2. LES BANQUES AU COEUR D'UN SCANDALE MEDIATIQUE ET
POLITIQUE
Suite à cette crise financière, les banques ont
été pointées du doigt par les médias. Entre 2008 et
2011, la crise financière est devenue un sujet récurrent aux
journaux télévisés, dans la presse et la radio
entraînant une surenchère médiatique. Bien que la crise des
subprimes se soit diffusée dans la sphère réelle jusqu'en
France, les effets n'ont pas été directs sur les consommateurs
(sauf pour ceux qui ont perdu de l'argent en bourse par exemple). Les
média ont donc été le seul vecteur générant
la « bancaphobie29 ». Cela a été
accentué puisque les autorités étaient-elles même
dépassées par l'ampleur du problème et que les
responsables des grandes banques n'ont que peu pris la parole. Ainsi
Libération titrait « Punir l'argent fou » ou encore
« Pas de vacances pour la crise »30. La chasse aux
sorcières est donc lancée afin de comprendre comment nous avons
pu en arriver à cette situation et qui sont les fautifs. En avril 2008,
Marianne titrait donc «Les aveux d'un banquier voyou ». Les
plans d'aides accordés aux banques par l'état français ont
aussi créé un soulèvement d'incompréhension
auprès de la population et accentué la méfiance
vis-à-vis des instituts financiers. De nombreux articles ont
soulevé
28 Alternatives économiques n°283 09/2009 - Olivier
Godechot
29 Néologisme issu de « banca » (banque en
Italien) et phobie (peur en français) : peur des banques
30 Observatoire banque assurance - Kantar Média (2011)
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les problèmes et la qualité des produits
financiers proposés par les banques, ce qui est venu ternir encore
davantage l'image du secteur. Comme nous l'avons évoqué
précédemment, les consommateurs ont un lien particulier avec les
produits bancaires puisque il s'agit d'argent. Or les différentes crises
ont démontré que les banques pouvaient perdre des sommes
astronomiques (5 milliards d'euros pour l'affaire Kerviel) en collectant
l'épargne des particuliers à des fins spéculatives.
Lors de ce scandale médiatique, l'amalgame entre banque
de dépôt et d'investissement a été récurrent.
En effet nous avons compris que les banques pouvaient pratiquer les deux
activités mais les grandes banques qui ont été le
catalyseur de la crise financière (JP Morgans par exemple)
étaient des banques d'affaires. Aux yeux des ménages, les
coupables étaient donc les mêmes. En 2010 le Président du
groupe CBC déclarait dans une interview « il y a lieu
d'opérer une distinction : l'image institutionnelle (...) a
été touchée mais celle du banquier local (...) beaucoup
moins ».31 Ainsi le scandale médiatique a mis en avant
des personnes morales plus que des personnes physiques. Même Kerviel a
été présenté comme un bouc émissaire et non
le réel responsable. Le fait de ne pas avoir de coupable physique a
créé une frustration et un élan de défiance envers
le système bancaire qui apparaît comme opaque.
Durant les années suivant la crise financière,
les publicitaires ont même utilisé le sujet pour communiquer sur
leur produit, allant jusqu'à se moquer des banquiers. Les industriels
ont démontré en parlant des personnes qui souffrent de la crise,
qu'ils se rangeaient du côté du peuple et non du système
bancaire. Nous pouvons donner l'exemple de Volkswagen qui en 2009 lance une
campagne de publicité « Les Traders anonymes ». Elle met en
scène des traders qui lors d'une réunion anonyme expliquent leur
volonté d'arrêter la spéculation, sans y arriver. Le
marketing virale du groupe VAG a été poussé jusqu'à
une chanson et un clip vidéo où les paroles sont assez directes
« pile on gagne, face on ne perd rien, car l'argent ce n'est pas le mien
».
En plus des médias, les politiques ont aussi
participé à la dénonciation du secteur bancaire. Les
élections de 2007 et 2012 ont placé le sujet au coeur du
débat, et des discours retentissants ont été
prononcés. Nicolas Sarkozy déclare à Toulon en 2008 «
Il faudra imposer aux banques de financer le développement
économique plutôt que la spéculation ». En 2012
François Hollande prononce son célèbre discours dont les
mots retentissent encore dans nos souvenirs « mon véritable
adversaire (...) c'est le monde de la finance ». Les mots employés
par le monde politique de droite ou de gauche sont forts, et accusent un
secteur global sans distinction.
31 « Crise bancaire : vers une communication simple
concrète et transparente » investir en 2010
C.Michon et S.Changeur (2003) rappellent dans leur article de
recherche32 qu'il existe des crises de marque, et des crises de
produit. Les crises sur les produits existent lorsqu'un produit est
défectueux et entraîne des problèmes (exemple : crise
sanitaire). Une crise de marque a un impact plus « important et durable
» sur une entreprise puisqu'elle touche ses valeurs et son image. C'est en
effet la politique et la stratégie qui sont remis en cause et non
seulement un produit. La crise de marque atteint donc les consommateurs plus
profondément en touchant l'affectif.
Nous pouvons aller plus loin en parlant de crise sectorielle.
P.Lagadec33 a mis en place une matrice qui classe les crises sur
deux axes ; le caractère interne/externe et sa nature
technico-économique/organisationnelle, sociale et humaine. Sur ces
critères la crise de 2008 serait donc située en externe et
économique. C'est la crise du secteur financier globale. Pour
synthétiser, nous pouvons dire que c'est une crise de produit («
subprimes ») qui a entraîné une crise sectorielle (financier)
se répercutant en crise de marques bancaire à cause de l'ampleur
médiatique prise par le sujet.
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32 « Une étude des réactions du consommateur
face aux crises de la marque » (2003)
33 Patrick Lagadec (1993) - Apprendre à gérer les
crises, Paris, Editions d'Organisation, p.34
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