Les circonstances atténuantes dans la jurisprudence des JPI.( Télécharger le fichier original )par Antoine MUSHAGALUSA CIZA Université Catholique de Bukavu (UCB) - Licence 2013 |
§3. La complémentarité de la CPI aux juridictions nationalesBien que la responsabilité première des Etats en matière des crimes graves selon le droit international demeure la règle109(*), l'exercice de la compétence de la CPI est complémentaire110(*) des systèmes juridiques nationaux des Etats parties au Statut.111(*) La compétence pénale nationale a toujours priorité sur la CPI et il n'y a que deux situations dans lesquelles la CPI peut exercer sa compétence. Il s'agit : v Quand un système juridique national s'est effondré ; v Quand un système juridique national refuse ou manque à une obligation d'enquêter et de poursuivre les personnes suspectées d'avoir commis les trois crimes relevant actuellement de la compétence de la Cour ou de punir celles qui en ont été coupables.112(*)Il y a incapacité d'un Etat lorsque son appareil judiciaire s'est effondré, totalement ou partie, ou de l'indisponibilité de se saisir de l'accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement la procédure à bon port.113(*) Plus particulièrement, l'article 15.4 du Statut de la Cour prévoit des garanties judiciaires lorsque les enquêtes ou les poursuites sont déclenchées par le Procureur. En cas d'espèce, il faut une autorisation de la Chambre préliminaire avant que le Procureur n'ouvre une enquête de sa propre initiative. Cela se diffère du cas où l'affaire est renvoyée à la CPI par un Etat Partie ou par le C. S. de l'ONU. En ce qui concerne le cas particulier de la RDC où se constate l'exacerbation des crimes internationaux, cette complémentarité est effective grâce aux cours et tribunaux militaires auxquels la législation congolaise réserve la compétence matérielle en matière des crimes internationaux.114(*) A cet effet, les juridictions congolaises militaires congolaises ont eu à connaitre de plusieurs affaires dans lesquelles elles ont appliqué, pour la première fois, le statut de Rome de la CPI.115(*) Le statut de Rome est considéré comme un texte ayant été transformé en droit par son introduction et possède ainsi la qualité de norme législative. Il est préféré en cas de contrariété avec le Code pénal militaire, non pas tant en vertu de la supériorité contenue à l'article 215116(*), et éventuellement de son application commandée par le constituant en vertu de l'article 153, mais pour sa primauté qualitative due notamment à la clarté de ses définitions, aux mécanismes favorables qu'il contient à l'égard des victimes et des prévenus, et à sa complémentarité en cas de lacune du code pénal militaire.117(*) Nonobstant cela, cette exclusivité de compétence n'est plus de l'apanage des cours et tribunaux militaires car, depuis 2013, une compétence concurrente a été instituée entre les juridictions et celles d'ordre judiciaire.118(*) CONLUSION PARTIELLE En guise de conclusion de ce chapitre, il sied de souligner que la création des juridictions pénales internationales s'inscrit dans une perspective de lutte contre l'impunité des crimes internationaux à travers le monde. En effet, la création du TPIR par le Conseil de Sécurité (CS), tout comme le TPIY un an auparavant, découle directement d'un double constat d'échec : celui de sécurité collective dévolue au Conseil de Sécurité et celui de l'incapacité du DIH de se faire respecter. Elle témoigne donc de l'impuissance du Conseil de Sécurité des N.U d'assurer la sécurité collective et s'inscrit dans ce que certains nomment « la dérive humanitaire du Conseil de Sécurité ».119(*) Nonobstant cela, elles ont contribué à la lutte contre l'impunité des crimes internationaux dans un contexte où les systèmes judiciaires nationaux sont effondrés par des tragédies conflictuelles. Nul n'ignore que leurs compétences étaient limitées tant dans le temps que dans l'espace. S'agissant de la CPI, elle est venue répondre aux faiblesses des juridictions pénales internationales ad hoc. Elle se veut donc être un mécanisme incontournable de justice transitionnelle. Depuis leur création, les juridictions pénales internationales ont eu à condamner des auteurs des violations graves du DIH et des droits de l'homme. Dans leurs décisions, elles ont admis des circonstances atténuantes au profit des prévenus. Ce qui nous amène à examiner quelques décisions de justice dans lesquelles le juge les a admises. * 109Principe des Nations Unies de la lutte contre l'impunité, Principe 19 ; disponible en ligne sur http://www.droits-fondamentaux.org/article.Php3?id_art-33, consulté le 22 mars 2014 à 12h55. * 110 T.,DIOP, « Complémentarité de la Cour Pénale Internationale et les juridictions nationales », in Rapport de la rencontre Ouest-Africaine des missions et autres instances nationales du DIH, tenue à Bamako du 30-31 mars 2000, pp151-154. * 111 Article 1er et 17 du Statut de Rome de la CPI * 112 M. C., BASSIOUNI., Op. Cit., p230. * 113LUZOLO BAMBI., « La poursuite des auteurs des crimes internationaux en droit national, entre obligation et faculté », in RCN Justice&Démocratie, Les 10 ans de la Cour Pénale Internationale. Bilan et perspectives, Recueil des actes des journées scientifiques tenues à Kinshasa, RDC, du 23 au 25 octobre 2012, p18. Voyez aussi M., KABUNDA., « La coopération entre la CPI et la RDC : à l'épreuve de la pratique », in RCN Justice&Démocratie, Les 10 ans de la Cour Pénale Internationale. Bilan et perspectives, Recueil des actes des journées scientifiques tenues à Kinshasa, RDC, du 23 au 25 octobre 2012, p69. * 114 Cette compétence découle du titre V. Des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des crimes de génocide, articles 161 à 175 de la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant code pénal militaire, in JORDC, numéro spécial 20 mars 2003 et des articles 80 et 81 de la loi n°023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire, in JORDC, numéro spécial 20 mars 2003. * 115 Affaire Songo Mboyo, (12 avril 2006), RP 084/2005, TMG de Mbandaka, inédit. Jugement confirmé en appel par la Cour militaire de l'Equateur ; TMG de Mbandaka, Affaire des Mutins de Mbandaka (20 juin 2006), RP n°086/2005 et RP n°101/2006 ; TMG de l'Ituri, Affaire Milobs (19 février 2007), RP n°103/2006 ; TMG de l'Ituri, Affaire Blaise Bongi (04 novembre 2006), RPA n°030/06 ;... * 116 Cet article dispose « Les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l'autre partie ». * 117 J., KAZADI MPIANA., Op. Cit., pp74 à 75. * 118 Article 91 de la Loi n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation et fonctionnement des juridictions d'ordre de l'ordre judiciaire, in J.O de la RDC, Numéro spécial, 04 mai 2013. * 119 L.,COTE., « Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda : Un tribunal dans la tourmente », in Annuaire des Grands Lacs, L'Harmattan, Annuaire 2005-2006, p417. |
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