CHAPITRE II :
LA REPRESSION EN DROIT INTERNE DES INSURRECTIONS EN
LIBYE ET EN SYRIE
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
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Le régime juridique de l'insurrection: une
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Historiquement, le soulèvement armé du peuple
contre ses dirigeants dans l'optique de les évincer a toujours
existé. C'est également avec une surenchère de violence
que le pouvoir réprime ce comportement. Aujourd'hui encore, cette
réalité demeure. Le temps n'a pas érodé cette
pratique. La réponse que les autorités au pouvoir dans un Etat
donnent à toute insurrection reste la répression. Plusieurs
exemples de part le monde corroborent à suffisance ce point de vue. L'on
peut évoquer ici les évènements actuels en Ukraine, ou
encore les M23 en RDC, les Séléka en RCA, et les
évènements de 2011 en Egypte, et en Tunisie. La Libye et la
Syrie, cas de notre étude, en sont de patentes illustrations. Ces deux
Etats ont connu en 2011, des insurrections, lesquelles ont conduit les
autorités gouvernementales à les réprimer.
La répression de l'insurrection revêt deux
aspects : elle peut consister en recours à la force (Section I), ou en
une répression juridictionnelle (Section II)
SECTION I : LA REPRESSION DES INSURRECTIONS PAR LE
RECOURS A LA FORCE
Par recours à la force, il faut comprendre ici le
déploiement des forces de défense et de sécurité
contre les insurgés sur le territoire qu'ils contrôlent.
L'insurrection est un fléau. « En droit interne ou dans le
langage des autorités publiques, leurs membres ne sont que des individus
insoumis à la loi, des `'bandits» de droit commun, des terroristes,
des `'apatrides» punissables du seul fait d'avoir pris les armes
»104. Afin de dissoudre ce soulèvement, dissuader
et d'obvier de telles initiatives pour l'avenir, les pouvoirs de Damas et de
Tripoli ont recouru à la force et réprimé dans le sang ces
insurrections.
Le recours à la force est d'abord le fait des
autorités gouvernementales (Paragraphe I). Si ces dernières s'en
trouvent débordées, elles peuvent solliciter le concours de leurs
partenaires étrangers (Paragraphe II)
104 ZAKARIA (D) « les groupés
dans un système de droit international centré sur l'Etat
» in RICR, vol93, Genève, No 882, juin 2011, op.cit.,
p. 87.
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PARAGRAPHE I : LE RECOURS A LA FORCE PAR LES AUTORITES
GOUVERNEMENTALES
Il est du devoir des autorités gouvernementales, de
préserver l'unité et la stabilité du territoire, et de
protéger les droits et les libertés fondamentaux face aux
insurgés qui travaillent à renverser l'ordre établi. A cet
effet, elles recourent à la force, car elles disposent d'un droit de
légitime défense contre les insurgés (A). Ce qui induit
conséquemment la négation du droit à la paix à ces
derniers (B)
A - DROIT DE LEGITIME DEFENSE DES AUTORITES
GOUVERNEMENTALES LIBYENNES ET SYRIENNES CONTRE LES INSURGES
Les autorités gouvernementales libyennes et syriennes
ont eu recours à la force pour réprimer les insurrections qui les
ont frappées, ceci dans le cadre de l'exercice du droit de
légitime défense. Pour cerner ce recours à la force, il
est tout d'abord important de déblayer premièrement la notion de
légitime défense (1), afin de comprendre l'action des forces de
défense et de sécurité (2)
1 - La notion de légitime
défense
»106.
La légitime défense peut se concevoir comme le
pouvoir reconnu à tout sujet de droit, de faire proportionnellement
usage de la force, afin de défendre son intégrité
physique, ses intérêts ou ceux d'un parent contre tout acte
hostile, toute atteinte illégitime causée volontairement,
directement, ou indirectement par un autre sujet de droit. Elle est bien connue
en droit interne notamment dans les rapports interpersonnels. C'est un principe
général de droit. Son domaine de prédilection est le droit
pénal. Il permet en effet, à tout individu de répondre
énergiquement contre toute attaque illégitime, menaçant sa
personne ou celle d'un proche. La légitime défense est une cause
d'exonération, de non imputabilité de la responsabilité
pénale. C'est « un concept auquel il est souvent fait
référence pour justifier l'emploi de la force en droit
international »105. Elle est consacrée par
l'article 51 de la Charte des nations unies qui parle d'un « ... droit
naturel de légitime défense (...)
105 SIERPINSKI (B), « La
légitime défense en droit international : quelques observations
sur un concept juridique ambigu », R.Q.D.I, vol 19, no 1, 2006,
p.79.
106 Art 51, Charte des nations unies,
op.cit.
