L'intégration de la directive européenne pro-handicap dans les universités.( Télécharger le fichier original )par Ulrich KAMGUEU KAMDEM Université Paris-Ouest Nanterre la Défense - Maitrise 2015 |
2. De la forteresse économique à la vulnérabilité sociale: les nécessités d'une actionAprès les querelles et les divergences liées à la mise en place du traité de la Communauté Européenne de Défense (CED), les euro-optimistes pensent à accroitre la coopération et de renforcer l'intégration entre les différents pays, les ministres des affaires étrangères des six pays membres de la CECA (Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et République Fédérale d'Allemagne) vont rompre avec l'approche sectorielle pour prendre en considération l'approche globale. Ces Etats signeront à Rome les traités constituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) et la Communauté économique européenne (CEE). La mise en oeuvre de cette communauté à des desseins politiques mais aussi économiques. Economiques dans la mesure où elle permettra aux six pays membres d'accroitre leurs économies à travers la suppression des barrières douanières, la libre circulation des marchandises, 29Christophe Réveillard dans Les dates-clefs de la construction européenne page 28. 26 des services, des capitaux entre les Etats membres, la fixation d'un tarif extérieur commun pour l'application et l'harmonisation des politiques économiques communes entre les six30états membres. Dans le domaine de l'enseignement supérieur par exemple, cette libre circulation se concrétise à travers le Programme ERASMUS31 qui permet aux étudiants européens de bénéficier des bourses de mobilité et de pouvoir étudier dans un autres pays membre de l'union Européenne. Politiques puisqu'elle sera à la base du développement d'autres projets de coopération notamment la politique agricole commune (PAC). L'élaboration du traité de Rome s'est faite par la mise en place des groupes de travail au Château de Val-Duchesse près de Bruxelles32le 9 Juillet 1955. Ces groupes à en croire Christophe Reveillard avaient pour mission « la rédaction des articles de deux traités séparés, l'un sur le marché commun, l'autre sur une communauté de l'énergie atomique »33 C'est au ministre des affaires étrangères de la Belgique et ancien président de l'assemblée commune de la CECA Paul-Henri Spaak que sera confié le destin de la présidence du comité intergouvernemental dont le rôle est de faire des propositions concrètes et ambitieuses sur la mise en place d'un marché commun et les solutions envisagées pour la résolution des problèmes qui minent l'énergie atomique de l'Europe, une application formelle des résolutions prises à Messine au sortie des négociations sur la fameuse CED. La conception libérale de la coopération économique entre les pays membres se résume-t-elle «a) à l'élimination, entre Etats membres des droits de douanes ; b) l'établissement d'un tarif douanier commun et d'une politique commerciale commune envers les tiers; c)l'abolition, entre les Etats membres; des obstacles à la libre circulation des personnes; des services et des capitaux; d) l'instauration d'une politique commune dans le domaine de l'agriculture;e) l'instauration d'une politique commune dans le domaine des transports ;f)l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché com-mun;g)l'application des mesures permettant de coordonner les politiques économiques des Etats membres et de parer aux déséquilibres dans leurs balances des paiements [...] »34. Les négociations autour de ce traité ont une fois de plus fait couler beaucoup d'encre dans la mesure où de vives oppositions ont surgies. Ainsi, du côté Français, le spectre de l'échec de la CED était encore présent dans les esprits raison pour laquelle elle affichait son engouement plus pour le projet de constitution de l'Euratom que du Marché européen c'est d'ailleurs ce 30Christophe Réveillard dans les dates-clefs de la construction européenne page 33 31Disponible sur :www.traitéderome.fr50é anniversaire du traité de Rome 32Christophe Réveillard dans les dates-clefs de la construction européenne page 34 33Christophe Réveillard dans les dates-clefs de la construction européenne page 35 34Traité de Rome instituant la Communauté européenne signée le 25 Mars 1957, premier chapitre des principes article3 tel que modifié par l'article G, point3) du TUE disponible sur : http://www.constitutioneu.eu/cariboost_files/trait_c3_a9_20de_20rome.pdf. 27 que nous confirme Emmanuel Gazzo, directeur de l'agence Europe ayant suivi de près les négociations sur le marché commun « Val Duchesse était un ancien couvent. On y vivait presque une vie monacale. On travaillait très souvent la nuit. Mais les bruits du monde extérieur parvenaient parfois agrandis par le vide qui entoure le parc. En octobre 1956, le climat n'était pas exaltant. Vincent Auriol critiqua dans France-Soir, Duverger démolit dans l'Express. La psychose de la CED possédait encore des hommes politiques de tous bords. »35. Lors de ces