Partie 5 : L'analyse qualitative des entretiens
Les résultats seront présentés en quatre
parties. Dans un premier temps, je présenterai les résultats des
entretiens avec les parrains et les marraines (les raisons de leur implication
dans ce dispositif, le bilan post-parrainage, les compétences
nécessaires pour être parrain ou marraine, les difficultés
rencontrées lors du parrainage, les apports du parrainage, et enfin
pourquoi ils considèrent que le parrainage est une action socialement
responsable).
Une deuxième partie sera consacrée à la
présentation des résultats des entretiens avec les trois
filleules (leur état d'esprit à l'entrée dans le
dispositif, le bilan post-parrainage, les compétences nécessaires
pour être parrain ou marraine, et les difficultés
rencontrées lors du parrainage).
Je présenterai dans une troisième partie les
conseils et suggestions proposés par les sept personnes
interviewées.
Avant de conclure le mémoire, les résultats
seront discutés et une conclusion analytique sera
présentée.
1. Les résultats des entretiens avec les
parrains et les marraines
1.1. Les raisons d'implication des parrains et marraines
dans le dispositif
Pour l'ensemble des parrains et des marraines, l'origine de
leur implication dans ce dispositif était d'aider les jeunes. Chaque
interviewé a présenté ses raisons personnelles.
Pour certains cela partait du désir d'aider, de
remotiver et de rassurer les jeunes diplômés. Ainsi NR par
exemple, dit qu'elle voulait « tendre la main » vers ces jeunes parce
que « tous ceux qu'elle a pu rencontrer étaient
dépassés, dépités par la situation et le contexte
économique dans lequel ils évoluent. ». Par ailleurs,
elle a fait un lien entre le fait d'être marraine et le fait d'être
parent : « il y a un élément important c'est que j'ai
des enfants et que eux-mêmes sont étudiants. D'échanger
avec eux me donnaient l'opportunité de mieux comprendre les jeunes
d'aujourd'hui. Et je me dis que finalement, ça pourrait être l'un
de mes fils. »
EV évoque une notion d'utilité : « moi
j'ai été beaucoup aidé quand j'ai commencé et je
sens une sorte de dette. Je vais aider les suivants, parce que comme ça
je me sentirai utile de ce point de vue-là. » Pour lui, «
il ne s'agit pas de favoriser ou de pistonner ou quoi que ce soit, mais il
s'agit de leur donner les bonnes informations aux bons moments pour qu'ils
passent cette transition entre la formation et le premier emploi de
manière sereine ». Parrain depuis 8 ans dans un autre
dispositif que celui proposé par NQT, EV dit avoir été
motivé par l'aspect
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multiculturel proposé par l'association qui, selon lui,
« a un lien avec la diversité. Les jeunes qui passent par la
démarche de NQT sont atypiques, que ce soit pour leur origine
géographique, culturelle, ou religieuse. »
Il a également évoqué la notion de
culpabilité qui n'avait pas encore été abordée
jusque-là. Selon lui il faut combattre la culpabilité que peuvent
ressentir les jeunes diplômés qui veulent changer d'orientation :
« il y a une culpabilité qui se développe chez les
jeunes qui ont eu un premier emploi qui ne leur a pas plu ou à qui ils
n'ont pas plus. Ils se demandent s'ils doivent changer d'orientation ou s'ils
doivent au contraire s'obstiner, si c'est de leur faute. Et cette
culpabilité pour moi n'est pas acceptable pour la société.
» Un parrain au bon moment peut aider car, selon lui, « il
faut souvent être deux pour assumer ce genre de choses. C'est un
rôle d'orientation, de regard externe, et de déculpabilisation.
»
Nous vivons en effet dans un monde où tout est
investissement. Nos choix d'études ont un coût, nos
réorientations aussi. Par conséquent, il y a une certaine
pression lorsqu'on se retrouve face à une envie de changer de
discipline. Il est vrai que les conseils mais surtout le soutien d'un parrain
ou d'une marraine dans ces moments de doutes peuvent être d'une grande
aide. Un auteur, Kramer (1985)36, a parlé du
bénéfice que peut avoir une relation «
mentor/protégé » en disant qu'elle a pour
principaux objectifs d'accroitre la performance du «
protégé » et, de manière concomitante, de
faciliter sa progression de carrière. Il explique cela en disant qu'une
telle relation « renforce l'identité, le sentiment de
compétence et l'efficacité dans le rôle professionnel
». Selon lui, cette dimension de la relation émerge de la
« construction d'un lien personnel, affectif entre le mentor et le
protégé où l'identification au mentor joue un rôle
central ».
Finalement, SR dit faire partie de ce dispositif car il s'agit
de sujets qui font écho pour elle et qui la touche. Elle dit avoir
« envie d'accompagner » et « qu'il faut trouver des
solutions. » Elle décrit le parrainage comme étant
« un échange, une rencontre avec quelqu'un » dont
elle semble tirer une sorte d'apprentissage personnelle : « moi j'aime
les gens, notre relation avec les autres fait partie de ce qui nous fait
grandir, c'est quelque chose qui est important. On apprend de tout le
monde. » Elle explique plus tard que son parcours personnel l'a
également motivée à faire le choix d'être marraine :
« depuis mes études je vis dans un monde d'homme, c'est le fait
d'être confrontée depuis longtemps à la différence
et au traitement égalitaire qui m'a motivée à accompagner
des jeunes. »
36 Abonneau David et Campoy Eric, «
Étude de la relation d'apprentissage à travers le prisme du
mentorat : fonctions de mentorat et rôle médiateur de l'engagement
sur l'intention de quitter », Revue de gestion des ressources
humaines, 2014/1 N° 91, p. 29-42.
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