La problématique des marchés publics de travaux et l'approche du partenariat public privé au Bénin.( Télécharger le fichier original )par Souleymane ASSOUMA MAMA Université dà¢â‚¬â„¢Abomey Calavi - Dplôme dà¢â‚¬â„¢Etude Approfondie en Droit Public Fondamental 2014 |
PARAGRAPHE II : La renégociation des modalités d'exécution des contrats de PPPL'exécution des contrats de partenariat public-privé peut se heurter à certains événements extérieurs au contrat perturbant gravement l'équilibre financier de celui-ci. Ces perturbations peuvent porter sur l'objet du contrat ou affecter les parties au contrat, d'où la renégociation de la mission constituant l'objet du contrat (A) et la renégociation des éléments organiques du contrat (B). A. Une renégociation de la mission constituant l'objet du contrat à envisagerLe législateur béninois, à l'instar de son homologue français devra prévoir les modalités de renégociation ou de modification du contrat de partenariat public-privé. Plusieurs causes peuvent occasionner cette renégociation. « Il peut s'agir d'abord d'évolutions techniques ou d'une évolution de l'offre qui rendent nécessaires les adaptations. La renégociation peut également être rendue nécessaire par la volonté de mettre fin à un déséquilibre financier322(*) ». Cette renégociation a pour finalité la prise d'avenants ou la décision unilatérale de l'autorité contractante de modifier les clauses du contrat. En effet, toute renégociation devra s'effectuer suivant une méthodologie qui suppose un audit préalable et une définition des objectifs et de la stratégie de la renégociation323(*). L'audit devra porter non seulement sur les documents contractuels mais également sur la réalité des relations entre les partenaires (en termes juridiques, financiers, organisationnels). Le rapport d'audit fera une présentation nette du contrat de partenariat et la réalité de son exécution et relever les points sur lesquels devra porter la renégociation. Aussi la définition des objectifs et de la stratégie de la renégociation devra identifier le contenu et les modalités selon lesquelles le contrat fera l'objet d'une renégociation. Dans les opérations de partenariat public-privé, il n'y a aucune contradiction réelle à affirmer que l'adaptabilité de l'objet du contrat ait prévu que le contenu de ces derniers puisse être modifié « notamment pour tenir compte de l'évolution des besoins de la personne publique, d'innovation technologique ou de modification dans les conditions de financement obtenues par le cocontractant », par voie d'avenant ou par décision unilatérale de l'autorité contractante faute d'accord entre les parties324(*). En effet, à s'en tenir aux données les plus classiques du droit des contrats Administratifs, ce besoin de modification trouve des réponses convenables dans le pouvoir de modification unilatérale de l'Administration ou le principe de la liberté des parties de consentir mutuellement à la modification du contrat par voie des avenants325(*). On ne saurait cependant ignorer combien ces possibilités se trouvent réduites par le jeu des principes généraux du droit de la « commande publique », qui imposent de ne pas remettre en cause a postériori les modalités de la mise en concurrence lors de l'attribution du contrat. En accord avec cette exhortation, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que devait être assimilée à la passation d'un nouveau contrat nécessitant une nouvelle procédure de mise en concurrence toute modification qui, en introduisant en cours d'exécution « des caractéristiques substantiellement différentes de celles du marché initial », serait « de nature à démontrer la volonté des parties de renégocier les termes essentiels » du contrat326(*). Les tribunaux administratifs, quant à eux, ont récemment montré une propension à étendre aux délégations de service public327(*) et à tout autre contrat de la « commande publique » l'interdiction, énoncée à l'article 20 du code des marchés publics328(*), de changer