B - LES EFFETS JURIDIQUES DE L'APPRECIATION
DISCRETIONNAIRE DU STATUT DES INSURGES
L'appréciation discrétionnaire du statut des
insurgés libyens et syriens, ne va pas sans conséquences. Elle
produit des effets juridiques tant sur les insurgés (1)
que sur leurs Gouvernements légaux et les Etats tiers
(2)
1 - les effets juridiques sur les
insurgés
Qu'il s'agisse de la reconnaissance d'insurgés, de
belligérance, ou de Gouvernement, les insurgés s'en trouvent
confortés et galvanisés.
La reconnaissance d'insurgés permet à ces
derniers de bénéficier, des règles de protection
qu'exigent le droit de la guerre, bien que ces règles soient
d'application minimale. C'est pourquoi « la pratique internationale
insiste sur la portée humanitaire de la reconnaissance d'insurgés
»154.Les effets de cette reconnaissance sont pour
l'essentiel limités.
La reconnaissance de belligérance quant à elle,
est largement plus favorable aux insurgés. Tout d'abord, elle leur
confère un statut juridique précaire. Ils
bénéficient de l'application la plus large des lois et
règlements de la guerre, du droit des conflits armés. S'ils sont
capturés durant le conflit, ils considérés comme
prisonniers de guerre et bénéficient de toutes
prérogatives attachées à ce titre. Souvent à la fin
du conflit, ils sont relâchés sans qu'aucune procédure
judiciaire ne soit entamée à leur encontre. En plus, ils sont
traités sur un même pied d'égalité avec les forces
gouvernementales, et pourront compter sur la neutralité des Etats
tiers.
La reconnaissance de gouvernement attribue aux insurgés
une personnalité juridique internationale de facto. Ainsi, «
l'ordre juridique mis en place par l'organisation insurrectionnelle est
opposable aux sujets du droit international,155 et justifie que soit
engagée la responsabilité internationale des autorités
insurgés lorsqu'elles triomphent du Gouvernement légal
»
Quels sont les effets juridiques de l'appréciation sur
les Gouvernements légaux et les Etats tiers ?
154 DAILLER (P.), FORTEAU (M) et PELLET (A.),
Droit international public, op.cit. p. 632.
155 Ibid., p.633.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
JOSEPH MARCEL II Page 81
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
2 - les effets juridiques sur les Gouvernements
légaux et sur les Etats tiers
De principe, quand un Gouvernement légal reconnait
l'état de belligérance sur son territoire, il s'engage ainsi
à observer le droit des conflits armés.
Comme le Gouvernement libyen n'a pris aucun acte reconnaissant
l'état de belligérance, il n'est pas sur le même pied
d'égalité que le CNT. Il ne peut logiquement pas être
astreint de mettre en oeuvre le droit des conflits armés. Puisque de
toute évidence, il ne se croit pas en face d'une force armée
ennemie dans un rapport symétrique, mais devant une caste d'individus
insoumis à son autorité qui ont les armes contre lui. Aussi, le
Gouvernement libyen sous Kadhafi, ne pourrait être tenu pour
internationalement responsable des dégâts post conflit.
En revanche, les Etats qui ont reconnu la qualité de
belligérants et Gouvernement de fait aux insurgés du CNT,
exercent à leur égard des prérogatives. Cette
reconnaissance déchoit conséquemment de toute
légitimité le Gouvernement légal à l'endroit de ces
Etats.
L'acte de reconnaissance est pour l'essentiel provisoire. Sa
durée est conditionnée par l'issu du conflit entre les parties.
Si le Gouvernement légal l'emporte, la reconnaissance devient caduque.
Mais si c'est bloc des insurgés, elle prospère.
Au terme de la réflexion sur le cadre conceptuel de la
controverse en droit international relatif à validation des
insurrections en Libye et en Syrie, il en ressort que cette controverse est due
à la difficile appréhension notionnelle de l'insurrection. L'on
ne distingue s'il s'agit d'un conflit armé international, d'un conflit
armé non international ou simplement d'un conflit armé
internationalisé. La seconde difficulté est l'imprécision
du statut juridique des insurgés. Mais au-delà du cadre
conceptuel dans de controverse, il faut y associer le cadre contextuel.
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