1.2. Le bilan post-parrainage
Deux sortes de bilans post-parrainage ressortent : d'un
côté, les prises de conscience de certains parrains et marraines.
D'un autre côté, les éléments pouvant constituer un
obstacle au bon déroulement du parrainage.
- Les prises de conscience
Suite à son premier parrainage, une marraine a dit
prendre conscience qu'elle « était utile » et qu'elle
« amenait de la valeur très concrètement au-delà
de la relation humaine qui se créée. »
Une autre marraine dit qu'elle a rencontré deux
exemples qui lui montrent qu'il faut que ce soit la personne qui décide.
Pour elle, « c'est ça qui est le plus important, il faut que
les filleuls fassent leur chemin. »
Selon un des parrains, « il ne s'agit pas de leur
changer leur nature mais plus de les rendre compatibles ou de leur permettre
d'avoir les clés». Il explique son idée en disant qu'on
est « dans une société de signes extérieurs : les
signes de présentation, les signes de savoir-être ». Il
insiste sur l'importance de savoir manipuler ces signes tout en gardant «
sa nature propre ».
Finalement, un parrain relate son expérience en disant
qu'il a essayé de montrer à sa filleule qu'elle avait beaucoup de
qualités qu'il fallait qu'elle mette en valeur.
- Les éléments pouvant constituer un
obstacle au bon déroulement du parrainage
Trois personnes interviewées ont insisté sur le
fait que si les filleuls attendent que les parrains et marraines leur trouvent
un travail, cela ne marchera pas. « Ce qui va marcher c'est que la
personne ait vraiment envie qu'on l'accompagne dans cette démarche
». L'efficacité du parrainage repose ainsi sur sa
compréhension et son appropriation par chacun des deux acteurs. Une
marraine relate l'expérience suivante avec une pointe de regret :
« Une des filleules que j'ai encadrée n'avait
pas envie d'apprendre, elle espérait que par mon réseau j'allais
lui trouver un travail. Si elle m'avait convaincue j'aurais pu la prendre dans
mes équipes. Si elle avait juste été plus ouverte j'aurai
pu être efficace. »
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1.3. Les compétences nécessaires selon les
parrains et marraines
Avant de présenter la liste des compétences
mentionnées par les marraines et les parrains, je tiens à
préciser que deux des interviewés se sont demandés si le
terme « compétences » était le plus approprié.
En effet, pour eux il s'agissait plutôt de qualités.
Selon EV, il ne s'agit pas de compétences car «
un mentor en entreprise doit avoir des compétences bien
supérieures à celles-là37. Dans le rôle
d'un parrain il y a une notion d'accompagnement personnel. Je ne raisonne pas
en termes de compétences mais plus en termes d'aptitudes et de
caractéristiques. »
Une autre réponse s'est aussi démarquée
du reste des réponses. Il s'agissait d'une marraine pour qui «
aucune compétence n'est nécessaire sauf d'y croire
».
La synthèse des discours des quatre personnes fait
ressortir neuf compétences qui, à leur avis, sont
inhérentes à leur rôle. Certaines compétences ont
été clairement nommées par les interviewés (telle
que la capacité d'écoute, avoir de l'empathie, respecter la
personne) alors que d'autres, non. Concernant ces dernières, je les ai
moi-même nommées de la manière qui m'a paru la plus
représentative de leurs propos. L'ensemble de ces compétences est
détaillé ci-dessous :
- La capacité d'écoute et
l'empathie
La capacité d'écoute a été
évoquée par deux personnes :
« Il faut pouvoir écouter, poser des
questions, ça permet au filleul de se recentrer et de se resituer.
»
« Il faut avoir la capacité d'écoute
c'est ça qui va d'abord créer le lien. Il faut évidemment
répondre à leurs questions mais aussi aller un peu plus loin,
essayer de ressentir la situation et les interrogations profondes que les gens
peuvent avoir pour en parler et essayer d'apporter notre éclairage. Il
faut être psychologue, c'est-à-dire essayer de comprendre la
personne, par ce qu'elle dit mais aussi surtout par tout ce qu'elle ne dit pas.
Essayer de comprendre un petit peu qui elle est et ce qu'elle attend et donner
notre vision des choses. »
La majorité semble être d'avis qu'il faut un peu
d'empathie. Ils l'ont tous exprimé plus ou moins explicitement. Pour
certains, cela se caractérise par le fait d' « adapter son
discours aux attentes de la personne qu'elles soient formulées ou pas.
Il faut répondre aux questions mais aussi aller plus loin et
derrière ce qui est dit ».
37 La liste de compétences sera
détaillée dans la page suivante.
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D'autres décrivent cette compétences en la
comparant au fait d' « être psychologue, c'est à dire
essayer de comprendre la personne, par ce qu'elle dit mais aussi surtout par ce
qu'elle ne dit pas. Essayer de comprendre un petit peu qui elle est et ce
qu'elle attend. »
L'empathie a aussi été décrite par un
parrain comme le fait « de ressentir la situation et les questions et
les interrogations profondes que les gens peuvent avoir. »
- La rassurance et le soutien moral
« Comme ils sont souvent fragilisés par la
situation et par l'échec, le fait de pouvoir leur dire `c'est normal'
les rassure. Ce qu'ils me disent le plus souvent c'est que le fait de parler
leur donne une bouffée d'oxygène, ils se sentent soutenus et ils
peuvent regarder plus loin que la simple lettre de refus qu'ils
reçoivent tous les jours. »
Tous les interviewés étaient du même avis
en disant qu'il faut donner envie aux filleuls, il ne faut pas les
décourager, il ne faut jamais les juger. Selon un des parrains, «
il faut essayer de leur montrer qu'il y a du travail et que trouver du
travail c'est un travail. »
Pour une des marraines, cela signifie se mettre au niveau des
filleuls : « On va se parler d'égal à égal : il
n'y a plus de titres, il n'y a plus d'expérience. Et ça met les
filleuls à l'aise. »
- La subjectivité - et non pas la
neutralité - bienveillante
Pour deux parrains, il est important d'adopter une attitude
non seulement de bienveillance mais aussi de « modestie ».
