3. LE SECTEUR BANCAIRE PRIS DE COURT DANS SA COMMUNICATION
DE CRISE
La littérature concernant le traitement d'une crise par
une entreprise est riche. Pour résumer les recherches de Westphalen
(1997) et Dawar & Pillutla (2000)34, nous pouvons citer quatre
principales typologies de réponses possibles suite à une crise :
l'absence de prise de parole, le déni de responsabilités, le
report sur autrui et enfin la reconnaissance des responsabilités. Ces
modalités de réaction d'une marque face à la crise peuvent
permettre d'influencer la perception du consommateur. Les stratégies ont
été différentes en fonctions des banques mais de
manière générale nous pouvons dire que les banques
françaises ont peu pris la parole à court terme. Les banques
n'ont pas communiqué de façon abondante afin de ne pas
exagérer le climat anxiogène attisé par les médias.
Prendre la parole en plein coeur de la crise était dangereux puisque si
la banque le faisant, elle serait assimilée directement à la
crise en devenant bouc émissaire.
La Caisse d'épargne n'a par exemple pas
communiqué pendant près d'un an. Nathalie Rastoin en charge de la
communication du groupe déclarait à l'époque « On ne
peut pas reprendre la parole comme si on n'avait pas changé de
période »35. Les banques ne s'étaient pas
préparées à un tel fiasco médiatique et les
cellules de crise n'étaient pas opérationnelles pour
répondre au déferlement. Le Directeur de la Communication du
groupe Société Générale fut interviewé en
2008 et admettait ne pas avoir « mis en place de cellule de crise».
En effet, selon lui, l'entreprise ne vit pas de crise à proprement
parler, mais est impactée par celle du secteur.
Chez BNP Paribas, Ariane Benard-Mechler en charge de la
communication interne confie lors d'une interview de 2008, que « toute
vérité n'est pas bonne à dire » car « trop de
transparence pourrait avoir des effets catastrophiques ». La banque n'a en
effet pas pris la parole dans les médias à court terme mais a mis
en place une communication de proximité avec ses clients (marketing
direct..). Le site internet du groupe publiait par exemple des articles afin de
comprendre les mécanismes de la crise financière. De
manière générale, les banques françaises ont
beaucoup appliqué la stratégie de mutisme ou de report sur autrui
dans les prémices de la crise en reportant la faute sur les banques
d'affaires américaines.
Des personnages importants ont pris la parole au nom du
secteur bancaire comme par exemple Alan Greenspan, l'ancien directeur de la
réserve fédérale américaine, qui a dirigé la
montée des taux directeurs entraînant la crise. En 2008 il a
émis des propos qui ont été diffusés dans les
médias français « Oui, j'ai constaté une faille. Je
ne sais pas à quel point elle est significative ou durable, mais cela
m'a plongé dans un grand désarroi » (à propos du
système capitaliste). Ce type d'allocution reflète la
34 Dawar Niraj Pillutla Man.M. (2000) - Impact of product-harm
crises on brand equity
35 Le Monde 12/2008 Laurence Girard - Avec la crise, les banques
revoient leur discours publicitaire
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psychologie des responsables du secteur bancaire : une
reconnaissance du problème sans pour autant désigner de
coupable.
Avant de bâtir de nouvelles stratégies de long
terme, les banques françaises ont cherché à rassurer les
consommateurs. Elles ont donc adopté une stratégie
défensive vis-à-vis du brassage médiatique et
déployé une communication efficace. Il faut en effet enrayer la
panique en prouvant qu'elles peuvent encore faire des crédits et
qu'elles sont assez solides pour passer le cap. Ainsi BNP Paribas lance sur les
ondes radios « Chez BNP Paribas, votre banquier vous fait crédit !
». Le Crédit Agricole enchaîne dans la presse avec « Les
banques réduisent-elles le crédit aux PME-PMI ? NON ! ». Ces
messages apportent donc un discours de preuve aux consommateurs afin de
contrebalancer la vision d'un secteur en crise. Avec la crise les clients
n'osaient plus demander de fonds à leur banquier. Cette première
vague de publicité a donc permis de ramener à une juste mesure
l'exagération créée par les médias.
C.Michon et S.Changeur (2003) arrivent à la conclusion
dans leur recherche, que plus une entreprise réagit rapidement face
à une crise, plus elle restaure la confiance de ses clients. L'effet est
moindre lorsque c'est une crise sectorielle mais nous pouvons tout de
même dire que la stratégie seulement défensive des banques
n'a pas été suffisante à court terme pour conquérir
la satisfaction des consommateurs. Cependant à l'époque, personne
ne savait combien de temps allait durer la crise et les groupes ont
temporisé afin de pouvoir bâtir des stratégies à
plus long terme. Ces campagnes de court terme sont donc une réponse
à une situation non prévue. Une campagne institutionnelle commune
aurait pu être lancée par la Fédération Bancaire
Française qui regroupe plus de 400 établissements. Le projet a
été envisagé mais n'a jamais vu le jour, les banques ont
préféré se concentrer sur la construction de leur plan
d'action et de communication et non sur une communication institutionnelle
groupée. En revanche, dans de nombreux groupes, il a été
décidé de mettre en avant une communication envers les
salariés et les actionnaires qui sont les premiers ambassadeurs de la
marque.
Les banques semblent avoir adopté une stratégie
de mutisme comme le fait remarquer Olivier Aubert cofondateur de l'agence Asap
« Le silence assourdissant des banques sur leur vision de la crise et
leur volonté d'en faire sortir l'économie en faisant leur
métier autrement ne sera bientôt plus tenable
»36.Benoît Devarrieux, coprésident de
l'Agence H, remarque que les banques n'ont pas opéré de
modification dans leur choix d'agences de communication : « Il n'y a
pas eu un seul changement d'agence en un an. Aucune question n'a
été posée sur la validité des choix de la
communication bancaire. Rien n'a bougé. » Ces
déclarations viennent prouver que les banques ont peu réagis
à court terme.
36 Les Echos - Les banques inaudibles face à la crise -
04/2009
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