B - L'INSURRECTION EN VERTU DE L'OPPRESSION
GOUVERNEMENTALE : LA CONSOLIDATION DU PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
DANS LE CONFLIT LIBYEN
De tout temps et en tout lieu, lorsqu'un peuple est victime
d'un pouvoir tyrannique, lorsqu'il voit ses libertés
étranglées, bafouées, son confort sacrifié sur
l'autel de l'égoïsme de la classe dirigeante, il finit toujours par
prendre les armes. La France en a fait l'amère expérience. On
parle du droit de résistance à l'oppression. De nos jours, cette
option reste une alternative forte envisageable et même souhaitable pour
évincer les régimes autoritaires, ségrégationnistes
ou liberticides. Cela a été le cas en Libye où la
répression sanglante de
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
l'insurrection a justifié une intervention militaire
portée par le principe de la responsabilité de
protéger.
Quel est le contenu de ce principe ? (1) qui souffre
d'instrumentalisation ? (2) 1 - Le contenu du principe
La responsabilité de protéger est un concept
conçu et développé pour l'essentiel par les penseurs du
monde occidental et en cours de timide réception par le droit
international. Ce principe postule qu'il existe une obligation qui pèse
sur les acteurs de la société internationale et se fonde
davantage sur des considérations morales, humanistes et même
philanthropiques que juridiques. Il s'agit pour ces acteurs d'intervenir dans
un Etat face à des situations qui plongent la population dans
souffrances immenses et que les autorités refusent ou sont incapables
d'y apporter solution. De plus en plus, le droit international limite la
tendance des Etats à évoquer et se réfugier sous le
parapluie de la souveraineté, pour s'affranchir des obligations qui sont
les leur quant au respect des Droits de l'Homme.
« La nécessité d'apporter une aide
humanitaire aux populations dont la survie est menacée n'est pas un
phénomène récent »184
L'on est passé du « droit d'assistance » au
« devoir d'assistance » L'expression «responsabilité de
protéger» a été énoncée pour la
première fois dans le rapport de la Commission internationale de
l'intervention et de la souveraineté (CIIS), instituée par le
Gouvernement canadien en décembre 2001. La Commission avait
été formée en réponse à la question
posée par Kofi Annan de savoir quand la communauté internationale
doit intervenir à des fins humanitaires. Le rapport de la Commission,
«La responsabilité de protéger», a conclu que la
souveraineté non seulement donnait à un État le droit de
« contrôler » ses propres affaires, mais aussi lui
conférait la « responsabilité » première de
protéger les personnes vivant à l'intérieur de ses
frontières. Le rapport énonçait la thèse que
lorsqu'un État se montre incapable de protéger sa population,
qu'il ne le puisse pas ou qu'il ne le veuille pas la responsabilité en
passe à la communauté internationale au sens large.
C'est en avril 2006 que, pour la première fois, le
Conseil de sécurité a fait officiellement référence
à la responsabilité de protéger, dans la résolution
1674 sur la protection des civils en période de conflit armé. Le
Conseil de sécurité s'est référé à
cette résolution en août 2006, alors qu'il adoptait la
résolution 1706 autorisant le déploiement de forces de maintien
de la
184 Me PARE (M), « Etat humanitaire, ou
humanitarisme d'Etat ? », R.Q.D.I, (1993-1994), p. 344.
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paix des Nations Unies au Darfour (Soudan). Récemment,
la responsabilité de protéger a figuré en bonne place dans
un certain nombre de résolutions adoptées par le Conseil de
sécurité. La responsabilité de protéger se
décline en trois obligations majeures : la responsabilité de
prévenir, la responsabilité de réagir, et la
responsabilité de reconstruire. Ce principe a été
évoqué pour justifier une intervention militaire en Libye.
Il faut reconnaitre ici qu'en dépit des louables
intentions qui la fondent, la responsabilité de protéger n'en
demeure pas moins une atteinte à la souveraineté des Etats. Sa
mise en oeuvre commande une immixtion dans leurs affaires internes. Ce
comportement demeure prohibé par la Charte des Nations unies qui
explicitement défend d'« ...intervenir dans des affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat
(...) »185
A l'observation, la mise en oeuvre de la responsabilité
de protéger est entachée de fortes présomptions de
partialité. Elle laisse entrevoir des manipulations, la poursuite
d'objectifs politiques inavoués. C'est ce qui donne de penser qu'il y a
instrumentalisation de ce principe.
