4.2 Interdépendance des tâches et stress
perçu
L'impact des types de demandes psychologiques liées aux
différents métiers sur le niveau de tension ressenti a fait
l'objet d'un grand nombre de recherches, mais peu d'entre elles ont
étudié le cas particulier de l'incidence d'une forte
interdépendance des tâches sur le niveau d'épuisement
professionnel.
Schaufeli et Enzmann (1998) définissent le burnout
comme un épuisement des ressources mentales et émotionnelles
causé par un stress professionnel chronique, constituant de fait un
indicateur de santé psychologique au travail. Pour Maslach, Schaufeli et
Leiter (2001), ce syndrome est la réponse à une exposition
prolongée aux stresseurs émotionnels et interpersonnels de
l'environnement professionnel, et est défini par les trois dimensions
suivantes : épuisement émotionnel, dépersonnalisation et
réduction du sentiment d'accomplissement personnel. Plusieurs
modèles théoriques ont été développés
pour décrire le syndrome d'épuisement professionnel, et si la
dimension de l'épuisement émotionnel fait l'unanimité dans
la communauté des chercheurs en psychologie sociale, les dimensions de
la dépersonnalisation et de la diminution de l'accomplissement personnel
mesurées ont un statut théorique moins clairement
identifié. En effet, ces deux dimensions peuvent être
perçues comme des symptômes mais également comme des
processus adaptatifs (Sonnentag, 2005) qui ne seraient de fait pas
forcément une conséquence du stress mais plutôt une
ressource pour y faire face.
Le burnout, conséquence du stress provoqué par
des facteurs de l'environnement professionnel, a par ailleurs été
associé à de nombreuses formes de distanciation par rapport au
travail : absentéisme, intention de démission, turnover
réel. Par ailleurs, pour les personnes restant en poste, le burnout est
associé à une diminution de la productivité et une
réduction d'efficacité (Maslach, Schaufeli et Leiter, 2001).
Les facteurs de stress communs associés au travail
(charge de travail, pression du temps, conflits de rôle) sont ressortis
dans les résultats de plusieurs recherches récentes comme plus
significativement corrélés à l'épuisement
professionnel que les facteurs de stress liés aux clients (tels que les
problèmes d'interaction avec les clients, fréquence des contacts
avec les patients malades chroniques ou en phase terminale, confrontation avec
la mort). Cependant, de nouvelles recherches ont montré que les
exigences émotionnelles au travail, telles que le besoin de masquer ou
supprimer des émotions, ou encore le besoin d'empathie, sont
responsables d'une plus grande
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part de la variance des scores d'épuisement
émotionnel que les autres facteurs de stress au travail (Zapf et al,
2001).
Dans le cadre de la théorie de conservation des
ressources, le stress provient de l'incapacité à
développer ou maintenir ses ressources. Ainsi, en plus des demandes
quantitatives et qualitatives liées à l'activité
professionnelle, l'absence de ressources peut constituer un facteur
prédicteur de burnout. Or l'impact de l'absence de soutien social, et en
particulier de la part du responsable hiérarchique plus que de la part
des collègues, a notamment été démontré
comme facteur prédictif de burnout (Leiter et Maslach, 2006). De plus,
le soutien social et la latitude décisionnelle médiatisent la
relation entre compétences politique et épuisement
émotionnel d'une part, et réduction de l'accomplissement
personnel d'autre part.
On peut donc se demander quel est l'impact d'une situation
d'interdépendance des tâches sur la capacité du sujet
à mobiliser des ressources, et sur le niveau d'épuisement
émotionnel consécutif. La proportion de relations
interpersonnelles inhérentes au métier exercé semble en
effet pouvoir influencer le stress perçu.
On peut ainsi formuler notre quatrième
hypothèse qui confère au niveau d'interdépendance des
tâches un rôle de modérateur de la relation entre les
compétences politiques et la réduction d'accomplissement
personnel. Un haut niveau de compétences politiques aura ainsi un effet
de protection du niveau d'accomplissement personnel significativement
supérieur dans un contexte de forte interdépendance des
tâches que dans un contexte de faible niveau
d'interdépendance.
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