ABSTRACT
This study investigates features governing singability in the
translated hymn entitled Yùopnké pùen kristo.
Three translation theories suitable for translation and music served as basis
for examining the choices made by the translator: Skopos theory, interpretative
theory and the Pentathlon principle. Using ten songs from the French hymn
Sur les ailes de la foi and their translations in
Yùopnké pùen kristo as case studies, ten
reoccurring features were examined in the Shüpamom translation of these
songs. They include the following: number of words in the source and target
texts, rhythm, literal translation, addition and subtraction, translated
metaphors, rhyme, text restructuring, paraphrasing and borrowing.
Based on the analysis of meaning, naturalness in translation
as well as singability, the following findings were reached: adaptation was
frequently used in the translated songs; features governing singability take
precedence in translation; rhyme is the most neglected aspect in the target
text; preserving the source text's meaning, naturalness, rhythm and singability
in the target text is most difficult when translating songs from French to
shüpamom; creativity and aptness in theories relating to music,
linguistics and poetry are required when translating songs; the translator
needs to focus on the purpose of the translated text.
Key words: translation and music, hymns,
Pentathlon theory, meaning, rhythm, naturalness, singability.
0. INTRODUCTION
GÉNÉRALE
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La langue est le moyen de communication le plus important. La
diversité des langues est aussi grande que la diversité des
peuples. C'est pourquoi nous avons besoin de traducteurs, car ils
allègent les relations entre les hommes et rendent les oeuvres des
auteurs étrangers plus accessibles et compréhensibles pour nous.
Les recherches sur la traduction entre deux langues qui partagent la même
racine sont assez fréquentes. C'est un phénomène similaire
en traduction musicale, l'un des domaines novateurs de la traductologie.
Cependant, on trouve peu de recherches en matière de traduction des
chants religieux entre une langue européenne et une langue
camerounaise.
Le Cameroun compte deux langues officielles et environ 250
langues nationales. Les deux langues officielles sont les avantages datant de
la période coloniale. Cependant, à l'arrivée de
l'évangile au Cameroun, les premiers missionnaires ont dû faire
face à la barrière linguistique. C'est pourquoi les traductions
en langues locales se sont particulièrement développées
à cette période. La nécessité s'imposait à
cause des multiples défis de communication que
l'évangélisation présentait. Dans la foulée,
plusieurs chants chrétiens ont été traduits dans diverses
langues locales. Ainsi chez les bamoun, les premiers pasteurs autochtones se
sont prêtés à cet exercice avec l'aide des missionnaires.
À l'écoute, le résultat est très satisfaisant.
Comment ont-ils réussi à rendre en shüpamom des chants
originellement composés en français ? Ce phénomène
a éveillé notre intérêt.
Dans l'église, le chant est et demeure important pour
les hommes qui louent Dieu. Les hommes l'utilisent pendant leurs moments de
joie et de peine pour glorifier l'éternel, ou pour leur
épanouissements personnel. Selon Yang (2014: 27),
It is often believed that music has the power to affect
and influence our emotions, wisdom and psychology; it can alleviate our
loneliness or stir our passions. In ancient China, Confucius (551-479 BC)
considered music to play an important place in the service of a good-ordered
moral world. He thought of government and music as reflecting each other and
held that only the superior man that is able to enjoy and appreciate music can
be equipped to govern. Music, he believed, reveals personalities through the
six emotions that it can be described as: joy, anger, sorrow, love, piety,
satisfaction. According to Confucius, great music is harmonious with the whole
universe. It is harmony that brings the physical world into good order. As a
mirror of personality, music makes deception or impossible.
La musique est un langage universel, car pouvant transcender
les barrières linguistiques. Il est facile de reconnaître la
mélodie d'une chanson populaire écrite en une langue qu'on
ignore. Cependant, la fidélité en traduction musicale suscite
plusieurs interrogations. Selon Susam Sarajeva (2008 :188), l'attention
portée à la traduction musicale par les traductologues
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est assez récente. Il a fallu du temps pour que
musicologues et traducteurs s'intéressent chacun au domaine de l'autre.
Low (2003) explique que le texte cible doit correspondre à la musique
préexistante avec ses rythmes, ses valeurs de notes, ses phrasés
et ses accents tout en gardant l'essence du texte source. En outre, il y a
certaines contraintes spécifiques dont il faut tenir compte. Il s'agit
de la chantabilité, du sens, du naturel, du rythme et de la rime.
Le chant fait aussi partie intégrante des temps forts
d'un culte à l'Église évangélique. Il rend celui-ci
vivant et gai. Dans la communauté chrétienne protestante bamoun,
l'utilisation des chants rassemblés dans le recueil
Yùopnké pùen kristo est indispensable pendant le
culte. La mélodie et les textes de ces chants sont puisés dans
les recueils tels que : Sur les ailes de la foi, Sacred songs and solos,
Chants de victoires, Hymnes et louanges, Louanges et prières. Ces
chants s'exécutent très bien en shüpamom. Face à
cette aisance d'exécution, nous nous sommes interrogé sur la
méthodologie et les théories qui ont encadré ces
traductions ? Nous avons donc décidé de mener cette étude
intitulée: historicité et traduction musicale dans
Yùopnke pùen kristo me shüpamom : Essai d'évaluation.
