c. L'IMPACT DE LA CRISE FINANCIERE SUR LA CONFIANCE 1.
D'UNE CRISE FINANCIERE A UNE CRISE DE CONFIANCE
Le moral des Français a beaucoup baissé
après la crise financière. L'ambiance est au pessimisme dans une
situation économique atone où le taux de chômage passe de
7.2% à 9,5% en moins de deux années37. Les
ménages sont spectateurs de la situation et font face à la
médiatisation du « banquier fautif », montré du doigt
et jugé responsable de pertes d'argent. Les Français ne
comprennent donc pas pourquoi l'état « donne » l'argent du
contribuable à ce secteur en crise. Cette crise financière
atteint la « sphère émotive » et se transforme en crise
de confiance. Les consommateurs ont l'impression qu'un rideau s'est levé
sur les rouages d'un système caché qui remet en cause la
crédibilité du secteur. La perte de confiance peut même
aller jusqu'à une défiance comme le prouve ce chiffre
publié par l'Association Française des Banques en 2009 : « +
24% d'incivilité (insultes, injures, menaces) au sein des agences
».
Les banques sont plus durement jugées que d'autres
secteurs car comme nous l'avons vu auparavant, elles ont un rôle
sociétal important et elles manipulent de l'argent. Le problème
vient aussi du fait que les consommateurs jugent à 71% que « les
banques n'ont pas tiré les leçons de la crise et n'ont pas
adopté des comportement moins risqués »38. Ainsi
les Français pensent que les banques peuvent recommencer sans tenir
compte de ce qu'il s'est passé. Mais qu'entend-on par confiance ? Le
cabinet Deloitte la mesure au travers de cinq items : la fiabilité, la
crédibilité, l'écoute, la transparence et
l'intérêt client. Ces critères permettent de mesurer
facilement une notion très subjective. Parmi ces items, les clients
déclarent que le plus important afin de créer une relation de
confiance est l'intérêt client, c'est-à-dire « Est-ce
que la banque agit dans mon intérêt ?». Les Français
cherchent donc à savoir si la banque cherche à récolter
l'épargne afin de spéculer avec risque, ou bien alors de proposer
les bons produits aux bonnes personnes. Les banquiers sous l'effet de la
pression managériale peuvent en effet être amenés à
vendre des produits financiers non adaptés aux clients. En 2014
l'étude du cabinet affiche donc une confiance dans le système
bancaire de 34%, mais de 60% dans sa ou ses banques.
La confiance est aussi souvent mesurée par les
instituts grâce à « l'image ». Dans leur article
C.Michon et S.Changeur (2003) nous rappelait que « l'image de la marque
constitue également la base de la relation affective ». L'image,
c'est donc la connaissance et les émotions accumulées envers une
marque ou un secteur donné. Pour comprendre à quel point l'image
des banques a baissé suite à la crise nous pouvons nous
référer à l'enquête annuelle de l'IFOP «
observatoire de l'opinion sur l'image des banques ».
37 Taux de chômage au sens du BIT source INSEE
38 Sondage IFOP 2012
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Source : IFOP
Nous pouvons donc voir clairement sur ce schéma que la
crise financière a fortement impacté l'image que les
Français ont des banques. Cette baisse de confiance s'est traduite en
actions, comme par exemple une ventilation de l'épargne entre plusieurs
banques afin de limiter les risques « 14% des sondés » selon
un sondage pour L'Humanité par l'IFOP, déclaraient avoir
placé de l'argent dans une autre banque afin de limiter les risques en
cas de crise. Nous pouvons aussi voir sur ce graphique, l'impact du soubresaut
de crise en 2011 (notations des pays et dettes grecques affolant les indices
boursiers) qui attisent de nouveaux les médias.
La confiance a été abordée sous
différents angles par différents auteurs. Ainsi la confiance peut
être définie, comme une croyance (Sirieix & Dubois), comme un
sentiment (Usunier & Rogerou) ou encore comme un comportement envers
l'organisation (Moorma). Sans entrer dans les détails nous comprenons
que la confiance est un concept riche qui va beaucoup plus loin qu'un simple
ressenti. La confiance est importante afin d'augmenter la satisfaction et donc
la fidélité qui augmentera les revenus de l'entreprise. Un client
peu confiant peut même être plus dur en négociation
puisqu'il se sent légitime à revendiquer.
Pour comprendre pourquoi la réaction des consommateurs
à la crise a été si virulente, nous pouvons nous baser sur
les travaux de Dawar et Pillutla (2000) et Michon Changeur (2003) qui ont
défini les facteurs qui influencent l'impact d'une crise. La
perception sélective est un processus par lequel plus la
consommation d'un produit ou service est régulière (et donc plus
le client est exposé à la marque) plus le consommateur est
attentif à la crise. Dans le secteur bancaire, l'utilisation d'un
service, la relation directe ou indirecte (internet) avec sa banque est presque
quotidienne. Cette proximité avec le secteur bancaire explique
l'intériorisation de la problématique. L'attitude du
consommateur décrit les fonctions cognitives et affectives (route
périphérique). Ces deux voies de communication ont
été mises en exergue par Petty, Cacioppo et Schuman en 1983. Lors
d'une crise de marque, c'est l'affectif qui est touché en premier (crise
de valeur et non de produit) et le cognitif dans un second temps. Comme nous
l'avons expliqué plus tôt c'est bien une crise de secteur qui a eu
lieu et qui affecte donc les « associations
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abstraites/idéologiques » vis-à-vis d'un
secteur, d'une marque. Nous comprenons donc pourquoi cette crise est si
profonde. La réaction de l'entreprise face à la crise
est aussi un facteur qui impacte fortement le consommateur. La rapidité
de réponse et le type de réponse peuvent aider à inhiber
l'impact sur les consommateurs. Ainsi, plus une entreprise prendra la parole
rapidement, et plus elle pourra retrouver la confiance de sa clientèle.
