3. ANALYSE DES RESULTATS CONCERNANT LA CONFIANCE DANS LE
SECTEUR BANCAIRE
L'étude quantitative nous a permis de sonder les
consommateurs particuliers. Un questionnaire administré via Internet a
permis de récolter des données afin de répondre à
nos problématiques : effets de la crise sur la confiance - effets des
campagnes publicitaires des banques suite à la crise sur la confiance.
Principalement, la variable dépendante sera la confiance envers les
marques (ce que l'on cherche à étudier).
La méthode d'échantillonnage est
aléatoire et non probabiliste puisque le questionnaire a
été administré par Internet. L'objectif de notre
échantillon est donc d'avoir une ressemblance avec la population
française malgré la méthode de distribution du
questionnaire aléatoire. Certains éléments nous prouvent
que notre échantillon est représentatif, notamment la structure
des sexes. Notre étude comporte 59% de répondante, alors que la
France comptabilise 52% de femmes. Concernant la démographie par groupe
d'âge, nous avons une surreprésentation des 16-34 ans, au
détriment des plus de 65 ans. La répartition par catégorie
socioprofessionnelle est plus contrastée. Les ouvriers sont nettement
sous représentés dans notre échantillon (seulement 2% au
lieu de 12.3% en France). En revanche, les cadres et PIS et PI
représentent une part importante de répondants (41%). Le nombre
de clients multi-bancarisés (au moins deux banques) qui est de 48% dans
notre étude est très proche de l'estimation du chiffre global
français de 43%41. Deux banques sont très
représentées (le CA et la BPOP) car elles totalisent à
elles seules, 31% des répondants.
Malgré quelques différences notamment dans la
structure CSP de notre échantillon, nous pouvons affirmer qu'il est
assez représentatif notamment sur les critères de sexe, âge
et multi-bancarisation.
Tout d'abord, nous constatons que la multi-bancarisation n'est
pas un phénomène anodin puisque seulement 52% de
l'échantillon déclarent être clients d'une seule banque. Ce
processus est en effet rendu plus aisé depuis plusieurs années
par la facilité d'ouvrir un compte bancaire instantanément via
Internet. Les résultats ont montré que les consommateurs sont
capables de faire la différence entre une banque de dépôt
et une banque d'investissement. Ces dernières sont d'ailleurs
désignées comme les plus responsables par 76% des
répondants. Ainsi cela va à l'encontre du discours attestant que
les Français ne font pas la distinction entre les deux types de banque.
Il est aussi possible que le brassage médiatique et les campagnes
pédagogiques des banques aient aidé les Français à
faire la distinction entre ces activités. Notons cependant que ces
réponses sont simplement déclaratives (pas de
vérification).
41 Source Axciom.fr
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Notre étude quantitative nous a donc permis de
comprendre à qui était attribuée la responsabilité
de la crise selon les consommateurs, et comment la confiance avait
évolué. Le secteur bancaire global est donc unanimement
désigné responsable de la crise financière de 2008 (86%).
Trois questions ont permis de tester l'évolution de la confiance.
L'objectif est de comprendre si cette évolution est différente
entre le secteur bancaire, la banque principale du client et le banquier
attitré. Nous comprenons que plus la dimension est globale (secteur
bancaire) plus les consommateurs jugent responsable de la crise
financière. Au contraire plus la dimension est restreinte (votre
banquier) et moins la responsabilité est attribuée. Le même
phénomène se produit dans l'évolution de la confiance.
Pour plus de 70% de la population, la confiance est restée la même
envers le banquier, ce chiffre est de 35% envers le secteur bancaire. Nous
pouvons donc comprendre qu'il y a un lien direct entre l'attribution de la
responsabilité de la crise, et la confiance (les consommateurs ne
pensent pas que le banquier local est responsable, donc la confiance en lui ne
baisse pas).
Pour arriver à ces résultats, nous avons
attribué un score à la perception de la responsabilité de
la crise, et un score à l'évolution de la confiance. Plus le
client juge responsable de la crise un tiers, plus le « score
responsabilité » est élevé, et plus sa confiance a
baissé envers un tiers, plus le « score confiance » est bas.
La corrélation entre les deux variables est très forte (0,96 R
Square).
D'une manière générale, la baisse de la
confiance dans le secteur bancaire est donc très importante (plus de 60%
des répondants le déclare).