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L'exercice de la légitime défense obéit
donc à des critères bien établis. Elle doit
découler d'une attaque illégitime. C'est dire que l'on ne peut
l'évoquer si l'on s'est tout d'abord rendu coupable d'actes
répréhensibles. D'où la maxime latine, « Nemo
auditur propriam turpitudinem allegans »107. On parle
aussi de la théorie des « mains propres ». La
légitime défense doit être proportionnelle à
l'attaque illégitime. Elle doit être instantanée. C'est le
lieu de préciser ici que le recours à la force contre un
mouvement de libération nationale, bien que constituant un groupe
armé est strictement interdit en droit international. Il est admis que
les forces de libération nationale agissent ici conformément
à l'exercice de leur droit à l'auto détermination. Par
voie de conséquence, elles peuvent prétendre à la
légitime défense.
Ce principe est bien établi en droit international. Du
fait de l'étatisme qui règne dans cet ordre juridique. Il
réserve ainsi l'exercice de ce droit uniquement aux Etats. Le droit
international est silencieux en ce qui concerne le recours à la force en
droit interne. Il ne précise pas si en interne, les autorités
gouvernementales disposent d'un droit de légitime défense face
à individus qui s'opposent à elles. Si elles peuvent
légitimement et légalement exercer la répression à
l'encontre des insurgés. C'est toute la difficulté d'une
transposition de ce principe dans juridique interne s'agissant du rapport entre
le pouvoir et les insurgés.
Mais à l'analyse, l'on peut reconnaitre un certain
droit à la légitime défense aux autorités
gouvernementales, dans la mesure où l'on assimile les insurgés
à des « agresseurs » qui s'attaquent à
l'intégrité territoriale de l'Etat. En réponse, les
autorités gouvernementales sont en droit d'actionner les forces de
défense et de sécurité.
2 - L'action des forces de défense et de
sécurité
Les forces de sécurité, forces de
première catégorie sont constituées des forces de police
et de gendarmerie. Elles assurent la paix et le maintien de l'ordre à
l'intérieur du territoire. Les forces de défense ont pour
principale mission, la défense et la protection de l'Etat contre toute
forme d'agression, ou toute autre forme d'atteinte à
l'intégrité territoriale. Ce sont les forces de seconde
catégorie, et veillent sur les frontières. Les forces de
défense intègrent trois composantes principales à savoir :
l'armée de terre, l'armée marine, et l'armée de l'air.
L'armée de terre est constituée des combattants
de l'infanterie. L'armée marine protège les eaux territoriales et
la façade maritime. L'armée de l'air quant à elle, est en
charge de la
107 Maxime latine qui signifie que nul ne peut
se prévaloir de sa propre turpitude.
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sécurité de l'espace aérien. Il faut
souligner que ces différentes forces travaillent en synergie dans la
conduite de leur mission.
Dans un contexte insurrectionnel comme en Libye et en Syrie,
les forces de défense et de sécurité sont
mobilisées de manière graduelle. Au tout début de
l'insurrection, ce sont les forces de sécurité qui interviennent
afin de rétablir l'ordre public. Mais devant l'escalade de la violence
et la détermination de la population, les autorités ont
changé de stratégie. Les forces de défense sont
entrées en scène. En Libye par exemple, Le gouvernement a
usé de la force de façon excessive quand les manifestations se
sont propagées dans les villes de l'ouest, à Tripoli, la
capitale, à Misrata, Zaouïa, Zouara, et Zintan. L'on note les tirs
à balles réelles contre des manifestants pacifiques, ainsi que
les arrestations et la disparition de centaines de personnes
soupçonnées d'être impliquées dans des
manifestations anti-gouvernementales. Le gouvernement a posé des
milliers, voire peut-être des dizaines de milliers de mines
anti-véhicules et antipersonnel dans différentes régions
de Libye, notamment à Ajdabiya, Brega, Misrata et dans les montagnes de
l'ouest. L'utilisation de mines terrestres dans six lieux différents.
Celles-ci représenteront à coup sûr, une menace pour les
civils pendant de nombreuses années. Les mines antipersonnel, semblent
avoir été les plus utilisées; ce type de mines contient
peu de métal, ce qui les rend difficilement détectable et
neutralisa ble.
Le scénario est sensiblement le même en Syrie.
Les forces gouvernementales exercent une violence excessive contre les
insurgés. Le pouvoir de Damas déploie l'ensemble de ses
capacités militaires comme dans un conflit armé international
classique. Ceci témoigne à suffisance, tout le sérieux
avec lequel les autorités prennent la menace insurrectionnelle. L'on
relève l'utilisation des armes lourdes. Les combats sont intenses en
Syrie. Les insurgés parviennent à ternir face aux forces
loyalistes car non seulement parce qu'ils sont bien équipés
militairement, mais aussi parce qu'ils sont fortement appuyés par le
groupe armé dénommé daesh.
Au-delà de l'exercice d'un droit de légitime
défense, les autorités gouvernementales libyennes et syriennes
recourent également à la force parce qu'elles nient tout droit
à la paix aux insurgés.
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