Quand je leur demande si une « attitude modeste » serait synonyme de
neutralité, tous deux me disent qu'il ne s'agit pas vraiment de
neutralité. Pour eux, dès lors qu'ils donnent leurs avis, ils
rentrent dans une forme de subjectivité, mais sans nécessairement
imposer leur avis. L'un des parrains explique ce processus de la manière
suivante :
« Il faut avoir une subjectivité qui se
présente extérieurement au filleul. Froidement dit : «
voilà, ce qui à mon avis vous manque de tel point de vue,
voilà ce qui à mon avis n'est pas à changer et
voilà une zone grise qu'il faudrait peut-être qu'on change
ensemble. »
Et la réponse évoquée par le deuxième
parrain :
« Neutre, oui et non parce que lorsqu'on donne son
avis on n'est pas neutre, mais on peut le faire avec beaucoup de doigté
et de psychologie pour ne pas essayer d'imposer quelque chose.
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Ce sont des propositions qu'on fait, ce sont des
idées qu'on lance et les gens les prennent ou ne les prennent pas.
»
- Laisser le filleul faire son propre chemin
« Moi je dis souvent aux jeunes que je rencontre, ce
n'est pas moi qui vais faire l'exercice, c'est vous. Moi je peux vous proposer
une méthode de travail, un suivi personnalisé et je veux vous
entendre me dire ce que vous avez fait pour vous-même. Je pense que c'est
la seule qualité aujourd'hui qui doit ressortir. »
Les trois autres interviewés étaient du
même avis. Pour eux, il est important que le filleul ait compris
dès le début que ce sera à lui de faire le travail et que
eux (les marraines et les parrains) sont là pour les accompagner, «
leur donner une méthodologie, une écoute et un support.
»
Une marraine relate une expérience qu'elle a eue avec
une de ses filleules : « Il y a un poste de cadre qui lui est
proposé et elle me demande ce qu'elle doit faire. Je lui dis que ce
n'est pas à moi de décider. Elle a pris ce poste et elle a fini
par mettre fin à la période d'essai toute seule parce qu'elle
s'est dit que ce n'était pas ce qu'elle voulait. C'est un exemple qui me
montre qu'il faut que ce soit la personne qui décide, il faut aller
jusqu'au bout avec la personne dans ses choix. Je pense qu'au fond, au bout du
bout, les gens savent ce qu'ils veulent. C'est ça qui est le plus
important, il faut qu'ils fassent leur chemin. »
- La capacité d'être conscient de ses
propres processus mentaux et de savoir dire les choses
« Il ne faut pas caser aux filleuls des poncifs : `
il faut absolument être comme ça pour y arriver, etc.' Il ne
s'agit pas de lui caser un stéréotype en lui disant `ressemble
moi, ça va marcherÇ mais bien de lui donner les clés. Par
exemple, si c'est une question comportementale ou physique, il faut lui faire
passer délicatement le message qu'en modifiant un petit peu quelque
chose auquel il n'avait pas pensé, sa personne en tant que telle
passerait mieux, sans changer sa nature. »
En résumé, pour garder cette attitude
bienveillante, il semble important que les marraines et les parrains
eux-mêmes aient une qualité de recul non seulement par rapport
à eux-mêmes, mais
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aussi par rapport à la personne : « Il faut
avoir fait la part des choses entre ce qui va être nécessaire au
filleul et indispensable pour qu'il progresse et ce qui peut être
laissé de côté. »
- La disponibilité
Deux interviewés ont mis l'importance sur le fait
d'être disponible. Cette disponibilité se manifesterait en termes
de temps consacré au filleul et en termes d'attention porté vers
le filleul lors de l'entretien : « Il faut se dire qu'on passe du
temps avec la personne et qu'on est intellectuellement focalisé sur
elle, on ne pense pas à autre chose. Et il ne faut pas qu'on soit
pressés. » Et ce parrain enchaine : « Il faut vraiment que ce
soit un échange vrai où il se passe quelque chose, quelque part.
»
- Le respect de la personne
La capacité de respecter la personne est ressortie dans
tous les échanges de manière plus ou moins directe. Dans les
propos des interviewés, cette compétence semblaient être
assez proche de la compétence « attitude modeste ».
J'ai tout de même fait le choix de les dissocier car les réponses
dans cette catégorie évoquaient plus ou moins explicitement la
notion de « respect ». La plus explicite étant qu'il
faut respecter la personne qui est en face de nous, il faut essayer
d'être extrêmement modeste et respectueux. Les réponses
moins explicites impliquaient le fait qu'il faut, en tant que parrain ou
marraine, essayer d'apporter notre éclairage : « Ce n'est pas
essayer d'imposer quelque chose, de dire que c'est une bonne réponse.
C'est la nôtre, c'en est une parmi d'autres et la personne va construire
quelque part son puzzle à elle et va s'approprier certaines choses qui
lui paraissent bonnes. »
- La capacité de demander de l'aide des
autres
Cette idée a seulement été
évoquée par un seul parrain. Selon lui « il faut savoir
quelle sonnette activer, quel bout de compétence activer, certains
appellent ça le réseau. Si on ne sait pas analyser un CV, on va
voir le responsable RH pour comprendre. Il faut aussi avoir une sorte de
réseau relationnel exploitable pour ceci ou au moins des connaissances
sur lesquelles on pourrait s'appuyer pour avoir un avis objectif.
»
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