Il sera question de préciser les facteurs qui ont permis
la chantabilité dans 10 chants tirés de Yùopnke
pùen kristo ; en d'autres mots, nous cherchons à savoir
quelles théories sont appliquées par les traducteurs dans la
traduction de 10 chants tirés de Yùopnke pùen
kristo.
0.1. OBJECTIFS ET INTÉRÊT DE
L'ÉTUDE
L'objectif, défini de façon précise,
permet d'éviter d'éventuels égarements. Notre travail
consistera à évaluer 10 cantiques tirés de Sur les
ailes de la foi à leurs traductions en shüpamom dans
Yùopnké Pùen kristo. Il sera question ici de
relever, à travers une analyse quantitative et qualitative, les
particularités de la traduction musicale du français vers le
shüpamom. Nous voulons aussi montrer les choix opérés par le
traducteur pour parvenir à des cantiques chantables. De plus, nous
voulons contribuer à l'élaboration d'une méthodologie de
la traduction entre deux langues de statuts différents, permettre aux
futurs musico-traducteurs de pratiquer la traduction musicale suivant une
démarche scientifique. Enfin, nous voulons valoriser la culture bamoun,
promouvoir la traduction des chants religieux en général, et
particulièrement en shüpamom.
La particularité de cette étude réside
aussi dans le fait qu'en traduction musicale, il est impératif de
concilier texte, mélodie, harmonie, rythme et chantabilité.
Enfin, notre étude viendra préciser les facteurs clés
à prendre en compte dans la traduction des chants chrétiens en
shüpamom ainsi que les difficultés qui s'y présentent.
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0.2. PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES DE
RECHERCHE
Plusieurs cantiques chrétiens ont été
traduits dans nos langues nationales. Ce travail s'interroge sur les
paramètres et les stratégies qui ont guidé la traduction
de ces cantiques. La motivation de cette recherche vient du fait que nous avons
constaté le naturel avec lequel les chants traduits dans
Yùopnké pùen kristo sont exécutés
par les chrétiens. Nous nous sommes posé la question de savoir
comment des cantiques qui, au départ, étaient composés
pour être chantés dans des langues européennes sont
parfaitement exécutés en shüpamom. Quels ont
été les choix opérés par le traducteur pour
parvenir à une harmonie entre paroles et musique pour en faire des
textes « chantables » ? La problématique de notre recherche se
formule donc de la manière suivante: Les théories de traduction
des chants sont-elles applicables à la traduction en shüpamom ? Les
questions de recherche qui se dégagent de la problématique
sont:
- Quels sont les éléments pris en compte dans la
traduction de Yuopnke pùen kristo ?
- Quels sont les obstacles liés à la traduction
musicale français-shüpamom?
- Yuopnke pùen kristo est-il une traduction ou
une adaptation à l'idiomaticité du shüpamom ?
Toute recherche scientifique a pour objectif de trouver une
réponse à une question ou mieux de trouver une solution à
un problème. L'hypothèse donne alors à la recherche le but
d'infirmer, de confirmer ou de nuancer une affirmation. L'hypothèse
générale est globalisante et constitue la base qui sous-tend
toute la recherche. Elle permet de guider une réflexion plus approfondie
et les hypothèses de recherche apportent un appui à
l'hypothèse générale, car elles permettent de la rendre
opérationnelle. En outre, l'hypothèse générale
oriente et précise certains choix relatifs aux objectifs de la
recherche. Notre hypothèse générale se décline
comme suit: la musique est universelle et la traduction est une science
multidisciplinaire. Par conséquent, les théories de traduction en
général et de la traduction musicale en particulier
s'appliqueraient à toutes les langues, en l'occurrence le shüpamom.
Les hypothèses de recherche qui en découlent sont:
- Le sens, la chantabilité, le rythme et le naturel
seraient les facteurs les plus importants dans la traduction de
Yùopnké pùen kristo.
- Les paramètres poétiques constitueraient
l'obstacle majeur dans la traduction des chants du français au
shüpamom.
- Pour arriver à des cantiques chantables dans
Yùopnké pùen kristo , le traducteur a dû
opérer des changements structurels imposés par le génie de
la langue et les théories musicales.
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0.3. CADRE THÉORIQUE
Notre travail relève de la traduction et du contact de
deux langues de racines différentes. Pour ressortir les marques de la
traduction musicale du français vers le shüpamom, nous nous
appuierons sur des théories telles que:
- Le Pentathlon principle. Théorie
développée par Peter Low et Johan Franzon, qui préconise
l'utilisation de cinq critères en traduction musicale à savoir:
la chantabilité, le sens, le rythme, la rime, et le naturel.
- La théorie interprétative dite de
l'École de Paris. Développée par Marianne Lederer et
Danica Seleskovitch, cette théorie de sens est basée sur les
concepts d'interprétation, de déverbalisation et de
reformulation.
