B - LES ATTEINTES AUX LIBERTES PROFESSIONNELLES
La liberté professionnelle est le pouvoir reconnu aux
personnes ayant des intérêts professionnels communs, d'exercer
leurs droits et volonté dans le cadre de leur profession.
Les insurrections en Libye et en Syrie ont grandement
compromis l'exercice de ces libertés notamment la liberté
syndicale (1) et la liberté de grève (2).
1 - La liberté syndicale
« ... Toute personne a le droit de fonder avec
d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la
défense de ses intérêts »98. La
liberté syndicale est un droit reconnu aux travailleurs et aux
employeurs, de se constituer en syndicat afin de mieux faire entendre leurs
doléances. La Libye comme la Syrie se doivent chacun d'assurer,
« le droit qu'ont les syndicats d'exercer librement leur
activité, sans limitations autres que celles qui sont prévues par
la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une
société démocratique, dans l'intérêt de la
sécurité nationale ou de l'ordre public, ou pour protéger
les droits et les libertés d'autrui »99.
La constitution syrienne confirme « le droit des
secteurs populaires de créer des organisations syndicales, sociales,
professionnelles ou des coopératives de production ou des services dont
le cadre, les relations et le domaine d'activité sont fixés par
la loi »100. La Charte africaine des Droits de l'Homme et
des peuples consacre «... le droit de constituer librement des
associations avec d'autres, sous réserve de se conformer aux
règles édictées par la loi »101.
L'exercice de la liberté syndicale dans un contexte
insurrectionnel comme en Libye et en Syrie est fortement limité voire
interdit. Il s'agit d'une situation d'exception dans laquelle les
autorités gouvernementales craignent la création de toute
association fut t- elle
98 Art 24 al 4, Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme, 10 Décembre 1948, op.cit.
99 Art 8 al 1(c), Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels, de 1966,
op.cit.
100 Art 48, Constitution syrienne de 1973, op.cit.
101 Art 10 al 1er, Charte africaine des Droits de
l'Homme et des peuples.
Mémoire présenté et soutenu par MBAHEA
JOSEPH MARCEL II Page 45
Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
d'obédience politique, religieuse, et surtout
syndicale. Les travailleurs tout comme les employeurs ne peuvent que
très limitativement se constituer en syndicat. Pour les
autorités, ces syndicats crées ou en création pourraient
être des milieux favorables à l'expansion des idées
véhiculées par l'insurrection. Elles veulent éviter en
interdisant l'exercice de la liberté syndicale, un endoctrinement des
travailleurs qui les rallieraient à la cause des insurgés. La
Constitution syrienne de 1973 confirme le droit des secteurs populaires de
créer des organisations syndicales, sociales, professionnelles ou des
coopératives de production ou des services dont le cadre, les relations
et le domaine d'activité sont fixés par la loi (article 48). Ces
organisations doivent participer efficacement dans tous les domaines et les
assemblées prévus par la loi. Elles concourent à
l'édification d'une société arabe socialiste, à la
défense du régime, à la planification de l'économie
socialiste, à l'amélioration des conditions du travail, de la
prévention, de la santé, de la culture et de toutes les autres
questions en relation avec l'existence de ses membres. Mais aussi,
réaliser le progrès scientifique et technique et
développer les moyens de production, exercer enfin le contrôle
populaire sur les organes du gouvernement (article49). La création de
tout syndicat est conditionnée à une autorisation des
autorités, laquelle autorisation est précédée d'un
contrôle minutieux sur les fondateurs du syndicat, son objet, sa raison
et sa durée.
Seulement, même après la création d'un
syndicat professionnel, l'exercice du droit de grève reste
limité.
2 - Le droit de grève
La grève est une « cessation concertée
et collective du travail dans le but d'appuyer une revendication
professionnelle »102. La liberté de grève
« ... constitue un outil efficient de sécurisation de l'emploi
des travailleurs(...) »103. C'est aussi une composante des
droits et libertés fondamentaux, et une exigence dans un Etat de droit.
Les travailleurs ont le droit de dénoncer les abus et les injustices, de
revendiquer une amélioration de leurs conditions de vie et de
travail.
Mais en Libye tout comme en Syrie, les grévistes sont
très souvent assimilés à des insurgés et même
à des terroristes. Les autorités gouvernementales s'opposent
à toute manifestation des grévistes. Leur crainte est de voir les
insurgés profiter d'une manifestation
102 GUILLIEN(R) et VINCENT(J) et autres,
Lexique des termes juridiques, 13ème éd,
Paris, Dalloz, 2001, op.cit. , p.282.
103 BELLO (A), étude comparative des
libertés collectives des travailleurs : essai de rapprochement à
partir des situations juridiques des travailleurs français et
béninois, Thèse de Doctorat en Droit, Université de
Cergy-Pontoise, 2010, p.210.
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Le régime juridique de l'insurrection: une
étude à partir des cas libyen et syrien
des travailleurs en grève, pour s'y insérer,
l'amplifier davantage de sorte que les grévistes s'arment contre le
pouvoir.
En bref, le pouvoir craint une instrumentalisation de la
grève très préjudiciable pour la sureté, dans un
contexte déjà bien marqué par l'insécurité.
Elle est ainsi restreinte et même limitée car peut
déboucher sur une escalade de la violence.
Au terme de ce chapitre, il en ressort que le droit interne
des Etats libyen et syrien, trouve matière à application car les
insurrections dont ont été victimes ces Etats, constituent des
atteintes à leur sureté et à leur stabilité. Aussi
sont-elles des facteurs préjudiciables pour l'exercice des droits et les
libertés fondamentales. Seulement, ces deux raisons ne justifient pas
à elles seules l'application du droit interne. L'insurrection
étant un phénomène hautement condamné en interne
par les Etats, sa répression s'impose.
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