1.4. Les difficultés rencontrées par les
parrains et les marraines
Même si aucune hypothèse n'a été
posée sur ce sujet, en vue d'améliorer le dispositif du
parrainage et de le rendre plus facile d'accès pour les deux parties,
j'ai voulu savoir ce qui a été le plus difficile pour les
personnes interviewées.
Suite aux échanges avec les parrains et les marraines,
il ne semblait pas y avoir de généralisation à faire. En
effet, chaque parrain ou marraine a relaté son expérience
personnelle.
Ainsi une marraine qui a accompagné un filleul ayant un
accent très prononcé qui semblait le pénaliser lors de ces
entretiens d'embauche a trouvé que c'était difficile de
travailler l'accent sans être blessant. « C'est un sujet
difficile parce que tu ne sais pas comment ton filleul va réagir, il
faut apprendre à se faire confiance ».
Un parrain a eu des difficultés à comprendre le
vocabulaire académique de la personne, dit-il. Selon lui il y avait une
« distance de langage qu'il a fallu briser ».
Il évoque aussi une deuxième difficulté,
celle de faire prendre conscience à sa filleule que ses
compétences avaient de la valeur, « mais peut-être pas
sous cette forme », dit-il. Il a essayé de lui faire
comprendre que « la valeur était relative à la
présentation ; que la compétence était là mais
qu'il fallait la remettre en forme ».
Un autre parrain trouve qu'il faut être
extrêmement prudent dans la relation avec les filleuls car selon lui
« il faut faire part d'une expérience sans donner la
leçon aux gens, il y a des choses qu'on sent mais on peut se tromper
» et rajoute plus tard : « ce qui est difficile c'est de
s'adapter à la personne, il faut vraiment que ce soit un échange
vrai où il se passe quelque chose, quelque part. Il faut donner envie.
Ce qui est difficile c'est d'être pertinent. »
Deux des interviewés ont avoué avoir «
balbutié » au début du parrainage, car ils
n'avaient pas conscience de ce qu'ils pouvaient amener aux filleuls. Une
marraine s'inquiétait de ne pas avoir le temps, et aussi du fait que ce
genre d'action sortait complétement de son cadre d'activité. Elle
se demandait ce qu'elle pouvait vraiment leur apporter.
1.5. Les apports du parrainage
Un des parrains considère que c'est très
important de rencontrer des jeunes qui sont sur le marché du travail et
d'être confronté à leur difficultés, car cela lui
permet de comprendre où en
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est l'état du marché du travail, quels sont les
attentes des employeurs, quelles sont les difficultés qu'ils
rencontrent. « Pour moi c'est important de comprendre parce que je ne
suis plus confronté au marché du travail déjà
longtemps et les choses ont énormément évolué.
»
Il fait également le lien entre les rencontres avec ses
filleuls et les jeunes candidats qu'il est amené à recruter :
« Je pense que c'est important parce que naturellement quand moi j'ai
un entretien d'embauche, les gens sont préparés, donc ils ne font
pas part de leurs états d'âmes, de leur difficultés,
ça peut arriver mais c'est très rare, ce n'est pas le but. Donc
là j'ai l'envers du décor, c'est ça qui est
intéressant. »
Les autres réponses décrivent le parrainage
comme une rencontre humaine, un échange qui nourrit, qui apporterait en
valeur humaine et dont on apprend beaucoup.
1.5.1. Remise en question des qualités de
manager
Une des hypothèses de recherche était de savoir
si le parrainage permettait aux marraines et aux parraines une certaine remise
en question de leurs qualités de manager ou autre.
La plupart des personnes à qui j'ai posé cette
question ont répondu oui. A l'exception d'un parrain pour qui il existe
une différence entre l'encadrement d'un ou d'une filleul-e et
l'encadrement d'une équipe professionnelle : « dans le
parrainage, je n'étais pas en position managériale avec la
personne, j'étais en interaction humaine d'égal à
égal. Dans le management, il y a une notion de dépendance
hiérarchique et opérationnelle. La personne (faisant
référence à sa filleule) n'obéissait pas
à mes ordres, ne suivait mes directives et je n'attendais pas d'elle un
résultat concret à la fin de l'année. Donc en ça,
je n'ai pas beaucoup réfléchi en termes managériaux.
»
Selon un autre parrain, il y a effectivement eu une certaine
prise de conscience, même si celle-ci ne s'est pas produite de
manière évidente : « Je pense que ça existe,
cette prise de conscience des difficultés que peuvent avoir les jeunes
à trouver du travail, mais ce n'est pas une évidence. On ne va
pas se dire `ah tiens j'ai trouvé une recette, c'est quelque chose que
je vais appliquer dans ma vie quotidienne de manager'. Je pense que c'est plus
complexe que ça. »
Un parrain et une marraine ont trouvé que le parrainage
leur a permis de remettre en question leurs « attitudes
managériales ». Le parrain évoque l'exemple suivant :
« d'un point de vue managérial, je pense que cette
première expérience avec NQT m'a permis de prendre
conscience
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que j'ai un discours relativement directe et qui peut
choquer. En entreprise, les gens savent utiliser un masque ou un langage qui
les isole de ceci, et ils ne vont pas avoir de réactions. Un filleul par
exemple, peut être surpris de ma formulation. »
La marraine fait le lien entre les filleuls qu'elle encadre et
les jeunes qui sont embauchés dans l'entreprise. Selon elle, dans une
relation de parrainage en opposition à une relation hiérarchique,
il n'y a pas de jugement. Elle poursuit : « quand un jeune rentre dans
une entreprise il ne va pas te dire qu'il est perdu, parce que forcément
il va être jugé. Alors que dans une relation marraine-filleule il
n'y a pas de jugement, ce qui fait qu'humainement tu apprends des choses. Et tu
te dis si c'est comme ça avec les filleules, je suis sûre que le
jeune ingénieur que je viens de recruter, c'est le même bazar dans
sa tête. »
Finalement, le parrainage selon une marraine permettrait de se
remettre en question personnellement. Ainsi elle explique : «
ça ouvre sur l'extérieur, sur des valeurs humaines sur des
valeurs relationnelles, mais ça ne m'a pas fait changer ma façon
de travailler ou de manager les équipes. »
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