B - LES JURIDICTIONS NATIONALES A COMPETENCE
UNIVERSELLE
Les crimes internationaux sont des actes ignobles et
suffisamment graves raison pour laquelle, la communauté internationale
ne laisse aucune brèche à l'impunité. La poursuite de
leurs auteurs transcende la seule compétence de l'Etat qui a connu cela
sur son sol, et des juridictions pénales internationales. Il arrive
qu'un Etat s'investisse du pouvoir et du devoir de réprimer ces crimes
internationaux. C'est dans cet ordre d'idée qu'il convient de situer les
juridictions nationales à compétence universelle.
Il convient ici d'étudier leur identification (1), et
les difficultés liées à leur mise en oeuvre (2).
1 - L'identification des juridictions nationales à
compétence universelle
Les juridictions nationales à
compétence universelle traduisent l'ardente soif pour justice
universelle qui s'est mise en place depuis les procès de Nuremberg
après la Seconde Guerre mondiale. Les pires crimes ont jalonné la
deuxième moitié du 20e siècle et le début du 21e
siècle. Tortures, exécutions et disparitions forcées en
Argentine sous la dictature militaire, crimes contre l'humanité sous le
régime des Khmers rouges au Cambodge, génocide au Rwanda, crimes
de guerre en Syrie depuis 2011.
La compétence universelle s'appréhende comme
«la compétence exercée par un Etat qui poursuit les
auteurs de certains crimes quel que soit le lieu où le crime a
été commis et sans égard à la nationalité
des auteurs ou des victimes »135. Ce genre de disposition
légale sert à empêcher l'impunité de crimes graves,
en particulier les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, qui
seraient commis dans des régions particulièrement instables dont
les habitants citoyens du monde, ne bénéficieraient pas de
protection légale adéquate.
Les crimes internationaux doivent être
réprimés dans les Etats où ils ont été
commis. Le principe en droit interne est celui de la territorialité. En
effet, un Etat n'exerce sa compétence que dans la limite de son
territoire. La conséquence est que toute poursuite pénale
engagée par un Etat à l'encontre d'un acte commis par un
étranger à l'étranger ne saurait prospérer. La
compétence universelle apparait alors ici, comme une dérogation
au principe de la territorialité du droit pénal. C'est
l'ouverture du pouvoir judiciaire d'un Etat vers des horizons internationaux.
Les juridictions nationales à compétence universelle sont donc
des juridictions erga omnes. Pour attribuer cette compétence universelle
à une juridiction nationale, les Etats
135 OWONA (J), Droit international
humanitaire, Paris, L'Harmattan, 2012, op.cit., p.149.
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JOSEPH MARCEL II Page 67
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
transcrivent le contenu matériel des conventions
internationales dans leur droit interne. Ils donnent ainsi à certaines
de leurs juridictions, le pouvoir de connaitre des crimes commis à
l'étranger.
L'on distingue deux types de compétence universelle
à savoir : la compétence universelle obligatoire et la
compétence universelle absolue. La première est dite obligatoire
« en droit international dans la mesure où elle résulte
des obligations conventionnelles et pour certains types de crimes
réputés crimes de guerre, crimes contre l'humanité, crimes
de génocides »136. La seconde est dite absolue car,
elle implique une obligation d'extrader.
Plusieurs Etats ont adopté la compétence
universelle. Pour exemple, on peut citer ici le cas de la Belgique. Une loi
dite de la compétence universelle a été adoptée en
1993. Ce qui a conduit à un engorgement du prétoire du juge belge
avec les affaires Hissène Habré, le génocide au Rwanda
etc.
Les évènements en Libye et en Syrie donneront
certainement matière à expression aux diverses juridictions
nationales à compétence universelle.
2 - Les difficultés des juridictions nationales
à compétence universelle
Parce qu'elle constitue une emprise sur la souveraineté
juridique des Etats en dépit des vertus dont elle est porteuse, la
compétence universelle est boudée dans sa mise en oeuvre.
C'est un secret de polichinelle que les Etats sont jaloux et
fermement attachés à tous les pans de leur souveraineté.
La compétence universelle en matière pénale est difficile
parce que quelques fois, les Etats ne veulent pas extrader les coupables des
crimes internationaux. Ceci arrive très souvent lorsque la
volonté de poursuivre se heurte aux intérêts d'un Etat.
L'on a encore en mémoire le rappel par Israël de
son ambassadeur en Belgique, lorsque ce pays a ouvert des poursuites contre le
Premier ministre israélien. Du fait des atrocités qu'ils ont
commis pendant la guerre du golfe, la Belgique a également
attaqué en justice les Etats unis. En riposte, le Secrétaire
d'Etat américain à la défense va proposer le
déménagement du siège de l'OTAN de Bruxelles pour un autre
pays.
