4. Compétences politiques et contexte
professionnel
4.1 L'importance des compétences politiques
selon les exigences interpersonnelles et sociales liées à
l'occupation
Dans toute organisation cohabitent des acteurs aux objectifs
différents et aux intérêts personnels et organisationnels
parfois divergents. Etant donné que les individus composant ces
organisations n'y travaillent pas de façon isolée les uns des
autres, mais doivent au contraire coordonner leurs efforts et communiquer avec
de multiples interlocuteurs internes ou externes, les compétences
sociales et interpersonnelles sont clés. Celles-ci sont d'autant plus
importantes
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que le métier exercé implique une
interdépendance des tâches fortes, nécessitant de faire
appel à des capacités de coordination, de négociation,
d'écoute et de support envers les autres. Un contexte de forte
interdépendance nécessite donc de trouver un compromis
satisfaisant entre les stratégies individuelles et l'objectif commun, de
façon à ce que chacun des membres du collectif puisse poursuivre
son intérêt personnel sans pour autant nuire à celui de
l'ensemble.
La caractérisation de l'effet des compétences
politiques selon le type de métier a déjà fait l'objet
d'investigations de plusieurs chercheurs visant à le différencier
selon la nature des exigences liées à la tâche. Les travaux
de Blickle et al. (2009, 2011, 2012) sont les premiers à faire le lien
entre le construit de compétences politiques et la nature de la demande
psychologique liée au type d'emploi, et s'appuient pour ce faire sur la
typologie de Holland. Ainsi, menant leurs recherches sur une population de
commerciaux, les auteurs démontrent un effet prédictif
significatif du niveau de compétences politiques sur 4 types de mesure
de performance commerciale.
D'autres études menées sur le même
modèle ont principalement étudié l'impact des
compétences politiques sur la performance pour les métiers de
management (Blickle et al., 2011; Semadar et al, 2006) ou les métiers de
type entreprenants (Blickle et al, 2009, 2011a, 2012).
De plus, selon Perrewé, Ferris, Frink et Anthony (2000)
le recours aux compétences politiques est particulièrement
avantageux pour les professions qui requièrent des compétences
interpersonnelles et des techniques d'influence sociale, et dans les cadres
professionnels où travailler avec et pour les autres est indispensable
au succès professionnel. Aucune relation n'est cependant trouvée
entre le niveau de compétence politique et la performance dans les
contextes de travail où l'interaction interpersonnelle n'est pas un
élément fondamental d'efficacité.
Au-delà du type de métier, l'effet des
compétences politiques serait intéressant à analyser en
lien avec la dépendance réciproque des individus dans la
réalisation collective. L'interdépendance des tâches
constitutives de l'activité exercée, quel que soit le contexte
dans lequel cette activité est réalisée et quelle que soit
la nature de cette activité, constitue en effet une variable importante
qui n'a à notre connaissance jamais encore été
étudiée en lien avec les compétences politiques. Or, bien
que les enjeux des relations interpersonnelles et sociales soient
différents selon les types de métiers, l'interdépendance
dans la réalisation des tâches induit nécessairement une
implication de l'individu envers ses interlocuteurs, internes ou externes
à l'organisation, quelle que soit la nature de l'activité
exercée.
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Thompson (1967) définit ainsi l'interdépendance
des tâches comme le « degré auquel les individus sont
dépendants et reçoivent le soutien direct d'autres personnes
(collègues et responsable d'équipe) afin d'accomplir leur travail
».
De nombreuses études ont déjà mis en
lumière la modération par l'interdépendance des
tâches de la relation entre le type de leadership et la performance des
employés. Une forte interdépendance au sein d'un groupe exige en
effet pour le responsable d'équipe de gérer non seulement la
complexité des tâches, le besoin accru de coordination des membres
du groupe et la charge de travail incombant à chacun, mais
nécessite également de communiquer efficacement et de
gérer les conflits. De fait, l'impact des compétences
émotionnelles des leaders sur la performance des équipes
très interdépendantes est renforcé dans ce type de
contexte.
L'une des hypothèses de recherche d'Organ (1997, p.90)
est que le niveau d'exigences interpersonnelles et sociales du métier
exercé n'a pas d'effet sur la force de la relation existante entre
compétences politiques et niveau performance contextuelle.
Néanmoins, dans le cas d'une interdépendance des tâches qui
rend saillant le besoin de coopération et d'interactions entre les
membres du groupe, on peut imaginer que tous les individus ayant à
travailler dans ce type de contexte, et non pas seulement les responsables
d'équipes, auront à développer des compétences
politiques élevées pour accomplir leur travail. On peut ainsi
supposer une corrélation entre le niveau de compétences
politiques et le degré d'interdépendance des tâches, le
niveau de compétences politiques étant potentiellement plus
élevé pour les personnes qui exercent leur métier dans un
contexte d'interdépendance des tâches fort que pour les personnes
faiblement interdépendantes.
On formule donc une troisième hypothèse
qui confère au niveau d'interdépendance des tâches un
rôle de modérateur de la relation entre les compétences
politiques et la performance contextuelle, dans le sens où un niveau
élevé de compétences politiques aura un effet
significativement supérieur sur le niveau de performance contextuelle
dans un contexte de forte interdépendance des tâches que dans un
contexte de faible niveau d'interdépendance.
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