III.2. La créativité
La psychologie de la créativité prendra son
essor essentiellement dans la seconde moitié du XXème
siècle, et en particulier grâce aux travaux de Guilford (1950).
Celui-ci va suggérer que la créativité requiert des
capacités intellectuelles comme la facilité à
détecter les problèmes, des capacités d'analyse,
d'évaluation et de synthèse, ainsi qu'une pensée fluide et
flexible. Puis, il va élaborer une théorie factorielle de
l'intelligence (Structure of Intellect) composée de cinq
opérations intellectuelles (cognition, mémoire, pensée
divergente, pensée convergente et évaluation).
La vision classique de la créativité
fondée par Guilford (1950) repose sur ce principe dichotomique
divergence/convergence. La démarche créative commence par la
reconnaissance d'un problème. À partir de là, un processus
de divergence s'engage, et finalement se termine, par convergence, dans une
nouvelle solution du problème (de la « perception analytique »
qui nécessite la pensée convergente, l'« incubation »
et l'« illumination » nécessitant la pensée divergente
et enfin l'« évaluation » avec la pensée convergente de
nouveau).
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Voici un tableau explicatif qui met en évidence les deux
modes de pensées présentés par Guilford qui sont
impliqués dans la créativité mais diffèrent par
leur nature.
Tableau 1 : Pensée
convergente et divergente
PENSÉE CONVERGENTE
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PENSÉE DIVERGENTE
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- Pensée qui travaille sur le mode rationnel.
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- Pensée qui travaille sur le mode intuitif,
irrationnel.
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- Catégorisation et Rigueur
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- Fantaisie, imagination.
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- Raisonnement logique, mathématique,
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analytique, problèmes rationnels.
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- Capacité à générer plusieurs
idées nouvelles.
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- La bonne réponse.
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- Flexibilité, habileté de passer d'une
perspective à une autre, originalité.
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- Classe, hiérarchise.
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- Associe, diffuse.
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- L'identique.
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- Le nouveau, le discontinu.
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La première méthode est mathématique,
rationnelle donc convergente car elle se centre sur le problème et la
découverte de la solution par raisonnement logique. La seconde
méthode est intuitive, irrationnelle donc divergente car elle
s'éloigne du problème (Guiford, 1950). Dans la même
idée, pour Lubart, la pensée convergente cherche une seule bonne
réponse, la réponse unique, « optimale » et la
pensée divergente recherche des idées éloignées,
originales de la réponse unique. Pour Torrance (1976), cette
réponse originale nécessite beaucoup plus d'énergie
intellectuelle que la réponse unique, commune ou évidente.
Une autre caractéristique des individus créatifs
selon Guilford (1950), c'est qu'ils seraient en mesure de « voir ce
que les autres ne voient pas » et de développer un «
style de pensée divergent ». Ce style de pensée est mis
en oeuvre par des individus qui sont capables de faire varier les perspectives
ou les points de vue qu'ils adoptent et d'utiliser des registres de
connaissances très différents de ceux habituellement
mobilisés (Lubart, 2003).
D'après la théorie de Mednick, en 1960, la
créativité est, en effet, dépendante de la structure des
connaissances des individus et notamment du lien entre ces connaissances,
puisque pour lui les capacités associatives sont à la source du
potentiel créatif. Selon de nombreux auteurs, les aptitudes cognitives
contribuent à la pensée créative, mais la
créativité
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ne peut s'exercer que si nous disposons déjà de
connaissances suffisantes sur le domaine (Feldhusen, 1995 ; Wiley, 1998,
citée par Borst, Dubois et Lubart, 2006).
Enfin, Lubart (2003) mentionne aussi plusieurs
capacités intellectuelles identifiées cognitivement comme
essentielles à la créativité dont la pensée
divergente et convergente, la flexibilité cognitive, la capacité
à identifier et définir le problème, l'encodage
sélectif, la combinaison et la comparaison sélective (analogie,
métaphore).
Etre créatif, c'est donc être stimulée
cognitivement. L'individu voit, en effet, sa créativité
exacerbée au fur à mesure qu'il se trouve en présence
d'autres personnes (qui lui posent des questions ou dont la discussion
l'amène à un exercice mental plus poussé) ou d'autres
situations environnementales (ou les solutions face un problème sont
plus originales, plus divergentes) et qui le poussent donc à une
stimulation cognitive et créative plus constante.
Cette stimulation n'est pas uniquement cognitive ; elle met en
jeu aussi des aspects motivationnels qui pourraient multiplier le
caractère stimulant de l'activité créative comme les
émotions (« positives » ou « négatives »,
elles amènent à un exercice mental plus poussé) et la
personnalité de l'individu (quelqu'un d'ouvert à de nouvelles
expériences et qui prend des risques développe plus de
créativité). Plus il se trouve en situation de recherche et
d'invention plus il fait appelle à sa créativité et plus
il crée et est stimulé. L'exercice mental créatif ainsi
exercé de manière plus fréquente devrait amener à
un déclin cognitif plus favorable.
Ce qui amène à s'intéresser à
plusieurs index de stimulation comme présenté dans la Figure 2 de
l'approche multivariée de la créativité de Lubart avec les
différents facteurs qui peuvent justement stimuler cette
créativité.
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Figure 2 : L'approche
multivariée de Lubart, 2003
Cette approche présente l'intérêt de
rendre compte des caractéristiques des individus pouvant faire preuve de
créativité. Celle-ci dépend des différents facteurs
cognitifs (intelligence, connaissance), conatifs (style, personnalité,
motivation), émotionnels et environnementaux. Lubart suggère donc
que le potentiel créatif d'une personne serait le résultat de la
combinaison de tous ces facteurs.
Ainsi, chaque individu possèderait un profil
d'aptitudes sur ces différents types de ressources, lié à
son potentiel créatif.
La stimulation de la créativité n'est donc pas
uniquement cognitive car elle met en jeu aussi des aspects motivationnels qui
peut multiplier le caractère stimulant de l'activité
créative. Cette production créative multipliée peut amener
à une meilleure habileté cognitive.
Voici, dans la partie suivante, les mesures de la
créativité utilisé afin d'évaluer le potentiel
créatif des participants de cette étude.
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