B - LA CONTROVERSE SUR L'EFFICACITE DU PRINCIPE DE
L'UTI
POSSIDETIS JURIS
En dépit de l'apparence que peut présenter le
principe de l'uti possidetis dans son compréhension, cette
« apparente simplicité du principe se trouve en
porte-à-faux avec la réelle complexité de la notion et de
sa mise en oeuvre »166. Il existe bien une controverse en
droit international sur son efficacité. En effet, le contexte
aujourd'hui n'est plus celui de la décolonisation. Mais il est
fréquent de voir des entités infra étatiques, chercher
leur indépendance par voie sécessionniste. Ce qui suscite
aujourd'hui toute la controverse sur
165 ABLINE (G), Sur un nouveau principe
général du droit international : l'uti possidetis,
Thèse de Doctorat en droit public, Université d'Anger, 2006,
op.cit., p.47.
166 Ibid., p.305.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
JOSEPH MARCEL II Page 89
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
l'efficacité de principe, à garantir la
stabilité des frontières d'une part, la paix et la
sécurité d'autre part.
Ainsi, la controverse sur l'efficacité de ce principe
est relative à son ambiguïté (1) et à
l'idéalisation de ses attributs (2)
1 - L'ambiguïté du principe
Il est difficile aujourd'hui de donner un contenu fixe au
principe de l'uti possidetis eu égard, des domaines dans
lesquels il trouve à chaque fois une interprétation et une
application différente. L'on ne sait avec précision si ledit
principe devrait trouver matière à expression dans les querelles
sécessionnistes. Aussi, ce principe est également confronte
à celui du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
« La mise en oeuvre du principe fait prévaloir les
intérêts de la paix et de la sécurité mondiale sur
les aspirations a l'auto détermination ou sur les considérations
de justice, d'équité si légitimes fussent t'elles »
167
L'uti possidetis est réduit à un
principe général de droit. Son application n'est nullement
soumise au respect d'un quelconque traité ou convention internationale.
Il reste fortement tributaire du volontarisme étatique.
La flexibilité de la solution posée par
l'uti possidetis tout en étant son principal atout demeure,
pour nombre de ses pourfendeurs, sa plus grande faiblesse. Il s'avère
pourtant que cette malléabilité est strictement encadrée
par le jeu du consensualisme. Aucune modification ne peut se réaliser
autrement que par convention15. Néanmoins, cette souplesse qui se
manifeste par une variété d'applications concrètes
obscurcit son intelligibilité en apportant une certaine
complexité de ses effets.
Dans sa dimension institutionnelle, en tant que principe
général, des obstacles se sont érigés à une
bonne compréhension du principe. L'uti possidetis coexiste au
sein d'un ordre juridique international qui progressivement se densifie et
s'ordonne. Il faut poser la question des rapports de l'uti possidetis
avec les autres principes fondamentaux ou directeurs de la
société internationale, et autres normes impératives.
L'étude de la nature de leur articulation renseignera principalement sur
les caractéristiques réelles de ce principe. S'agit-il de
relations de subordination, d'opposition, de conciliation ? Plus
généralement l'uti possidetis sera un indicateur
précieux pour mesurer la structure de l'ordonnancement juridique
international. C'est un principe pour l'essentiel subsidiaire et
dérogatoire.
167 SALMON (J) (Dir), Démembrements
d'Etats et délimitations territoriales : l'uti possidetis en question
(s), Bruxelles, édition bruylant Université de Bruxelles,
1999, p.19.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
JOSEPH MARCEL II Page 90
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
La controverse sur le principe de l'uti possidetis
porte non seulement sur le caractère ambigu de cette notion, mais
aussi l'idéalisation qui est faite de ses attributs.
2 - L'idéalisation des attributs du
principe
A l'évidence, faut croire que l'on a fondé de
trop grands espoirs sur le principe de l'uti possidetis lequel, face
aux mutations du droit international, et du foisonnement des Etats n'a pas tenu
toutes ses promesses. Ce principe est loin d'être cette solution miracle
aux conflits transfrontaliers comme on n'aurait pu le penser.
En effet, l'uti possidetis n'a pas
résorbé le problème les contentieux territoriaux. Lesdits
contentieux se déclinent en une permanence de la contestation des
frontières, et au règlement judiciaire des conflits territoriaux.
Relativement à la permanence de la contestation des frontières,
il est question ici des Etats, des groupes politico-militaires, de contester le
tracé des frontières ou de remettre en cause les limites
administratives converties en frontières internationales. Cette
situation induit conséquemment à la contestation de la permanence
des frontières. Les conflits frontaliers ne trouvent pas toujours une
voie d'issue devant le principe de l'uti possidetis. L'on a quelques
fois recours aux juges et arbitres internationaux.
Dans de nombreux cas, le principe de l'intangibilité
des frontières est contesté. Plusieurs différends opposent
des états souverains ou des mouvements politiques ou politico-militaires
à des Etats, revendiquant des changements de frontières, la
révision de traités, ou la reconnaissance de
l'indépendance d'un territoire. Par exemple, en Afrique, le Soudan ne
reconnaît pas sa frontière actuelle de jure avec
l'Égypte sur la mer Rouge, qui lui ont été imposées
au nom du principe de l'intangibilité des frontières, et
revendique le retour aux frontières administratives antérieures ;
en Asie, l'Inde ne reconnaît pas les frontières de facto
au Cachemire, qu'elle revendique en totalité à la Chine et
au Pakistan, et la Chine ne les reconnaît pas dans l'Arunachal
Pradesh, qu'elle revendique presque en entier à l'Inde.
Parvenu au terme de la première halte de notre
étude sur l'encadrement des insurrections en Libye et en Syrie par le
droit international, il en ressort que la validation de ces insurrections a
fait l'objet d'une controverse. Le débat en droit international
était en effet de savoir, si oui ou non il fallait donner un écho
favorable « au printemps arabe » notamment aux
évènements en Libye et en Syrie. A l'analyse, cette controverse
couvrait un cadre conceptuel et contextuel bien précis. Relativement au
cadre conceptuel, il apparait difficile de classifier les insurrections en
Libye et en Syrie dans un registre bien déterminé. Notamment
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
JOSEPH MARCEL II Page 91
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
de savoir s'il s'agit des conflits armés non
internationaux, des conflits armés internationaux, ou des conflits
armés internationalisés. A cette difficulté vient
s'ajouter l'incertitude sur le statut juridique des insurgés. Le cadre
contextuel quant à lui fait référence d'une part, à
l'étatisme en droit international et d'autre part, au principe de
l'uti possidetis.
Mais au final, le droit international a validé les
insurrections en Libye et en Syrie.
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
LES EVENEMENTS EN LIBYE ET EN SYRIE : DEUX INSURRECTIONS VALIDEES
PAR LE DROIT INTERNATIONAL
|