1.3 Environnements scolaires et créativité
Les caractéristiques communes aux enseignants qui
favorisent la créativité ont été identifiées
par Cropley en 1997 (cité par Lubart, Mouchiroud, Tordjman &
Zenasni, 2003, p 72-73). Ces enseignants pratiquent le travail en
coopération, motivent les étudiants pour apprendre les faits,
encouragent la pensée flexible, évitent de juger les idées
des étudiants avant qu'elles n'aient été
considérées, favorisent l'auto-évaluation des
idées, prennent au sérieux les questions et les suggestions des
étudiants, offrent des opportunités de travailler dans diverses
situations et avec divers matériaux, et enfin aident les
étudiants à dépasser la frustration et l'échec pour
qu'ils aient le courage de poursuivre de nouvelles idées. Toutes ces
caractéristiques font partie des éléments utilisés
par les pédagogies alternatives. Au cours du 20ème
siècle, des enseignants et des psychologues développent une
approche alternative à la pédagogie traditionnelle. Ce sont les
travaux de Piaget (1896-1980) qui apporteront à ces pédagogues
novateurs le soutien de la science. Freinet (1969), à
l'origine de la pédagogie alternative du même nom, appuie une
partie de sa pédagogie sur les travaux de Dewey (1859-1952) pour qui les
activités manuelles sont le support des activités
intellectuelles. Freinet émettra deux postulats (a) «l'élan
vital» : un enfant est animé par un dynamisme naturel qui ne
devrait pas être opposé; (b) «le tâtonnement
expérimental » : l'erreur est un moyen d'accéder à la
connaissance. Il voit dans la formation scolaire traditionnelle un handicap
possible à la création artistique et cherchera à
développer les compétences créatrices des enfants dans ses
méthodes pédagogiques. Par exemple, il rejette vigoureusement
l'enseignement traditionnel du dessin, accusé de brider l'imagination et
l'expression par son excès de formalisme. Copies et sujets
imposés sont bannis. L'enfant, véritable créateur, doit
dessiner de manière spontanée sans se soucier du réalisme.
Oury (1967), est le fondateur de la
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pédagogie institutionnelle (ci après
abrégé : PI). Il dénonce l'école caserne et adapte
la pédagogie de Freinet au milieu urbain en y rajoutant sa propre
conception de l'enseignement. Il base sa pédagogie sur l'importance de
la place du sujet en s'inspirant de la psychothérapie institutionnelle
et de la dynamique des groupes de Lewin (18901947), créant ainsi
différents outils : les ceintures, le conseil et le quoi de neuf. Ces
outils (voir annexe I), seront repris avec les invariants de Freinet (voir
annexe II) par les écoles Calandretas. La première Calandreta
voit le jour en 1979. Leur objectif est de transmettre la langue et la culture
occitane en immersion précoce. Ce sont des établissements
scolaires bilingues Franco-occitan, laïcs. Il existe actuellement 54
écoles réparties sur 17 départements. Chaque
établissement emploie une méthode de pédagogie qui tient
compte des courants pédagogiques de Freinet/PI, d'Oury, et des
psycholinguistes tels que Petit (2001) et Dalgalian (2000), qui favorisent le
bilinguisme en immersion précoce. L'expression libre et surtout le
dessin libre, sont considérés dans ce type de pédagogie
(Calandreta, Freinet/PI) comme essentiels pour le développement de
l'enfant. Les salles de classes ainsi que l'école sont
décorées d'un large éventail d'oeuvres d'arts,
créées par les enfants eux-mêmes. La pratique artistique,
ne se résume pas sur un temps collectif, telle qu'elle est
pratiquée en pédagogie traditionnelle. L'enfant peut dessiner en
écoutant un exposé, pendant la lecture d'un de ses camarades,
quand il a fini un devoir, ou pris de l'avance dans un travail.
Il existe à ce jour très peu de recherches
traitant de l'impact des pédagogies Freinet/PI sur la
créativité. L'une d'entre elles a cependant permit de montrer que
les enfants issus de pédagogie Freinet obtenaient des scores de
créativités plus élevés que les enfants issus de
pédagogie traditionnelle (Avanzini & Ferrero, 1976, 1977,
cité par Besancon, Zenasni & Lubart, 2010). Plus récemment,
Besançon et Lubart (2007) ont mené une étude
semi-longitudinale, avec 211 enfants âgés de 7 à 12 ans,
scolarisés en pédagogie Freinet, Montessori et en école
traditionnelle. Leur postulat était que les enfants scolarisés en
pédagogies alternatives (Freinet, Montessori) auraient des performances
créatives plus importantes que les enfants scolarisés en
pédagogie traditionnelle. La créativité a
été mesurée au moyen de différents types de
tâches telles que : l'utilisation inhabituelle d'une boîte en
carton (nommer oralement les différents
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usages possibles), l'amélioration d'un jouet (nommer
oralement les différentes possibilités de le rendre plus
amusant), le test des lignes parallèles (réaliser le plus de
dessins possibles à partir de lignes parallèles et leur donner un
titre). Ces différentes tâches permettaient notamment
d'évaluer la pensée divergente. Les différents indices
pris en compte étaient : la fluidité, la flexibilité, et
l'originalité. Leurs résultats montrent que le type de
pédagogie influence de manière significative la performance
créative des enfants: les élèves issus de pédagogie
alternative sont significativement plus créatifs que les enfants issus
de pédagogie traditionnelle.
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