PARAGRAPHE II : L'INSURRECTION DES PEUPLES EN QUETE DE
SOUVERAINETE ET DES PEUPLES SOUS OPPRESSION GOUVERNEMENTALE
Le Droit international est comme mentionné plus haut,
implicitement opposé aux mouvements insurrectionnels car ils sont
sources de tensions et d'insécurité à l'échelle
internationale, mais surtout de déstabilisation des Etats. Il est des
circonstances qui imposent un fléchissement de cette position. On peut
citer à ce titre, l'insurrection des peuples en quête de
souveraineté : c'est l'exercice du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes (A) Mais également l'insurrection des peuples sous
oppression gouvernementale (B).
A - L'INSURRECTION EN VERTU DU DROIT DES PEUPLES A
DISPOSER D'EUX-MEMES
Le principe du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes, confondu au droit à l'autodétermination est un
principe largement répandu, et dont l'ancrage dans le Droit
international est fortement marqué. Il consiste pour un peuple soumis
à la domination d'une puissance étrangère, de mener des
actions armées contre celui-ci afin d'obtenir leur
indépendance.
Ainsi, pour en lumière ce principe socle de mouvements
insurrectionnels, il est convenant de tabler tout d'abord sur son contenu et
ses fondements historico-juridiques (1) ensuite sur les problèmes de sa
mise en oeuvre (2)
1 - Contenu et fondements historico- juridiques du
principe
Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est
le droit reconnu à tout peuple de librement opérer ses choix et
selon ses aspirations. C'est la révolution française qui pose ce
principe. Mais ce droit des peuples n'avait pas au 19e siècle une valeur
universelle tous les peuples des colonies en étant exclus. A l'issue de
la première guerre mondiale, les 14 points de Wilson ne faisaient pas
référence à l'expression du droit des peuples mais
préconisaient néanmoins un arrangement libre dans un esprit large
et absolument impartial de toutes les revendications coloniales. Par la suite,
le pacte de la SDN évoque la décolonisation mais ne
précise aucune obligation quant à la décolonisation. Il
faut dire que ce principe réservé au contexte colonial et
intéresse pour l'essentiel les peuples coloniaux. On peut ranger dans
cette
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
catégorie les mouvements de libération nationale
à l'exemple de l'Organisation de Libération de la Palestine. Leur
lutte s'inscrit dans le registre des conflits armés internationaux.
La valeur juridique de ce principe est aujourd'hui largement
admise et un important arsenal de textes le consacre. La Charte des Nations
unies mentionne à deux reprises le « principe de
l'égalité des droits des peuples et de leur droit à
disposer d'eux-mêmes »180. La résolution 1514
(XV) du 14 décembre 1960 qui affirme que « tous les peuples ont
droit à la libre détermination et qu'en vertu de ce droit, ils
déterminent librement leur statut politique et poursuivre librement leur
développement économique, social, et culturel
»181 . Les Pactes de 1966 réitèrent
« le droit de tous les peuples de disposer d'eux-mêmes »
et qu'ils « peuvent disposer librement de leurs richesses et de
leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui
découlent de la coopération économique internationale,
fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit
international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses
propres moyens de subsistance »182. Toujours dans cette
lancée de consécration du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes l'Assemblée Générale des Nations unies
adopte le 24 Octobre 1970, la Résolution 2625 (XXV) relative aux
principes de droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats.
De son côté, la Cour international de justice a
dans deux avis confirmé l'évolution du droit international. En
1971 dans son avis relatif à la Namibie et en 1975 dans celui du Sahara
occidental. Ces avis ont été complétés par
l'arrêt du 30 juin 1995 dans l'affaire du Timor oriental. Il
soutient que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est
opposable à tous les Etats, et qu'il s'agit d'un des «
principes essentiels du droit international contemporain »183
Quels sont les problèmes de la mise en oeuvre de ce
principe ?
2 - Les problèmes de la mise en oeuvre de ce
principe
La mise en oeuvre de ce principe porteur de valeurs et
d'espoir pour les collectivités humaines animées de
velléités indépendantistes fait l'objet de
sérieuses difficultés. L'une des difficultés est de cerner
le contenu de la notion de peuple.
La notion de peuple est très difficile à cerner
car les peuples sont définis en tant que sujet de droit, il ne s'agit
donc pas forcément de la conception sociologique du peuple. Sous
180 Art 1er para2 et art 55, Charte
des Nations unies, op.cit.
181 AG/NU, Rés 1514 (XV) art2,
« L'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux
» du 14 décembre 1960.
182 Art 1er commun aux Pactes
internationaux de 1966 sur les droits civils et politiques et sur les
droits économiques sociaux et culturels, op.cit.
183 CIJ, 30 juin 1995, Rec., p. 90.
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
l'angle juridique, le droit international reconnaît que
toute collectivité humaine n'est pas forcément un peuple de par
la distinction qui est faite entre le droit des peuples et le droit des
minorités. La conception juridique serait davantage proche de la notion
territoriale qui reconnaît le droit d'autodétermination aux
collectivités humaines se trouvant sur un territoire particulier comme
par exemple la domination coloniale ou étrangère,
fédération éclatée. Cette approche tient
également compte des peuples dans les Etats déjà
indépendants, l'ensemble des individus au sein d'un Etat constituant un
peuple. Ce principe se définit donc par les droits et obligations que
leur reconnaît le droit international, mais ces droits et obligations
sont différents selon les peuples. On peut toutefois faire une
distinction entre deux types de peuple : les peuples coloniaux et le peuple
rattaché à un Etat dont il est partie intégrante de sa
population.
Les premiers bénéficient allègrement du
droit à l'autodétermination car le droit international le leur
reconnait. La résolution 1514 (XV) a établi deux critères
permettent de les identifier. Le critère du détachement qui parle
de l'éloignement géographique entre le peuple colonial et l'Etat
sous la domination duquel le peuple se trouve. Ensuite le critère de
subordination entre l'Etat et le peuple colonial qui demande son
indépendance.
Le second quant à lui ne bénéficie pas de
ce droit car par principe, le droit international est opposé à
toute entreprise sécessionniste. Aussi, il se heurte au principe de
l'intangibilité des frontières et au droit des Etats de
défendre leur intégrité territoriale
Que dire de l'insurrection en vertu de l'oppression
gouvernementale validée par le droit international à la
lumière du cas libyen.
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