Les pesanteurs politico diplomatiques tempèrent et
freinent très souvent l'ardeur, le zèle des juridictions
nationales à compétence universelle. C'est sans aucun doute ce
qui pourrait limiter la répression juridictionnelle, et exonérer
les criminels libyens et syriens de leur responsabilité
136 OWONA (J), Droit international
humanitaire, Paris, L'Harmattan, 2012, op.cit., p.150.
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
CONCLUSION PREMIERE PARTIE
Parvenu au terme de la première manche du ce travail
sur l'encadrement des insurrections en Libye et en Syrie par le droit interne,
l'on peut retenir quelques points majeurs. De prime abord, il faut dire qu'il
appartient à titre principal à tout Etat victime d'une
insurrection, de trouver les voies et moyens pour y répondre. C'est un
phénomène craint et hautement décrié en droit
interne. Les évènements insurrectionnels en Libye et en Syrie
n'ont pas dérogé à la sévérité et
à la solidité de cette vérité. Celles-ci ont
donné lieu à une riposte coléreuse de la part des
autorités gouvernementales. Ceci se justifie en ce que l'insurrection
porte atteinte à la sureté et à la stabilité de
l'Etat. Aussi, elle préjudicie considérablement l'exercice des
droits et libertés fondamentaux. Face à cela les autorités
ne restent pas insensibles. Elles donnent une réponse répressive
et énergique. Celle-ci consiste le plus souvent en un recours à
la force, mais peut aussi déboucher sur une répression
juridictionnelle. Mais avant toute réponse répressive
hâtive et peut-être même fautive, les autorités
gouvernementales gagneraient tout d'abord à s'interroger et examiner les
causes de l'insurrection, essayer d'y apporter une solution satisfaisante afin
de les obvier. C'est d'ailleurs ce que fait dans une mesure certaine le droit
international. Bien qu'il intervienne dans les insurrections subsidiairement au
droit interne, en les validant ou les invalidant selon les cas.
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
L'ENCADREMENT DES INSURRECTIONS EN LIBYE ET EN
SYRIE PAR LE DROIT INTERNATIONAL
SECONDE PARTIE :
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
La multiplication dans les Etats de mouvements
insurrectionnels lesquels prennent souvent des détours très
sanglants, la boucherie humaine à laquelle on assiste, l'action des
groupes armés qui s'illustrent par des exactions sur la population
civile, et les violations graves et massives des Droits de l'Homme, n'ont pas
laissé la société internationale indifférente.
En effet, le droit international n'est pas resté
silencieux devant de tels évènements qui foulent au pied la
dignité humaine, mettent en berne les droits et libertés
fondamentaux de la personne, bien que lesdits évènements se
déroulent à l'intérieur des frontières d'un Etat
souverain. Les insurrections de 2011 en libyen et syrien en sont des
illustrations. Il faut noter que ces situations d'insurrection sont
encadrées par le droit international ici à titre subsidiaire car
l'insurrection interpelle tout d'abord l'Etat qui en est victime.
Le Droit international a une position très flexible sur
les questions insurrectionnelles. En général, il oscille entre
considération et rejet à l'égard de l'insurrection. Il est
pris dans le dilemme entre le souci d'encadrement des situations et
entités qui bien que non reconnues, s'imposent tout de même eu
égard de leurs actions sur la scène internationale, et le
désir de faire profil bas, de les ignorer, les laisser dans l'anonymat
juridique. L'objectif ici est de décourager les velléités
insurrectionnelles, de nier aux insurgés une certaine
légitimité qui serait préjudiciable aux Etats. L'on peut
parler de Considération parce qu'en tant que conflit armé non
international, l'insurrection est encadrée par deux principaux textes
à savoir : l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de
1949, et le Protocole additionnel II auxdites conventions relatif à la
protection des victimes des conflits armés non internationaux. Il
s'observe également un phénomène de rejet de
l'insurrection en Droit international. Cet état de chose est
justifié par le fait que les insurgés sont des entités
infra étatiques, qui sèment le trouble dans l'ordre international
tant au sens propre qu'au sens juridique.
Cette logique est à l'origine de la controverse en
droit international sur la validation des insurrections en Libye et en Syrie
(Chapitre I) qui toutefois ont été finalement validées par
le droit international (Chapitre II)
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
LA CONTROVERSE EN DROIT INTERNATIONAL SUR LA VALIDATION DES
INSURRECTIONS EN LIBYE ET EN SYRIE
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