SECTION II : LA QUESTION DE LA MISE EN OEUVRE DE
L'INTERVENTION MILITAIRE EN LIBYE ET EN SYRIE, LE ROLE PREPONDERANT DU CONSEIL
DE SECURITE
La validation de certaines insurrections par le droit
international, s'accompagne souvent de mesures visant à assurer la paix
et la sécurité dans le monde. Mais également et surtout de
la protection des droits et libertés fondamentaux de la personne, des
Droits de l'Homme qui seraient mis en branle dans un conflit armé
d'origine insurrectionnelle. C'est dans cette logique que s'inscrit
l'intervention militaire en Libye, et laquelle est envisagée en
Syrie.
Pour comprendre l'intervention militaire, il faut tout d'abord
s'arrêter sur son fondement juridique (Paragraphe I) avant de voir
comment elle est conduite (Paragraphe II)
PARAGRAPHE I : LE FONDEMENT JURIDIQUE DE L'INTERVENTION
MILITAIRE
Le fondement juridique parle ici de la base légale qui
a soutenu l'opération militaire dirigée contre la Libye et
envisagée actuellement en Syrie. Le recours à la force est
illicite dans les relations internationales. Mais il est exceptionnellement
admis dans deux hypothèses à savoir : l'exercice du droit naturel
de la légitime défense et dans le cadre de la
sécurité collective.
Pour parvenir à comprendre l'intervention militaire, il
est nécessaire de premièrement qualifier les situations de 2011
en Libye et en Syrie au regard du chapitre VII de la Charte des Nations unies
(A), ce qui déboucherait sur l'adoption d'une résolution par le
Conseil de sécurité (B)
A - LA QUALIFICATION DES SITUATIONS EN LIBYE ET EN
SYRIE EN VERTU DU CHAPITRE VII DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES
La qualification est une « opération de
l'intelligence consistant à rattacher un acte, un fait, une situation
juridique à un groupe existant »191
191 GUILLIEN(R) et VINCENT(J) et autres,
Lexique des termes juridiques, 13ème éd,
Paris, Dalloz, 2001, op.cit. p. 452.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
Devant les situations de violences, de violations graves et
massives des Droits de l'Homme qui causent péril, le Conseil de
sécurité ne saurait rester indifférent. Il a en effet
« ... la responsabilité principale du maintien de la paix et de
la sécurité internationales (...) »192. A
cet effet, il constate « l'existence d'une menace contre la paix,
d'une rupture de la paix ou d'un acte d'acte d'agression »193
C'est ce qui a été fait en Libye, et le Conseil
de sécurité a qualifié la situation de
menace pour la paix (1). En revanche, dans le cas syrien il y
a certes au regard des faits une menace pour la paix, mais le Conseil de
sécurité ne l'a pas qualifié ainsi (2)
1 - La situation en Libye, une menace pour la paix et la
sécurité internationales
Les évènements de 2011 en Libye ont
consterné la communauté internationale. Ils ont été
à l'origine de multiples rencontres au sommet.
Le 26 Février 2011, le Conseil de
sécurité adopte la résolution 1970 (2011). Elle met en
place les premières sanctions. Elle définit un
ensemble de mesures coercitives contre le
régime de Kadhafi.
Cette résolution contient globalement :
la condamnation de la violence et la satisfaction face aux
réactions de la Ligue arabe,
de l'Union africaine et de l'Organisation de la Conférence
islamique.
la saisine de la Cour pénale internationale (CPI) pour les
« crimes contre l'humanité »
commis par le régime libyen.
l'embargo sur les armes et le matériel connexe
la liste des personnes interdites de voyage
la liste des personnes dont les avoirs ont été
gelés
la mise en place d'un « comité » rattaché
au Conseil de sécurité pouvant prendre des
sanctions à l'égard de la Libye.
La demande aux Etats membres de l'ONU d'appuyer les agences
humanitaires
192 Art 24 para1, Charte des Nations unies,
op.cit.
193 Ibid., art 39.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
« Déplorant que les autorités libyennes
ne respectent pas la résolution 1970 (2011) »194 le
Conseil de Sécurité est remonté au créneau. Sa
réaction ne s'est pas fait attendre. Le 17 mars 2011, il adopte la
résolution 1973 (2011).
Elle réaffirme la résolution 1970 (2011),
appelle à protéger les civils, exige un cessez-le-feu tout en
excluant une intervention par voie terrestre. Elle instaure une zone
d'exclusion aérienne sur la demande du Conseil des Etats de la Ligue
arabe formulée le 12 mars. Met en place un groupe d'experts ayant pour
mission d'appuyer le « comité » de sanctions
créé par la résolution 1970.
Il faut reconnaitre ici que la résolution 1973, ne
mentionne pas de façon explicite une intervention militaire. Celle-ci
est le résultat d'une interprétation large de son paragraphe 4
qui invite tous les Etats à « prendre toutes les mesures
nécessaires (...) pour protéger les populations civiles et les
zones civiles menacées »195 en Libye
Au final, l'intervention militaire en Libye trouve son
fondement juridique dans l'interprétation de l'expression «
mesures nécessaires » évoquée dans la
résolution 1973(2011)
Qu'en est -il de la Syrie ?
2 - La situation en Syrie, une menace factuelle pour
la paix et la sécurité internationales mais non qualifiée
par le Conseil de sécurité
La situation en Syrie est très préoccupante.
« Le dernier décompte officiel de l'ONU est accablant : le conflit
syrien a fait plus de 100 000 victimes et on ne compte plus le nombre de
déplacés en dehors des frontières du pays 160 000 en
Jordan, 530 000 au Liban »196. Le bilan ne cesse de s'alourdir
chaque jour. Forces gouvernementales et insurgés se livrent une bataille
sans merci. C'est la population essoufflée par les attaques multiples et
autres exactions qui payent le lourd tribut.
A la lumière de ces faits, il est clair que la
situation en Syrie constitue une menace pour la paix. Jusqu'à ce jour,
cette n'a fait l'objet d'aucune qualification par le Conseil de
sécurité. Il s'est pour le mieux, contenté de formuler des
projets de résolutions, quelques recommandations qui on le sait n'ont
aucune force contraignante sur le plan juridique.
194 CS/RES/1973 (2011) du 17 mars 2011,
op.cit.
195 Ibid. para 4.
196 PELTIER (M), BOSSUT (N), « conflit
syrien : Aux sources de l'immobilisme international », in Pax Christi,
Bruxelles, juillet 2013, p.1.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
Mis en parallèle avec le cas libyen, l'on peut
légitimement s'interroger pourquoi face à des situations
juridiques identiques la réponse du droit international n'est pas la
même ? Ceci peut ouvrir la voie à des jugements de valeur et
remettre en cause l'objectivité du Conseil de sécurité.
Mais ces réponses différentes du droit international devant des
situations juridiques similaires, fondent davantage l'intérêt de
cette étude qui s'attèle à rechercher le régime
juridique de l'insurrection.
Une fois la situation qualifiée conformément au
chapitre VII, ne reste plus qu'à avaliser l'intervention militaire par
une résolution.
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