2 - L'instrumentalisation du principe
La pratique du principe de la responsabilité souffre de
beaucoup de contestations. En Libye par exemple, nombreux sont les libres
penseurs qui y ont vu et lu en débordement du cadre juridique de
l'intervention pour assouvir des desseins géopolitiques et
géostratégiques.
Le principe de la responsabilité de protéger est
présenté comme une profonde réforme du droit international
traditionnel, afin de l'arrimer avec les valeurs actuelles de la
communauté internationale. La mise en oeuvre de ce principe dit t- on
permettrait d'assurer le respect effectif des Droits de l'Homme et du Droit
humanitaire. Mais « l'humanitaire va se trouver instrumentalisé
et mis au service de la puissance. »186. En effet, les
motifs qui guident ces interventions qualifiées à tort ou
à raison d'humanitaires ne sont pas toujours le résultat d'un
l'élan de fraternité, ni celui d'un coeur débonnaire
assoiffé d'amour et de compassion. « Les grandes puissances ont
déployés des troupes pour des motifs humanitaires et l'aide est
devenue une composante essentielle de leur politique étrangère et
prend une part toujours plus importante de l'aide publique au
développement »187.
Ce principe souffre de deux problèmes majeurs. Le
premier est celui du relativisme. Les différentes justifications de
l'intervention dite humanitaire mettent en lumière de façon
185 Art 2 para7, Charte des Nations unies,
op.cit.
186 CROUZATIER (J-M), « Le principe
de la responsabilité de protéger : Avancée de la
solidarité internationale ou ultime avatar de l'impérialisme
? », Revue ASPECTS, no 2, 2008, p. 21.
187 Ibid. pp.13-14.
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aveuglante, la fiction que constitue l'égalité
souveraine des Etats. La responsabilité de protéger devient en
fait une responsabilité assurée par les grandes puissances. Le
second problème est celui du subjectivisme. Les efforts pour imaginer un
droit d'usage de la force dans des cas où une aide
désintéressée serait indispensable aux populations sont
louables. Mais comment réussir l'introduction d'un tel concept dans le
droit international tout en restant objectif ? Parce que « c'est
l'intervenant qui va décider selon ses critères moraux et
politiques »188 On peut aisément comprendre ainsi
que la décision d'intervenir ou pas dans un Etat, est tributaire de
facteurs géopolitiques et géostratégiques. Ceci pourrait
dans une certaine mesure, expliquer l'immobilisme de la société
internationale et l'enlisement du conflit en Syrie. « La leçon
est claire : l'humanitaire n'est qu'un expédient temporaire
»189.
Qu'il s'agisse du « droit d'ingérence », du
« devoir d'ingérence », de « l'intervention humanitaire
» ou de la responsabilité de protéger l'on pourrait
s'accorder avec CROUZATIER et dire que « (...) le projet
impérialiste reste identique, simplement affublé de l'adjectif
humanitaire » 190
Au terme du premier volet de notre analyse sur les
insurrections validées en droit international, il en ressort la
possibilité d'opérer une catégorisation des insurrections
validées. L'on peut distinguer tout d'abord, les insurrections comme
celles de 2011 en Libye et en Syrie, qui remplissant les critères d'un
conflit armée de caractère non international. Il s'agit dans ces
conflits, d'un contrôle d'une partie du territoire par les
insurgés, lesquels agissent sous l'autorité d'un commandement
responsable. Capacité de mener des opérations militaires et
respecter le droit international humanitaire. Ensuite, l'insurrection en vertu
du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et l'insurrection du
peuple sous oppression gouvernementale.
Il faut dire que la réflexion sur les insurrections
validées par le droit international soulève la question de la
mise en oeuvre de l'intervention militaire en Libye et en Syrie, et le
rôle prépondérant que joue le Conseil de
sécurité.
188 CROUZATIER (J-M), « Le principe
de la responsabilité de protéger : Avancée de la
solidarité internationale ou ultime avatar de l'impérialisme
? », Revue ASPECTS, no 2, 2008, op.cit., p. 22.
189 Ibid., p. 21.
190 Ibid., p. 20.
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