B - LA CAPACITE DES INSURGES A MENER DES OPERATIONS
MILITAIRES ET A RESPECTER LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
Pour qu'une insurrection soit validée et remplisse les
critères d'un conflit armé de caractère non international,
il faudrait que les insurgés soient à même « ...
de mener des opérations militaires continues et concertées (...)
» 177et de respecter le Droit international
humanitaire.
Cette exigence se trouve ainsi remplie au regard des
insurgés libyens et syriens, qui sont capables de mener des
opérations militaires continues et concertées (1) et de respecter
le Droit international humanitaire (2)
1 - capacité de mener des opérations
militaires continues et concertées
Face au péril des attaques des forces armées
régulières, les insurgés ne se sont pas constitués
en victimes résignées. Qu'ils soient syriens ou libyens, les
insurgés ne sont pas restés passifs. Il s'engage alors entre les
forces loyalistes et les insurgés une véritable confrontation
armée et sanglante. En effet, à la faveur des frappes
aériennes de l'OTAN178 les insurgés libyens sous la
bannière du CNT se redéployent sur le territoire. Le 06 juillet
2011, les insurgés lancent une première offensive conjointe en
direction de Tripoli, depuis le djebel
177 Art 1er para1, Protocole
Additionnel II aux Conventions de Genève de 1949,
op.cit.
178 Organisation du Traité de
l'Atlantique Nord, est une alliance militaire regroupant les Etats Unis, le
Canada et les pays de l'Europe occidental.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
JOSEPH MARCEL II Page 99
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
Nafoussa et Misrata. Mais l'offensive patine. Le 13 juillet
les forces loyalistes contre-attaquent depuis Tripoli. Le 18 juillet les
insurgés prennent le contrôle de Brega, mais sont repoussés
devant Ras Lanouf. Cette confrontation fait un nombre important de victimes
tant dans les rangs des forces loyalistes qu'au milieu des insurgés.
C'est ainsi qu' d'Abdul Fatah Younes ancien cacique du régime, et chef
militaire de l'insurrection est assassiné le 28 juillet.
Poursuivant leur offensive, les insurgés libyens
lancent une attaque en direction de la cote depuis le djebel Nafoussa et se
rapprochent de Tripoli. Toujours appuyés par les frappes
aériennes de l'OTAN, du 20 au 23 Aout, ils s'emparent par surprise de
Tripoli, à la suite d'une offensive rapide coordonnée avec les
poches de résistances agissant depuis l'intérieur de la capitale
libyenne. Les forces parties de Misrata se joignent à celles qui se sont
emparées de Tripoli. Les forces parties de Brega s'emparent de Ras
Lanouf. Toujours dans la mouvance du conflit, le 16 septembre les forces du CNT
parviennent jusqu'à Syrte ville natale du colonel Kadhafi et
l'assiègent. Le 20 septembre, Kadhafi et son fils Moutassim sont
tués aux abords de Syrte.
Toutes ces manoeuvres et hauts faits d'arme des
insurgés libyens témoignent à suffisance de leur ancrage
dans le conflit, et de leur forte capacité de nuisance.
Mais contrairement à la Libye où les
insurgés étaient constitués en un bloc unique, on assiste
en Syrie à une opposition disparate et hétérogène.
Ces querelles intestines, couplées au défaut de coordination et
de synergie entre les différentes factions de l'opposition affectent
considérablement les capacités opératoires des
insurgés. Leur performance s'en trouve ainsi négligeable. Mais
les insurgés syriens parviennent toutefois des opérations
militaires lesquelles mettent en difficultés le régime de Bashar
El- Assad.
2 - capacité de respecter le Droit international
humanitaire
Cette exigence est celle qui souffre le plus dans sa mise en
oeuvre par les parties à un conflit armé de type insurrectionnel
notamment les forces gouvernementales et les insurgés.
En effet, le Droit international humanitaire « se
fonde sur la transposition dans le droit international, des
préoccupations d'ordre moral, d'ordre humanitaire résumé
dans l'impératif catégorique du respect de la dignité
humaine en cas de conflit en toutes
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
JOSEPH MARCEL II Page 100
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
circonstances »179. Il met au centre
de ses préoccupations, la protection des victimes qu'elles soient
civiles ou combattantes. Il commande de respecter deux sacro-saints principes
à savoir : le principe de discrimination et le principe de
proportionnalité. Le premier consiste à opérer une
distinction dans les attaques entre les non combattants, la population civile
et les combattants. Distinguer entre objectifs militaires et biens civils. Le
principe de proportionnalité quant à lui plaide pour un
équilibre entre l'avantage militaire d'une attaque et les dommages
collatéraux qu'elle pourrait causer.
Le Protocole additionnel II en posant cette
conditionnalité, s'attend à ce que les insurgés
réunissent les mécanismes et moyens nécessaires leur
permettant de mettre en oeuvre le DIH. A cet effet, les insurgés doivent
être à mesure d'établir des camps de prisonniers de guerre
conformes aux standards internationaux. Ils doivent mettre à la
disposition des personnes détenues toutes les commodités
sécuritaires, sanitaires, environnementales, et hygiéniques
nécessaires.
Mais malheureusement, les forces régulières et
surtout les insurgés dans leurs comportements mettent en berne ces
nobles principes. En Syrie par exemple, le fait que les opposants au
régime de Damas ne rencontrent pas l'adhésion d'une grande
majorité de la population, ils usent de violence. Ils commettent des
exactions pour intimider les civils indécis afin de les rallier à
leur cause. Ils se livrent même quelques fois à des pillages, bien
les médias et la doctrine n'en font pas largement l'écho. En
Libye également, les forces du CNT
ont commis des forfaits sur les combattants loyalistes au
colonel Kadhafi.
Au final, on retient que les insurrections de 2011 en Libye et
en Syrie, appartiennent à la catégorie d'insurrections
validées. Elles remplissent les critères qui permettent de cerner
du point de vue matériel un conflit armé de caractère non
international tels définis par le Protocole additionnel II aux
conventions de Genève de 1949.
Qu'en est t-il donc des autres catégories
d'insurrections validées par le Droit international notamment
l'insurrection des peuples en quête de souveraineté et des peuples
sous oppression gouvernementale ?
179 OWONA (J), Droit international
humanitaire, Paris, L'Harmattan, 2012, op.cit., p.13.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
JOSEPH MARCEL II Page 101
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
|