9.3 Ouvertures
Dans le cadre théorique de cette étude qui donne
aux compétences politiques le statut de ressources personnelles, il
serait intéressant d'intégrer au plan de recherche d'autres
variables individuelles et situationnelles de façon à mettre en
avant le caractère stratégique de leur utilisation.
Ainsi, on fait l'hypothèse que ce capital de l'individu
sera utilisé différemment selon les moments de sa carrière
professionnelle, et que ses compétences politiques seront plus ou moins
saillantes selon la situation rencontrée. On suppose de la même
manière que leur utilisation peut être stratégique, et
qu'une évaluation unique à un instant T sans tenir compte de la
situation du sujet peut de fait n'en refléter qu'une partie. On pourrait
ainsi imaginer des protocoles mesurant les compétences politiques non
pas comme un trait de personnalité stable mais comme un capital
mobilisé à des fins précises et de façon
spécifique à l'enjeu de la situation sociale rencontrée.
Il serait par exemple intéressant de comparer les compétences
mobilisées ou rendues intentionnellement saillantes par des candidats
lors d'entretiens de recrutements pour différents types de poste, de
comparer le temps de recherche d'emploi selon le niveau de compétences
politiques pour des personnes en situation de chômage, ou encore
l'équilibre vie personnelle-vie professionnelle et le niveau de
compétences politiques...
De plus, si les compétences politiques constituent un
capital pour l'individu, elles peuvent de fait évoluer tout au long de
sa vie. On peut en conséquence faire l'hypothèse que les niveaux
de compétences politiques de jeunes diplômés avec des
« seniors » seront significativement différents. Ainsi
plusieurs auteurs ont ainsi déjà avancé l'idée que
les compétences politiques pouvaient être
développées, et une étude longitudinale en ce sens serait
pertinente.
On peut également avancer que si les compétences
politiques sont une ressource à laquelle le sujet peut choisir de faire
appel pour développer son capital social, il peut aussi choisir de ne
pas l'utiliser dans certains types de situations. Ainsi, en se basant sur la
conception de l'entreprise comme une arène politique, on peut imaginer
que les compétences politiques servent l'objectif de protéger une
zone de pouvoir individuel, définie par Crozier de
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Friedberg (1981) comme une zone d'incertitude
organisationnelle. On peut se demander si les compétences politiques,
tout comme l'intelligence émotionnelle, ne comportent pas
différents « niveaux », de l'inconscience de l'existence de
ces ressources à leur connaissance profonde permettant une utilisation
stratégique de ce capital. Un individu peut en effet dans une situation
sociale particulière identifier la réponse politique qu'il
conviendrait d'apporter ou le bénéfice qu'il aurait à y
gagner mais choisir de ne pas l'adopter si son enjeu individuel est autre ou si
une autre variable individuelle ou situationnelle entre en compte. De fait, on
pourrait avoir une incohérence entre le niveau de compétences
politiques réel et perçu. Etendre la recherche sur les
compétences politiques en comparant les niveaux individuels avec le
sociogramme de l'organisation serait une piste pour comprendre en quoi ces
dernières peuvent prédire le positionnement des individus dans
l'écosystème.
D'autres variables individuelles (par exemple le degré
d'ambition), situationnelles (par exemple l'enjeu de l'interaction pour le
sujet), ou organisationnelle (par exemple la culture d'entreprise ou la
position hiérarchique), seraient intéressantes à prendre
en compte pour étudier l'utilisation stratégique des
compétences politiques. La comparaison entre le statut
hiérarchique et la centralité de la position de l'individu dans
l'écosystème de l'organisation serait également une
donnée pertinente à mettre en relation avec le niveau de
compétences politiques.
Le champ de recherche est donc encore vaste pour
contextualiser les compétences politiques, et il constitue un
réel enjeu pour les entreprises, particulièrement dans
l'environnement socio-économique actuel qui impose aux individus de
faire preuve d'adaptabilité et de flexibilité.
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