- La théorie du SKOPOS ou approche fonctionnaliste
guidera aussi notre travail. Vermeer et Reiss précisent que c'est
l'objectif que doit atteindre un texte qui détermine les choix que le
traducteur doit opérer.
0.4. DÉLIMITATION DU SUJET
Délimiter le sujet permet de circonscrire, de
préciser le champ et l'étendue du domaine d'un travail de
recherche. Cette étape de notre travail nous permet de restreindre
l'étude à un thème bien déterminé. Conscient
des questions qui pourraient naître de notre recherche, celle-ci se
focalisera sur l'analyse de la traduction de 10 chants traduits dans
Yùopnké pùen kristo. Il sera donc question de
préciser les particularités de cette traduction et de
répondre à la question de savoir si la traduction dans
Yùopnké pùen kristo est une pure adaptation.
0.5. ORGANISATION DU TRAVAIL
Le présent travail est constitué de cinq
chapitres. Le premier chapitre traitera de la traduction en
général dans le contexte camerounais et de l'historicité
de la traduction en pays bamoun. Ce chapitre est en effet une mise en contexte
historique de la traduction au Cameroun en général et dans le
royaume bamoun en particulier. Le deuxième chapitre, quant à lui,
présente l'état de la question dans le domaine de la traduction
musicale des chants religieux. Le troisième chapitre aborde les
paramètres relatifs à la traduction musicale, tandis que le
quatrième chapitre est un essai d'évaluation de la traduction de
dix cantiques, traduits du français en shüpamom. Le
cinquième chapitre enfin est une traduction commentée de deux
chants chrétiens du français en shüpamom.
CHAPITRE Ïer :
APERÇU HISTORIQUE DE LA TRADUCTION AU CAMEROUN
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Déterminer de façon précise le moment
où les traductions sont apparues semble très difficile. La
communication est un besoin primaire chez l'être humain depuis ses
origines. Cependant, l'hypothèse de la tour de Babel représente
pour les judéo-chrétiens le moment zéro de la traduction.
L'évolution de la traduction à travers l'histoire est permanente.
Cette évolution historique n'est pas dissociable de la naissance ou du
développement de certaines théories de traduction. Il importe de
comprendre l'évolution de la traduction à travers l'histoire du
Cameroun.
Il sera question dans ce chapitre de definir les mots
clés de notre thème, puis de dresser un aperçu historique
de l'évolution de la traduction dans le contexte camerounais de la
période précoloniale à la période postcoloniale.
Nous présenterons aussi l'histoire du peuple bamoun part rapport
à la traduction. Une approche chronologique va nous aider à
revoir les grands moments de la traduction au Cameroun en général
et en pays bamoun en particulier. Il s'agit ici de donner une vue
générale de l'évolution de la traduction dans notre
pays.
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1.1. DÉFINITION DES CONCEPTS
1.1.1. HISTORICITÉ
Selon le centre national de ressources textuelles et lexicales
(Cnrtl), l'historicité c'est le caractère d'un fait,
d'une personne qui appartient à l'histoire, dont la
réalité est attestée par elle. En d'autres mots, ce terme
est d'abord employé pour exprimer qu'un événement a
réellement eu lieu et n'est pas une simple tradition légendaire.
Ainsi, l'on parlera par exemple de l'historicité de la fondation du
royaume bamoun, ou de l'historicité de l'indépendance du
Cameroun. Il est évident que la création du terme
historicité évoque l'âge de l'histoire critique,
laquelle reposait, comme science consciente d'elle-même, sur la
désagrégation de la tradition légendaire. Une
évaluation objective de la traduction des cantiques qui font l'objet de
notre étude, exige une mise en contexte historique. Quels sont les
concepts et les paradigmes qui à différents moments de l'histoire
du peuple bamoun ou de l'église évangélique, ont
déterminé la valeur des textes traduit ?
1.1.2. TRADUCTION
Bon nombre de théoriciens et de traducteurs sont
d'accord en ce qui concerne la difficulté de donner une
définition pertinente du mot traduction. Il en résulte le plus
souvent une description; d'où la complexité de cette
opération. Toutefois, il existe une pléthore de
définitions pour le vocable traduction et toutes se valent ou
mieux se complètent. De son étymon latin traductio, le
terme traduction signifie conduire à travers ou passer d'une
langue à l'autre au sens propre. Selon Nida et Taber (1969:12) , «
Translation consists in reproducing in receptor language the closest natural
equivalent of the source language message, first in terms of meaning and
secondly in terms of style. » Pour eux, il est essentiel de reproduire
dans la langue réceptrice le message de la langue source au
moyen de l'équivalent le plus proche et le plus naturel d'abord
en ce qui concerne le sens, ensuite en ce qui concerne
le style. En bref, traduire selon Grandjouan (1971: 227) , c'est
« dire bien dans une langue qu'on sait très bien, ce qu'on a
très bien compris dans une langue qu'on sait bien. ». De ce qui
précède nous pouvons dire que la traduction musicale ou
traduction des chants, consiste simplement à traduire un texte
destiné à être chanté.
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