Or il s'est avéré que dans les prémisses de la crise, les
banques ont peu pris la parole mis à part pour rassurer leur client sur
leur capacité à faire des crédits. Le capital-marque,
c'est-à-dire la valeur acquise par une marque aux yeux du client et
permettant un avantage concurrentiel, peut permettre d'atténuer une
crise s'il est fort. Lors de notre analyse du secteur bancaire, nous avons
compris que les marques bancaires françaises n'avaient que peu de
capital marque et n'arrivait pas à se différencier les unes des
autres. Ce ne sera donc pas un facteur permettant d'influencer positivement le
client. En ayant détaillé les facteurs qui influent l'impact
d'une crise sur les consommateurs, nous comprenons facilement comment une crise
sectorielle s'est transformée si rapidement en crise de confiance
profonde.
2. SPECIFICITES DE LA CONFIANCE ENVERS LE SECTEUR
BANCAIRE
La confiance d'affaire, c'est-à-dire la confiance
envers une entreprise est constituée de plusieurs éléments
qui varient dans le cycle de la relation client. La construction et la
composition de la confiance d'affaire se doit d'être analysée afin
de mieux comprendre la relation entre crise, confiance et stratégie de
communication. Pour comprendre les mécanismes de construction de la
confiance envers une institution, nous avons analysé attentivement les
articles publiés par Gatfaoui (2007)39 et
Mercanti-Guérin (2011)40
Il est donc important de différencier deux
catégories de confiance, la confiance interpersonnelle et la confiance
institutionnelle. La confiance interpersonnelle est la vision la plus commune,
c'est-à-dire qu'elle traite de la confiance entre des individus (par
exemple la relation d'un client avec son banquier). La confiance
institutionnelle est une notion relativement nouvelle dans la
littérature puisque les premiers articles à son sujet datent de
1976 « The role of trust and cooperation in marketing channel - Young L.C.
& Wilkinson I.F). Elle fait référence à la confiance
qui s'opère entre une personne et une entreprise/institution. Cette
notion a vu le jour avec le développement des grandes entreprises
multinationales qui se sont développées depuis les années
70. Cette double vision de la confiance peut être très facilement
adaptée au secteur bancaire en raison de la double relation que le
client développe avec celui-ci. Les deux types de confiance se
superposent et peuvent se mélanger, c'est ce qui fait la
complexité du sujet. Cependant, les consommateurs font inconsciemment la
différence entre la relation
39 Gatfaoui S. (2007) - Comment développer une relation
bancaire fondée sur la confiance
40 Mercanti-Guérin M. (2011) - Crise du secteur bancaire
et portrait de la banque idéale
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avec le banquier et celle avec l'enseigne. Le premier niveau
de relation (dans le temps) est l'institutionnel puisque avant d'entrer dans
une banque, un individu porte déjà la marque dans son estime. Il
construit ensuite une relation avec le banquier attitré. Si le client
fait confiance dans une marque bancaire, il s'attend à ce que celle-ci
recrute un personnel reflétant les valeurs de la marque. Ainsi, par
congruence, une confiance interpersonnelle pourra se tisser. Afin de mieux
comprendre comment s'articule ces concepts, nous allons dès à
présent comprendre les mécanismes de création des types de
confiance en s'appuyant sur le travail de Gatfaoui qui dans ses recherches a
mené des entretiens qualitatifs lui permettant de mieux comprendre ces
processus.
Lors de la naissance d'une relation institutionnelle, la
confiance est alors basée sur des critères cognitifs,
c'est-à-dire les savoirs ou les aprioris vis-à-vis d'une marque.
Les consommateurs se basent alors surtout sur la fiabilité que
dégage une banque. Durant la relation, cette confiance institutionnelle
peut aussi revêtir un caractère affectif, cela se traduit par le
sentiment de pouvoir compter sur sa banque en cas de difficulté. Les
facteurs permettant de consolider cette confiance peuvent être la
réputation de la banque, son expertise, sa taille ou encore des
expériences positives vis-à-vis de la banque. Ces facteurs
permettent donc d'augmenter la crédibilité d'une marque et donc
la confiance que l'on y accorde. Cette confiance est en majeure partie
basée dans l'inconscient puisque non visible.
La confiance interpersonnelle apparaît comme la plus
importante dans une relation bancaire parce qu'elle est la plus visible. C'est
une relation plus facile à appréhender puisqu'elle a lieu entre
deux personnes physiques. Sa définition est donc plus riche et englobe
des éléments d'aspects conatifs comme par exemple s'attendre
à un comportement honnête de la part de son banquier lorsqu'on lui
fait confiance. Les facteurs qui permettent la construction de la confiance
interpersonnelle sont plus humains comme par exemple l'honnêteté,
le caractère bienveillant ou encore, le respect du client.
Cependant, l'expérience interpersonnelle est
très dure à homogénéiser pour une marque bancaire
puisque chaque conseiller bancaire est différent. De plus si une
relation trop importante se tisse entre le client et son banquier, il y a un
détachement de la marque (relation institutionnelle) qui s'opère.
Le banquier représente à lui seul la marque. Ainsi les banques
cherchent à favoriser la confiance institutionnelle et favorisent un
turn-over de moyenne durée (cinq à six années).
Nous avons donc affiné les notions de confiance qu'un
client a dans une banque afin de mieux comprendre les effets de la crise sur la
confiance des consommateurs. En effet, notre hypothèse était que
la crise n'avait pas affecté la confiance interpersonnelle mais
principalement la confiance envers l'institution. Il est en effet important de
vérifier cette hypothèse si nous voulons comprendre les nouvelles
stratégies de communication.
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