TRADUCTION DANS YÙOPNKE
PÙEN KRISTO
52
La particularité de la traduction musicale
réside dans le fait qu'il faut concilier texte, mélodie,
harmonie, rythme pour que le texte soit chantable. Les chants traduits dans
Yùopnké pùen kristo sont aussi bien chantables en
shüpamom qu'en français. Nous nous sommes interrogé sur les
mécanismes qui ont permis cette harmonie.
Dans une analyse quantitative et qualitative, ce chapitre
examine les constituants spécifiques de la traduction dans
Yùopnké pùen kristo à travers dix chants
que nous avons sélectionnés. Il sera question de préciser
les particularités de la traduction musicale
français-shüpamom. A l'aide des théories de traductions et
des théories de traduction musicales que nous avons
présentées, nous allons évaluer la récurrence de
dix éléments dans la traduction des chants en shüpamom pour
présenter les traits qui ont permis d'arriver à la
chantabilité. Les éléments pris en compte sont le nombre
de mots, les syllabes, la traduction littérale, les omissions, les
additions, les métaphores, les rimes, la réorganisation du texte,
les paraphrases, et les emprunts.
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