La problématique des marchés publics de travaux et l'approche du partenariat public privé au Bénin.( Télécharger le fichier original )par Souleymane ASSOUMA MAMA Université dà¢â‚¬â„¢Abomey Calavi - Dplôme dà¢â‚¬â„¢Etude Approfondie en Droit Public Fondamental 2014 |
B. Un contrôle juridictionnel du recours aux PPP à envisagerLorsque l'Etat béninois parviendrait à instaurer les PPP dans son droit de la commande publique, les pouvoirs adjudicateurs devront envisager que le recours à ces contrats n'échappe pas au contrôle du juge administratif béninois. Cependant, le recours à un partenariat public-privé entraîne des risques du point de vue des deux objectifs à valeur constitutionnelle comme la continuité du service public et le bon usage des deniers publics. De ce point de vue, l'opportunité du recours à une telle opération échappe à tout contrôle juridictionnel. C'est justement l'idée d'une certaine conception de la séparation du pouvoir, lorsqu'elle suggère que « le juge n'a pas à tenir compte de l'opportunité, mais seulement de la légalité »212(*). La survie de cette idée résulte du fait qu'on est arrivé à définir l'opportunité comme une opération qui échappe au contrôle du juge de l'excès de pouvoir. Ainsi définie, « l'opportunité est comme les mirages ; chaque fois qu'on s'en approche, elle recule pour réapparaître plus loin, car il reste presque toujours à un stade ou un autre de la décision une marge de choix »213(*). L'assimilation implicite de l'opportunité à une marge résiduelle de discrétionnalité permet encore de maintenir l'illusion que le juge ne ferait jamais porter son contrôle sur l'opportunité des décisions. Il y a longtemps que le contrôle juridictionnel a pénétré sur le terrain de l'opportunité. D'abord, le juge administratif cherche à savoir que la procédure administrative favorisant l'édiction de la décision opportune a été bien respectée. Le contrôle de la légalité de la décision de recourir à un partenariat public-privé, ne prend pas en compte les considérations d'opportunité lorsqu'il s'agit de vérifier la compétence de l'autorité ayant pris la décision, ou que celle-ci a bien sollicité un avis. S'agissant de l'évaluation préalable, le juge administratif ne se soucie pas à vérifier qu'elle a été bien effectuée, comme c'est le cas en ce qui concerne le rapport au vu duquel les assemblées des collectivités territoriales statuent sur le principe des délégations de service public214(*). Les études d'impact qui doivent, en vertu soit du droit communautaire215(*) soit du droit interne216(*), précédé un certain nombre de projet présentant des risques pour l'environnement ou la santé fournissent à ce titre un point de comparaison éclairant : le juge administratif accepte de prendre en considération le contenu de l'évaluation, afin d'en apprécier le caractère sérieux217(*) et suffisant au regard des objectifs poursuivis218(*). Ensuite, compte tenu des risques inhérents à ces opérations, le juge administratif effectue un certain contrôle sur l'opportunité du recours à un partenariat public-privé. Cela le conduit à pratiquer un contrôle de la qualification juridique des faits sur l'existence de la nouvelle hypothèse légale du recours au contrat de partenariat. L'intensité d'un tel contrôle sur l'opportunité est excessive, « surtout si l'on songe qu'il pourrait être pratiqué par la voie du référé précontractuel »219(*). Cette hypothèse est une conséquence de la conception des partenariats public-privé comme des dérogations aux droits communs de la commande publique. Cependant, le contrôle sur l'opportunité paraît a priori se heurter à la jurisprudence administrative constante selon laquelle le choix d'un mode de gestion du service public est une question de « pure opportunité » sur laquelle il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer220(*). L'histoire du recours pour excès de pouvoir est celle de la pénétration progressive de la légalité sur le terrain de l'opportunité des décisions administratives qu'il s'agisse de contrôler l'absence d'inadéquation manifeste de la mesure par rapport aux faits exactement qualifiés221(*), d'en vérifier le caractère nécessaire au regard du but visé222(*), ou l'absence d'inconvénient disproportionné par rapport à celui-ci 223(*). * 212F.-P. BENOIT, Le droit administratif français, Paris, Dalloz, 1968, § 643, p.374. * 213 P.-L. FRIER, J. PETIT, Précis de droit administratif, 4è éd., Paris, Monchrestien, 2006, p.472. * 214 TA Lyon, 24 septembre 1997, Compagnie européenne les Bains, Rec., p.600. * 215 Directive 85/337 du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes, JOCE n° L 197 du 21 juin 2001, p. 30. * 216 L. 122-1 à L. 122-3 du code de l'environnement. * 217 CE, 29 juillet 1983. Decroix, Req. n° 38795, AJDA 1983, p. 551, et p. 583, chron. Lasserre et Delarue. * 218 Voir par ex. CAA Bordeaux, 20 novembre 2003, Association Sources et rivières du Limousin, n°99 BX 01690, cité par R. Romi, « étude d'impact », Jcl. Administratif, Fasc. N° 362 (2005), §46. * 219 Voir Etienne Muller, op. cit., p.517. * 220 CE, 18 mars 1988, Loupias c/Cne de Montreuil-Bellay, Rec. tab., p. 975,RDP 1988, p. 1460. * 221(CE,Sec., 9 juin 1978, Lebon, rec p. 245, AJDA 1978 p. 573, concl. B. Genevois, D. 1979, p. 30, note B. Pacteau, JCP G 1979, n° 19159, note S. Rials, RDP 1979 p. 227, note J.-M. Auby) * 222 (CE 19 mai 1933, Benjamin, Rec ; p. 541, GAJA, 16ème édition ; n° 47 , D. 1933, III, p. 354, concl. Michelle). * 223 ( CE, 28 mai 1971 , fédération de défense des personnes concernées par le projet « Ville Nouvelle-Est », Rec., p.409, conclusion G. Braibant, GAJA, 16ème édition ., n° 88, AJDA, 1971, p. 405 chron. D. Labetoulle et P. Cabanes, CJEG 1972, p. 35, note J. Virole, D. 1972, p.194, note J. Lemasurier, RDP 1972, p. 454, note M. Waline). |
|