PARAGRAPHE II : LE PRINCIPE DE L'UTI POSSIDETIS JURIS
L'uti possidetis juris est un célèbre
principe de droit international public. Il postule la consolidation des acquis
dans le tracé des frontières en vue d'éviter pour l'avenir
des différends frontaliers.
Ainsi pour comprendre ce principe, il importe tout d'abord de
s'interroger sur sa consistance (A) ensuite la controverse sur son
efficacité (B)
A - LA CONSISTANCE DU PRINCIPE DE L'UTI POSSIDETIS
JURIS
La consistance du principe de l'uti possidetis juris
est dense. Elle est un gage présumé de la stabilité
des frontières (1) dans sa mise en oeuvre (2)
1 - L'uti possidetis juris, un gage présumé
de la stabilité des frontières
Provenant du droit romain, le principe de
l'intangibilité des frontières autorise une partie à
contester et à réclamer un territoire qui a été
acquis par la guerre. Le terme a été historiquement
utilisé lors du retrait de l'Empire espagnol d'Amérique du Sud,
au XIXe siècle. S'appuyant sur le principe de l'intangibilité des
frontières, les nouveaux États cherchèrent à
s'assurer qu'il n'y aurait pas de terra nullius en Amérique
latine lors du retrait espagnol. Il s'agissait aussi de réduire la
possibilité de guerres frontalières entre les nouveaux
États
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
indépendants. Cette politique ne fut pas totalement
couronnée de succès, comme le prouva la guerre du pacifique
(1879-1884)
L'uti possidetis juris (ou principe de
l'intangibilité des frontières) est un principe de droit
international par lequel des États nouvellement indépendants ou
bien les belligérants d'un conflit conservent leurs possessions pour
l'avenir ou à la fin dudit conflit, nonobstant les conditions d'un
traité. L'expression provient de la phrase uti possidetis, ita
possideatis qui signifie : « Vous posséderez ce que vous
possédiez déjà »
La Cour internationale de justice dans l'arrêt Burkina
Faso/ République du Mali retient ainsi comme « Le principe de
l'intangibilité des frontières vise avant tout à assurer
le respect des limites territoriales d'un État au moment de son
indépendance. Si ces limites n'étaient que des limites entre
divisions administratives relevant initialement de la même
souveraineté, l'application du principe uti posseditis emporte leur
transposition en frontières internationales proprement dites.
»163
Ce principe permet difficilement aux insurgés qui
veulent s'affranchir de l'autorité de leur Etat, et créer un
nouvel Etat sur la partie du territoire sur laquelle ils exercent leur
contrôle. Ils se heurteront à ce principe et ne pourront
étendre leur territoire. A la rigueur, leurs limites administratives se
transformeront en frontières internationales.
Cette transformation ne va pas sans difficultés. En
effet, « Pour aborder le problème de la transformation des
limites administratives (...) en frontières internationale, la doctrine
se réfère généralement à l'avis n° 3
rendu par la Commission Badinter le 11 janvier1992 »164
Qu'en est-il de la mise en oeuvre de ce principe ?
2 - La mise en oeuvre du principe
Le principe de l'uti possidetis juris est le plus
souvent évoqué dans un contexte de décolonisation. Il
s'agit pour l'essentiel des territoires coloniaux.
En effet après le débat de la puissance
coloniale, l'on craignait que les Etats nouvellement ne se livrent à des
guerres sur leurs frontières. Ainsi, ces nouveaux Etats
accédèrent à l'indépendance dans les limites du
territoire qui constituaient jadis la colonie de
163 CIJ, Recueils, 1986, p. 566.
164 DELCOURT (B), « L'application de
l'uti possidetis juris au démembrement de la Yougoslavie : Règle
coutumière ou impératif politique ? », R.B.D.I,
Bruxelles, Bruylant, 1998, p.71.
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
la métropole. Cette opération de «
délimitation d'une frontière a été et est encore un
acte juridique essentiel »165.
La mise en oeuvre de ce principe est un facteur de paix,
témoignage d'indépendance, et vecteur de sécurité.
Facteur de paix parce que les frontières sont presque toujours
déterminées par des traités de paix. Témoignage
d'indépendance car, c'est le premier réflexe de tout nouveau de
définir ses frontières. Et enfin, vecteur de
sécurité car la violation d'une frontière est toujours
considérée comme un acte d'agression et très souvent cause
de guerre. Le problème de la transformation des limites administratives
en frontières internationales se situe en aval du problème de
l'exercice du droit d'autodétermination. Il présuppose
l'apparition du nouvel Etat et sa reconnaissance internationale. Il influe sans
doute sur les conditions d'apparition du nouvel Etat en lui offrant une
définition territoriale, une assiette qui constitue l'une des
composantes de sa personnalité internationale à venir.
Politiquement, la règle uti possidetis apparaît ainsi
comme un instrument de gestion des mutations territoriales.
Mais juridiquement, la règle est neutre au regard de la
mise en oeuvre du principe d'autodétermination.
Les insurgés en dehors du contexte de
décolonisation classiquement invoqué pour la mise en oeuvre du
principe de l'uti possidetis juris, ont quelques fois recours aux
procédés démocratiques ou autoritaires pour se constituer
en Etat.
Le principe de l'uti possidetis juris est fort dans
sa consistance en ce qu'il se présente comme un gage de la
stabilité des frontières dans sa mise en oeuvre. Seulement, ce
principe est sujet à controverse quant à son
efficacité.
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