PARAGRAPHE II : LA PROBLEMATIQUE DU STATUT JURIDIQUE DES
INSURGES LIBYENS ET SYRIENS : COMBATTANTS OU SIMPLES HORS LA LOI
Le régime juridique applicable aux insurgés
syriens et libyens est tributaire d'une qualification bien précise. Le
droit interne considère ces insurgés comme des troubles fait.
Seulement, l'appréciation de leur statut n'est guidée par aucune
contrainte en droit international. Leurs Etats respectifs et les Etats tiers
restent libres de les reconnaitre ou pas.
149 Art 1er para2, Convention de
l'Organisation des Etats africains sur les refugiés, 10 Septembre
1969.
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Ainsi, l'on peut dire que le statut juridique des
insurgés dépend d'une appréciation discrétionnaire
(A), laquelle appréciation produit des effets juridiques (B)
A - L'APPRECIATION DISCRETIONNAIRE DU STATUT JURIDIQUE
DES INSURGES : LA RECONNAISSANCE
« L'insurrection interne, parce qu'elle remet en
cause l'unité nationale et l'effectivité gouvernementale (...)
oblige fréquemment les Etats tiers à prendre position en vue de
protéger leurs intérêts »150.
D'où la notion de reconnaissance. On entend par reconnaissance,
« le procédé par le lequel un sujet du droit
international, en particulier un Etat qui n'a pas participé à la
naissance d'une situation ou à l'édiction d'un acte, accepte que
cette situation ou cet acte lui soit opposable (...) »151 .
L'exercice de cette compétence n'est assujetti à aucune
contrainte, mais laissé à l'entière liberté des
Etats sous réserve bien évidemment du respect dû aux normes
impératives. Cette reconnaissance dans le cadre d'une insurrection peut
donner lieu à une reconnaissance d'insurgés ou à une
reconnaissance de belligérance.
Les insurrections en Libye et en Syrie n'ont donné lieu
à aucune reconnaissance de belligérance aux insurgés de la
part de leurs gouvernements respectifs (1) contrairement aux Etats tiers qui
l'ont fait (2)
1 - La non reconnaissance du statut juridique de
belligérants aux insurgés par les gouvernements légaux de
Libye et de Syrie
La reconnaissance de belligérance est « l'acte
par lequel le Gouvernement légal d'un Etat constate l'existence sur son
territoire d'une situation de conflit interne et déclare en
conséquence que les règles de la guerre sont applicables à
ce conflit »152. Que l'on soit en Syrie ou en Libye, les
Gouvernements légaux ont été intransigeants avec les
insurgés. Ils leur ont refusé ce statut de belligérants
qui confèrerait à leurs actions, une certaine
légitimité.
Le Président Bashar El assad de Syrie mène une
répression contre les insurgés. Il matte dans le sang ce
soulèvement avec une surenchère de violences et
d'atrocité. Les querelles, divisions et dissensions au de l'opposition
syrienne, fragilisent considérablement l'organisation et la conduite de
leur riposte. Ainsi se sont créés, l'Armée Syrienne
Libre
150 DAILLER (P.), FORTEAU (M) et PELLET (A.),
Droit international public, op.cit., p. 632.
151 Ibid.
152 SALMON (J), dictionnaire de droit
international public, op.cit., p. 942.
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(ASL), le Conseil National Syrien (CNS), et d'autres groupes
armés. La règle est claire « on ne pactise pas avec la
rébellion, on l'écrase »153
Souscrivant pleinement à cette logique, le Colonel
Kadhafi avait également entrepris une vaste campagne de
répression contre les insurgés du fait de s'être
soulevé contre le pouvoir établi. Le CNT a reçu à
plusieurs reprises et compris le témoignage du sort que réservait
le Colonel Kadhafi aux insurgés. Il fut stoppé dans sa
lancée aux portes de Benghazi par les frappes des rafales, les avions de
chasse français. Ce qui marque d'une certaine manière la
reconnaissance des Etats tiers.
2 - la reconnaissance d'insurgés et de
Gouvernement aux insurgés par les Etats tiers
La reconnaissance d'insurgés est l'acte par lequel un
Etat, constate l'existence dans un autre Etat d'un conflit interne et accorde
en conséquence aux insurgés une certaine protection humaine et
donc il détermine de façon libre le contenu. Elle ne semble pas
être sanctionnée par une règle de droit international
général. La reconnaissance de Gouvernement quant à elle
est l'acte par lequel un ou plusieurs Etats constate (ent) qu'une ou plusieurs
personnes sont capables d'engager l'Etat qu'ils disent représenter, et
traduisent leur désir d'entretenir avec qu'elle(es) des relations.
L'insurrection en Libye a vu la reconnaissance du CNT comme
nouveau Gouvernement. Le discours officiel plaidait pour une intervention en
faveur des victimes civiles dans les faits, l'on note un soutien apporté
aux insurgés. En effet, dès le 10 Mars 2011, la France reconnait
le Conseil de transition comme seul « représentant
légitime du peuple libyen ». Suivie dans cette voie par le
Qatar le 28 Mars, l'Italie le 04 Avril et sera d'ailleurs le premier pays
à recevoir officiellement le Président du CNT MOUSTAPHA ABDEL
JALIL. Ensuite la Gambie le 27 Avril, le Sénégal le 19 Mai, et
enfin la Grande Bretagne le 17 Juillet. L'Union africaine a dans un premier
temps, refusé de reconnaitre le CNT avant de finalement le faire le 20
Septembre, soit le même jour que l'Assemblée
Générale de l'ONU.
La situation en Syrie est un peu différente. Juste
quelques pays expriment implicitement leur soutien aux insurgés.
L'attribution et/ou la reconnaissance d'un statut juridique ne
vont pas sans effets.
153 MEYROWITZ (H), le principe de
l'égalité des belligérants devant le droit de la
guerre, Paris, A. Pedone, 1970, p. 129.
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