Nous constatons également que le secteur bancaire
français est perçu comme moins responsable de la crise que le
secteur bancaire mondial. Il est possible que les consommateurs aient
accumulé des savoirs sur le sujet à force d'être
exposés aux médias. Les clients n'ont pas attribué la
responsabilité de la crise à leurs banquiers locaux. En effet, il
apparaît peu probable que ce dernier soit responsable de l'envergure de
la crise qui contamine l'économie réelle. A défaut de
diriger sa défiance envers son banquier à visage humain, le
consommateur a reporté celle-ci vers le secteur et les marques bancaires
(l'image institutionnelle). Compte tenu de ces informations, il apparaît
qu'il n'est pas nécessaire de vouloir « redorer » l'image du
banquier local, mais plutôt l'image institutionnelle.
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Pour mieux comprendre la manière dont se compose la
confiance des consommateurs envers le secteur bancaire, nous avons
utilisé les composants d'évaluation de la confiance
utilisés par le cabinet Deloitte. Il a été possible
d'évaluer sur cinq critères (à l'écoute, fiable,
transparente, humaine (ce critère remplace « intérêt
client », crédible) la vision des banques par les clients. Nous
voyons que pour les cinq items, les clients ne sont majoritairement « pas
d'accord » avec le fait que les banques soient plus à
l'écoute, plus fiables, plus transparentes, plus humaines ou plus
crédibles. Cependant les items les mieux notés sont «
à l'écoute » et « fiable ». En revanche, les
banques apparaissent très peu crédibles aux yeux des
consommateurs, ce qui impacte fortement la confiance. En effet, nous avons
compris avec nos calculs, que plus les consommateurs approuvent les cinq
composants de la confiance, et moins leur confiance baisse envers le secteur
bancaire. Nous avons cherché à comprendre quel était le
composant de la confiance qui était le plus important. Il s'avère
que les personnes qui considèrent les banques comme « plus humaines
» depuis la crise sont celles pour lesquelles la confiance a le moins
baissé. En revanche la transparence est le critère qui contribue
le moins à la confiance. Ce résultat est paradoxal puisque nous
pouvions nous attendre à ce que ce soit le critère
fiabilité qui stimule la plus confiance mais finalement la perception
d'une banque humaine est le plus important. La confiance est en effet plus
facile à accorder à un humain plutôt qu'à une
personne morale.
Cette confiance accordée au secteur bancaire s'explique
aussi par la vision que les consommateurs ont des réactions des banques
face à la crise financière. Sur les quatre possibilités de
réponses à une crise, ce sont les deux types de réactions
les plus négatives qui récoltent les plus importants scores
(déni de responsabilité / report sur autrui). Seulement 7% des
répondants pensent que les banques ont reconnu leurs
responsabilités dans la crise. Cette prise de conscience
vis-à-vis des réactions des banques ne peut qu'expliquer la forte
baisse de confiance envers le secteur comme nous l'avions lu dans l'article de
Michon& Changeur. Lorsque l'on demande aux consommateurs de juger les
réactions de leur banque face à la crise, les réponses
sont beaucoup plus indulgentes. Ainsi la majorité des personnes ont
ressenti une absence de prise de parole de la part de leur banque principale
(différence de 14 points de pourcentage par rapport au secteur
bancaire). Ces résultats vont dans le sens de beaucoup d'études
qui indiquent que la vision de sa banque principale est toujours meilleure que
la vision du secteur bancaire. En effet, le choix d'une banque par un client
induit que celui-ci a fait un choix rationnel et réfléchis. Il
aura donc tendance à défendre son choix vis-à-vis de
lui-même, et donc de mieux noter sa propre banque. Nous constatons aussi
que les banques sont perçues différemment dans leurs
réactions face à la crise. Les deux variables sont
dépendantes selon le test du Khi2. Ainsi le CM est la seule banque dont
le score moyen est positif, elle est donc perçue comme ayant reconnu ses
responsabilités. A contrario, la SG, BPOST et CA sont jugés comme
ayant eu une mauvaise réaction face à la crise (déni et/ou
report sur autrui).
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Il est aussi important de noter qu'une forte
corrélation existe entre la perception du type de réponse et
l'évolution de la confiance envers sa banque. Plus la perception de la
réponse de la banque est positive (reconnaissance des
responsabilités) plus la confiance est haute. Inversement, plus la
réponse de la banque est jugée mauvaise (dénis/report sur
autrui) plus la confiance est basse. Ces résultats prouvent l'importance
de la qualité des réactions des banques à court terme.
Enfin, malgré les résultats assez négatifs concernant la
confiance dans le secteur bancaire et sa propre banque, les clients
déclarent assez largement recommander leur banque principale à
leur entourage. Cette question permet en effet de mesurer à quel point
un client et prêt à promouvoir sa banque par le bouche à
oreille. Sur une échelle de 1 à 10, 47% des clients ont
attribué un score de 7 ou plus. Ce taux de recommandation est fortement
lié à la confiance dans sa banque comme nous le prouve le
coefficient de corrélation entre les deux variables (0.87). Nous
comprenons ainsi l'importance de la confiance qui permet d'augmenter la
publicité qu'un client fait naturellement dans son entourage pour une
banque.
