PARAGRAPHE II : LA REPRESSION PAR LES JURIDICTIONS
MIXTES
Par juridictions mixtes, il faut comprendre ici, les
juridictions qui appartiennent concurremment à l'ordre juridique interne
et à l'ordre juridique international. Celles-ci sont très
importantes et s'inscrivent en complément aux juridictions
entièrement nationales. Elles participent de manière plus
significative à la répression des crimes internationaux commis
pendant le conflit armé d'origine insurrectionnelle.
L'on peut distinguer ici deux types de juridictions mixtes
à savoir : les tribunaux pénaux ad hoc (A), et les juridictions
nationales à compétence universelle (B).
A - LES TRIBUNAUX PENAUX AD HOC
Les tribunaux pénaux spéciaux sont des
« tribunaux ad hoc comme pour l'ex-Yougoslavie ou le Rwanda. Ils
demeurent des tribunaux internes constitués avec l'accord des Nations
Unies et leur coopération »127.
Les évènements en Libye et en Syrie peuvent
donner lieu à la création de tels tribunaux (1), selon une
composition et une procédure bien définies (2).
1 - Perspectives sur la création des tribunaux
pénaux ad hoc pour la Libye et la Syrie
Depuis Nuremberg, la communauté internationale s'est
engagée à punir tous les comportements qui heurtent et blessent
la sensibilité de la conscience de l'humanité. Toute
responsabilité pénale doit être établie et
réprimée, qu'elle soit individuelle ou collective. Plus de place
pour l'impunité. C'est pour cette raison que les crimes de guerre et
crimes contre l'humanité sont rendus imprescriptibles128.
La pratique du Conseil de sécurité des Nations
Unies, donne à l'observation de relever qu'il remplit des fonctions
juridictionnelles. Plusieurs exemples le démontrent à suffisance.
L'on peut citer le Tribunal spécial pour la Sierra Léone. Ici, le
« Conseil de sécurité des
Nations Unies avait donné mandat au Secrétaire
général des Nations Unies conformément à
127 OWONA (J), Droit international
humanitaire, Paris, L'Harmattan, 2012, op.cit., p.133.
128 Art 1er, Convention sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et crimes contre
l'humanité de 1968.
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
la résolution 1315 du 14 Aout 2000 pour
créer un tribunal de juridictions mixtes, le TSSL
»129. Et un « accord subséquent a
été signé en janvier 2002 entre les Nations Unies et le
Gouvernement sierra léonais et, ratifié par le parlement de
Sierra Léone en mars 2002 »130. C'est une
juridiction hybride, mixte adossée sur le droit international. Le
« TSSL fait partie du système judiciaire sierra léonais
»131.
De même, le tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie (TPIY) est créé par les résolutions 808
et 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il est
chargé de « juger les personnes présumées
responsables de violations graves du droit international humanitaire commises
sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 »132,
ainsi que « les personnes qui commettent ou donnent l'ordre de
commettre des infractions graves aux Conventions de Genève du 12
août 1949 »133.
En outre, on a le tribunal pénal international pour le
Rwanda (TPIR), crée par la résolution 955 du 8 Novembre 1994 par
le Conseil de sécurité. Il s'applique à juger «
personnes présumées responsables d'actes de génocide ou
d'autres violations graves du droit international humanitaire
»134. Pour y parvenir, une coopération
internationale est nécessaire entre le tribunal nouvellement crée
et l'appareil judiciaire rwandais.
Enfin, les chambres extraordinaires pour juger les khmers
rouges. Le 14 Mai 2003, l'Assemblée Générale approuve un
accord passé avec le Cambodge sur le tribunal qui devrait juger les
khmers rouges conformément au droit cambodgien, les auteurs des
exactions perpétrées pendant la période du
Kampuchéa démocratique.
Tous ces précédents, donnent légitimement
de penser que parce que les crimes internationaux ne restent pas impunis, ceux
commis en Libye et en Syrie aboutiront certainement à la création
de tribunaux semblables.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
JOSEPH MARCEL II Page 64
129 OWONA (J), Droit international
humanitaire, Paris, L'Harmattan, 2012, op.cit., p.133.
130 Ibid., p.133
131 Ibid., p.133
132 Art 1er, Statut actualisé
du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
133 Ibid., art 2
134 Préambule, CS/RES/955 (1994) du 8
novembre 1994.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
JOSEPH MARCEL II Page 65
Le régime juridique de l'insurrection: une
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2 - Composition et procédure devant les tribunaux
pénaux ad hoc
La composition des tribunaux pénaux spéciaux sur
la Libye et la Syrie s'ils sont créés, pourraient à
plusieurs égard ressembler à celle de ses
prédécesseurs. Ils seraient constitués de trois organes
à savoir : les chambres, le procureur, et le greffe.
Les chambres représentent le siège où
magistrature assise. Elles sont constituées de plusieurs juges et
coiffées par un président. Les chambres peuvent se subdiviser en
fonction de la nature et de la diversité des crimes.
Le procureur quant à lui constitue le parquet ou
magistrature debout. Dans la plupart des tribunaux internationaux ad hoc, le
procureur est désigné par le Secrétaire
Général des Nations Unies. Il pourrait l'être
également par les gouvernements syrien ou libyen. Il exerce les
fonctions classiquement dévolues à cette charge. A cet effet, il
est chargé de mener des investigations et des poursuites à
l'encontre des personnes qui portent la responsabilité pour les graves
violations du droit international humanitaire et des crimes commis contre les
Etats en cause. Le procureur a le pouvoir d'interroger les suspects, les
victimes, et les témoins. Il rassemble les indices et mène les
enquêtes sur le terrain. Il est selon les cas, assisté d'un
procureur adjoint ayant la nationalité de l'Etat où siège
le tribunal.
Le greffe est en charge de l'administration et du service de
la justice du tribunal. Il comprend un greffier en chef et un personnel. Il
fournit toute l'assistance idoine aux victimes et aux témoins.
La procédure obéit aux exigences qui
conditionnent la bonne tenue d'un procès pénal. On reconnait aux
accusés les droits fondamentaux. Il s'agit de la présomption
d'innocence, de l'égalité devant le tribunal, la publicité
des audiences, le droit à un conseil, le droit de disposer du temps et
des moyens pour la défense, le principe du contradictoire, et le
principe du double degré de juridiction.
Les juridictions mixtes sont importantes en ceci qu'elles
renforcent les capacités répressives des juridictions nationales
face aux crimes internationaux. Les tribunaux pénaux ad hoc sont
créés au cas par cas. Ils sont créés pour
désengorger le prétoire des juridictions pénales
internationales telles que la Cour pénale internationale. Les
juridictions nationales à compétence universelle, participent
également à la répression.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
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