l'objet initial du marché ou d'en bouleverser l'économie, sauf en cas de « suggestion technique imprévues ne résultant pas du fait des parties ». Ces mêmes instruments juridiques semblent donc régir la modification en cours d'exécution de tous les contrats de la « commande publique »329(*), y compris ceux qui ont pour objet des opérations de partenariat public-privé, ce dont convient notamment la Commission européenne330(*). Cependant, la même rigueur apposée aux partenariats public-privé est nettement nuisible aux conditions de l'efficience économique de ces opérations. La doctrine a désapprouvé la « transposition abrupte »331(*) aux délégations de service public des règles régissant la modification en cours d'exécution des marchés publics332(*) ; la critique n'est pas moins valable pour les contrats de partenariats public-privé qualifiable de marchés publics au sens communautaire. L'adaptation du service public et la recherche de l'efficience économique peuvent justifier que, au cours de la longue durée des opérations de partenariats public-privé, des modifications essentielles soient amenées pour des motifs qui, entre autre, faute d'être extérieures aux parties, ne correspondent pas à des « sujétions techniques imprévues »333(*) ; mais l'obligation de lancer une nouvelle mise en concurrence pour y procéder occasionne de graves ennuis. L'hypothèse qu'un attributaire qui n'était pas connu puisse être choisi à l'occasion de la modification suppose la mise à l'écart de l'attributaire initial pour tout ou partie de sa mission, ce qui entraîne son dédommagement complet, non seulement des coûts non amortis mais aussi du manque à gagner, et risque d'entraîner une désagrégation du service public. La mise en concurrence des avenants bouleversant l'économie du contrat est alors rendue d'autant plus problématique que le titulaire initial du contrat y jouit d'un avantage certain334(*). Il faut donc craindre que les contraintes pesant sur la modification en cours d'exécution des contrats de partenariat public-privé conduisent en pratique à leur paralysie. Qu'en est-il de la renégociation des éléments organiques du contrat ? * 322 Paul Lignères, op. cit., p.285. * 323 Idem pp.285-286. * 324Article 11, h) de l'ordonnance précitée du 17 juin 2004 ; article L. 1414-12, h) CGCT. * 325 CE, 22 novembre 1907, Coste, Rec., p. 849. * 326 V., s'agissant d'un marché public : CJCE, du 9 juin 2008, presse text Nachrichtenagentur Gmph c/ RépublikÖsterreich e. a.,aff. C-454/06, joue n° C 209 du 15 août 2008, p. 336, obs. R. S., pt. 34, et, s'agissant d'une concession de travaux : CJUE, 13 avril 2010, Wall AG c/ ville de Francfort-sur-le-Main, Frank furter Entsorgungsund Service (FES) GmbH, aff. C-91/08, BJCP 2010, pp. 259-265 obs. Ch. M., DA 2010, comm. 109, obs. R. Noguellou ; Contrats-marchés publ. 2010, comm. 222, note W. Zimmer ; Europe 2010, comm. 208, obs. Denys Simon. * 327 Voir, par ex. : TA Grenoble, 25 février 2000, Préfet de Haute-Savoie c/ Commune de Chamonix, BJCP 1999, p. 295, concl. ph. Lointier. * 328 Il s'agit du code des marchés publics français. * 329J.- M. PEYRICAL, « les avenants, source d'unification des contrats publics », in Contrats publics, Mél. Michel Guibal, Montpellier, Presses de la Faculté de droit, 2006, p. 825. * 330Commission européenne, 30 avril 2014, livre vert sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés public et des concessions, COM (2014) 327 final, pt. 49. * 331 M. UBAUD-BERGERON, « La mutabilité du contrat administratif », thèse soutenue en 2004 à l'Université Montpellier 1, p. 591. * 332J.-F. SESTIER, « Gestion contractuelle des risques et bouleversement de l'économie du contrat », BJCP 2000, p. 575. * 333CE, 30 juillet 2003, Commune de Lens, Rec. Tab., p. 863, AJDA 2003, p. 1727, note J.-D. Dreyfus, BJCP 2003, p. 462, concl. D. Piveteau, Contrats-marchés publ. 2003, comm. n° 173, note J.-P. Piétri. * 334J.-F. SESTIER, op. cit., p. 581. |
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