Nous comprenons donc que la crise financière a
fortement impacté la confiance institutionnelle des consommateurs.
Guerin (2011) avait démontré dans son étude que plus
l'image et la confiance institutionnelle était forte, plus la gestion de
la crise était bien perçue or nous avons compris
précédemment que l'image des banques était assez faible et
peu différenciée entre elles, ce qui peut expliquer cette
mauvaise vision de la gestion de crise. Les clients se déclarant avoir
été personnellement impactés par la crise (par exemple une
perte d'argent) sont nombreux (60%). Nous pouvons constater une forte
corrélation entre l'impact personnel de la crise sur un consommateur et
sa confiance dans le secteur bancaire français. Plus un client est
impacté par la crise, plus sa confiance baisse (corrélation de
0.86). Cette corrélation est encore plus forte entre l'impact sur un
client de la crise, et sa confiance envers son banquier (0.98). Un client qui
perd de l'argent avait en effet confiance en son banquier qui lui avait
proposé des placements. En perdant de l'argent, la confiance
interpersonnelle ne peut que baisser.
Nous pouvons observer qu'il n'y a pas de lien entre la vision
de l'argent comme symbole de réussite, et la confiance dans le secteur
bancaire. La corrélation est en effet très proche de 0 (0.04). Il
apparaît donc clairement que le fait de considérer l'argent comme
un symbole de réussite (qui est un raisonnement assez capitaliste) ne
permet pas de diminuer la perte de confiance envers le secteur bancaire suite
à une crise financière. Nous répondons ainsi à
l'une des questions posées lors de notre introduction .L'analyse
bi-variée nous montre que la défiance envers le secteur bancaire
est plus forte pour la catégorie des 35-44 ans. Plus la population est
jeune ou vieille, et plus haute est la confiance. Les jeunes et les
retraités sont en effet les moins impliqués dans la banque
puisque non actifs. En revanche les 35-44 ans sont la tranche qui a le plus
confiance envers le banquier. Cela peut s'expliquer par la relation de long
terme qui s'est déjà nouée entre le client et son
conseiller. A 40 ans on a souvent déjà eu recours à un
prêt immobilier. Le sexe ainsi que la CSP n'ont pas d'influence sur la
confiance dans le
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secteur puisque les réponses sont homogènes. Le
test du Khi2 nous donne par exemple 0.5 pour l'impact de la CSP sur la
confiance ce qui prouve que les variables sont indépendantes.
De manière générale, la confiance moyenne
a baissé pour l'ensemble des banques françaises. Nous pouvons
constater que la confiance envers sa banque principale fait apparaître
des disparités. Le CA et la BNPP apparaissent en tête de liste
avec la perte de confiance la plus faible. La disparité est assez
élevé puisque SG à un score bien inférieur (-0.8
sur une échelle de 4). Nous pouvons donc distinguer trois groupes de
banques par rapport à la moyenne des résultats. SG, CE et BPOST
sont les plus éloignées de la moyenne. Le CM, BPOP, CIC, et le
LCL sont placés aux alentours de la moyenne. BNPP et le CA font partie
du 1er groupe avec un score plus élevé d'au moins 0.2
point par rapport à la moyenne. Pour arriver à ces
résultats, nous avons attribué une note à notre
échelle de Likert, ainsi « votre confiance a fortement
baissé » vaut -2 points. Et « votre confiance a fortement
augmenté » vaut 2 points. Nous avons supprimé les banques
avec un panel trop peu élevé.
Pour résumer, cette première partie de l'analyse
nous montre que la confiance envers les banques a beaucoup baissé suite
à la crise financière. Cependant c'est la confiance
institutionnelle et non la confiance envers son banquier qui a
été impactée. Les clients jugent mieux leur banque que le
secteur bancaire global. Ce qui explique cette baisse globale, c'est
principalement l'accusation par les clients de la responsabilité des
banques dans de la crise financière. Cela déclenche une perte de
crédibilité et de transparence qui sont des facteurs essentiels
à la construction de la confiance. La baisse de la confiance est aussi
due par la perception consommateur des réactions des marques face
à la crise puisqu'ils les jugent négatives. L'impact personnel
(perte d'argent) de la crise sur les consommateurs est aussi une variable qui
influe fortement la confiance dans les banques et surtout envers son banquier.
La confiance envers le secteur bancaire et envers son banquier est très
hétérogène en fonction de l'âge. En regardant
l'évolution de la confiance en fonction de la banque, nous voyons que
les résultats sont aussi hétérogènes, cependant la
petite taille de notre panel (143 répondants) doit nuancer notre propos
et ces résultats.
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