négociations, la France manifeste un besoin inouïe que soit pris en considération ses revendications notamment des tarifs extérieurs commun, harmonisation des charges sociales et fiscales, que ce marché commun prenne en considération et intègre la question agricole sans toutefois délaisser ses territoires d'outre-mer, avec lesquels elle veut continuer d'entretenir des relations commerciales prioritaires. L'Allemagne et les pays du Benelux sont quant à eux partisans d'une intégration économique plus globale contrairement à la conception sectorielle de la France. Les exigences formulées par la France furent acceptées par les cinq autres pays c'est ainsi que l'Euratom fut créé et que la France a finalement adhérer au marché commun. Ainsi, le traité de Rome entrera en vigueur le 1er janvier 1958. L'évolution historique des négociations et des enjeux montrent en fin de compte que le Château de Val-Duchesse est la pierre angulaire du fonctionnement de l'Europe. Les différents pays partis aux négociations et leurs principaux représentants sont : Pour la France Maurice Faure (1922) alors Secrétaire d'État aux Affaires étrangères du gouvernement de Guy Mollet, Christian Pineau (1904-1995), Robert Marjolin (1911-1986), Jean-François Deniau (1928-2007). Pour le compte du gouvernement Belge, nous avons eu comme négociants ; Paul-Henri Spaak (1899-1972) qui fut par ailleurs président du comité intergouvernemental pour les négociations sur le traité de Rome et ancien président de la CE-CA, Jean-Charles Snoy et d'Oppuers(1907-1991), chez les Allemands, ce furent Konrad Adenauer (1876-1967) qui fut chancelier allemand, Walter Hallstein (1901-1982) et Karl-Friedrich Ophüls. Chez les Italiens, c'est principalement Lodovico Benvenuti (1899-1966),Gaetano Martino (1900-1967), Antonio Segni (1891-1972).Enfin pour les Pays-Bas et le Luxembourg nous avons eu comme intervenants :Johannes Linthorst-Homan (1903-1986) Chef de la délégation néerlandaise lors de la Conférence intergouvernementale pour le Marché commun et l'Euratom, qui participera avec Joseph Luns (1911-2002) alors ministre des Affaires étrangères Néerlandais à la signature du traité en 1957. Joseph Bech (1887-1975) président du gouvernement luxembourgeois et Lambert Schaus (1908-1976) installé à Bruxelles au titre d'ambassadeur du Luxembourg à partir de 1955, il est particulièrement im- 35 http://www.cvce.eu/obj/comment_le_marche_commun_est_ne_sous_les_lambris_de_val_duchesse_dans_communaute_europeenne_mars_ 1967-fr-8e98b764-9cf6-4215-85ea-e62ae1aca8c4.html 28 pliqué dans la naissance de la Communauté Economique européenne (CEE) et de l'Euratom. Il représente son pays durant les discussions et prend part à la signature officielle des Traités à Rome36. L'article 7 du traité consolidé instituant37 les Communautés Européennes stipule en son paragraphe premier que : « La réalisation des tâches confiées à la Communauté est assurée par : - un PARLEMENT EUROPEEN, - un CONSEIL, - une COMMISSION, - une COUR DE JUSTICE, - une COUR DES COMPTES. Chaque institutions agit dans les limites des attributions qui lui sont conférés par le présent traité ». Au vu de l`émergence d'une communauté des six économiquement solide avec le succès qu'a connu l'Union du à son élargissement, pourrait-on penser que le social a été négligé ? Pour Gilles SINTES dans sa Politique sociale de l'Union européenne préfacé par Raymond Riffet et publié par l'Institut de Recherche et de Réflexion sur la Coopération Européenne de Montpellier, le traité de Rome pose non seulement les jalons de la coopération économique mais surtout les prémisses d'une Europe sociale autrement dit où l'économie serait le fondement du social, le progrès social est tributaire du progrès économique. Dans le traité consolidé instituant les Communautés Economiques Européennes, l'on peut constater en filigrane la présence de certaines dispositions relative au social dans les politiques de l'Union. Son titre 11 intitulé : Politique Sociale, Education Formation Professionnelle et Jeunesse38est révélateur de la nécessité d'une construction Européenne sur des bases sociales pour ainsi promouvoir l'égalité de chance et la non-discrimination. Son chapitre premier consacré aux dispositions sociales, en son article 137 alinéas J, réitère ses convictions en matière «de lutte contre les exclusions sociales ». Bien plus c'est dans le traité d'Amsterdam de 1997 modifiant le Traité sur l'Union et les Communautés Économiques Européennes que la question du handicap en Europe qui contient une clause relative à la non-discrimination39a pris une ampleur importante. C'est face au laxisme et au retard des différentes institutions Européennes que des groupes d'intérêts et de pression vont juger nécessaire d'entreprendre des actions fortes en faveur de la question du handicap et pour que celle-ci soit prise en considération au même titre que l'économie dans 36Christophe Réveillard et sur www.traitéderome.fr 50é anniversaire du traité de Rome 37Disponible sur :www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/tce.pdf 38Traité d'Amsterdam page 92 disponible à l'adresse : https://www.ecb.europa.eu/ecb/legal/pdf/amsterdam_fr.pdf 39-Dans Politiques du handicap de l'Union européenne page 2 disponible sur : www.asph.be/.../Analyse-2014-27-handicap-Union- Europeenne.pdf 29 les politiques publiques communautaires. Ainsi, des instances vont se mobiliser sur la question il s'agit d'une part du groupe interservices « personnes handicapées » siégeant à la Commission de L'union Européenne à Bruxelles et l'intergroupe sur le handicap institué par le Parlement européen40. Les intergroupes réunissent des membres du Parlement Européen de manière informelle et sur des thématiques précises. Il s'agit des députés de tout groupe politique et de différentes commissions parlementaires afin de promouvoir l'échange avec la société civile41. L'intergroupe s'intéressant aux problèmes du handicap au parlement Européen regroupe les députés et les ONG de toutes les nationalités et tendances politiques de l'Union Européenne. L'une des figures par excellence de ce lobby pro-handicap est le politicien Hongrois ÁdámKósa42seul député sourd au parlement qui a d'ailleurs été rapporteur sur la stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées43. Lors d'une interview avec ce député sourd, plusieurs propositions susceptibles d'être prise en considération par le Parlement et la Commission Européenne ont étés proposées44. De ce fait, à la question de savoir : « Qui est visé par votre rapport ? ÁdámKósa répond : « Il concerne les 80 millions de personnes atteintes de handicap en Europe. C'est la plus grande minorité du continent. Leur problème principal est l'accès aux services : scolarisation, emploi, santé. C'est un énorme problème pour la société dans son ensemble ». A travers cette réponse, l'eurodéputé insiste sur un problème d'une ampleur considérable et qui nécessite une mobilisation à la hauteur de la gravité, c'est pourquoi il dira plus loin « Je propose la création d'une commission chargée de se pencher sur les problèmes spécifiques des personnes handicapées. Nous parlons d'une population de 80 millions de personnes, une commission indépendante serait donc tout à fait indiquée. ». Présidant ainsi aux destinées du plus vieux groupe de pression du Parlement Européen, ÁdámKósa à la question de savoir quels sont les objectifs de celui-ci, il répond «l'échange d'informations entre députés européens [...]Nous sommes soutenus par le Forum européen des personnes handicapées, la plus grande organisation non gouvernementale du secteur, ce qui nous donne des liens forts avec la société civile ».Les revendications de l'intergroupe pour une amélioration des conditions des personnes handicapées et leur intégration au processus communautaire ont porté leur fruit dans la mesure où « [...] l'Union européenne a lancé un plan d'action intitulé `Egalité des chances pour les personnes handicapées' pour la période 2003-2010. L'objectif était de veiller à l'intégration des questions relatives au handicap dans toutes les politiques de 40Disponible à l'adresse : www.cfeh.org/intergroupe-handicap.htlm 41Informations recueillies sur : www.lesforcesduhandicap.fr/dossier 42Rapport de projet disponible à l'adresse : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:0636:FIN:FR:PDF 43Interview disponible sur : http://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/public/story/20110520STO19900/20110520STO19900_fr.pdf 44Informations disponible sur : http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-handicap/handicap-europe/ 30 l'Union européenne ayant un impact potentiel sur la vie des personnes handicapées »45.Bien plus, les actions des ONG ont été bénéfiques à plus d'un titre car comme nous le rappelle Dima Toncheva chargé de projet à l'Association Socialiste de la Personne Handicapée (ASPH), une organisation humanitaire basée en Belgique qui se préoccupe de la question de l'amélioration et l'inclusion des personnes handicapées et qui a menée de nombreuses actions durant toute l'année, afin de sensibiliser les politiques, le grand public, les professionnels et les personnes handicapées dans Politiques du handicap de l'Union européenne paru dans le bulletin d'information de l'association, « en 2011, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso s'est engagé à garantir le suivi adéquat de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH) au sein de la Commission européenne »46. A la lecture minutieuse de la stratégie européenne2010-2020 en faveur des personnes handicapées, huit points fondamentaux attirent notre attention notamment : - Accessibilité : garantir aux personnes handicapées l'accessibilité des biens, des services, - notamment les services publics - et des dispositifs d'assistance - Égalité : éliminer dans l'UE toute discrimination fondée sur le handicap ; - Education et formation : promouvoir l'éducation accessible à tous et l'apprentissage tout au long de la vie pour les élèves et les étudiants en situation de handicap. |
|