INTRODUCTION
Le concept de crise se traduit en mandarin par « weiji
». Ce terme est une contraction des mots « wei » et « ji
» qui correspondent respectivement au danger et à
l'opportunité. L'étymologie chinoise du concept nous permet de
mettre en exergue, le paradigme auquel toute personne physique ou morale fait
face lors d'une crise. La situation de crise est un danger puisqu'elle remet en
cause un modèle actuel en impactant les différentes parties
prenantes, mais elle permet aussi de déclencher des opportunités
si une stratégie d'évolution est mise en place.
Aujourd'hui, le mot est fortement lié à la crise
financière des « subprimes » qui a éclaté aux
Etats-Unis en 2008. Mais la crise financière s'est
révélée contagieuse à la sphère
réelle et émotive. La crise devient réelle puisqu'elle
vient impacter l'économie du monde entier, mais elle se
métamorphose aussi en crise émotive puisque la confiance des
consommateurs est touchée. Le danger est donc fort puisqu'un client
défiant, est un client qui consommera moins les services proposés
par une entreprise. Les banques doivent de plus maintenir le cap dans un
environnement concurrentiel et législatif qui s'intensifie. La
digitalisation et la multi-bancarisation1 sont des facteurs qui
stimulent la concurrence sur le secteur, autrefois bien protégé.
Le danger pour les banques françaises est donc important mais peut aussi
être synonyme d'opportunités. Les banques peuvent en effet
profiter de cette période pour opérer un réel virement
stratégique et non une simple réponse de court terme.
Or la communication revêt une importance
particulière pour le secteur bancaire français qui doit utiliser
le capital marque pour se différencier. La forte
homogénéisation de l'offre sur le marché amène en
effet les banques à se distinguer par leur identité visuelle via
la communication. Nous comprenons alors pourquoi la communication sera le
principal vecteur de changement et reflètera les stratégies des
banques suite à la crise qu'elles traversent depuis 2008. Nous disposons
aujourd'hui, du recul nécessaire afin d'analyser à long terme,
les métamorphoses du secteur.
Il existe de nombreuses interactions dans le triptyque banque,
consommateur et média. Le consommateur reçoit les stimuli des
deux autres protagonistes : l'actualité et la publicité. Ces
messages influent positivement ou négativement l'image qu'un
consommateur se fait d'une marque et par extension, sa confiance. Pour
contrebalancer les messages diffusés par les médias et
néfastes au secteur bancaire, les marques doivent alimenter le
consommateur avec un nouveau discours adapté à la situation et
aux nouvelles stratégies.
L'intérêt de ce mémoire de recherche est
de comprendre comment une crise d'envergure mondiale a fait évoluer en
profondeur et sur le long terme, les stratégies de communication des
1 Etre client de plusieurs banques
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banques, ainsi que la perception que les clients en ont. Cette
crise représente un cas pratique très intéressant pour
mettre en application différentes théories émises par les
chercheurs. La littérature est en effet abondante concernant l'impact de
crises sur la marque (Michon & Changeur - 2003, Dawar & Pillutla -
2000, Mercanti-Guérin - 2011) et sur la confiance des consommateurs dans
une marque (Gurviez & Korshia - 2002, Ochi - 2006, Gatfaoui - 2007). Les
marques bancaires sont aussi un bon terrain d'étude pour les
personnalités de marque, facteur de construction d'une identité
et d'une image forte auprès des consommateurs (Aaker - 1997, Gardes
& Beguinet - 2012, Paviot - 1995).
Il n'existe aujourd'hui pas de sujet de recherche concernant
l'impact de la crise financière sur les stratégies de
communication publicitaire des banques françaises. Un document paru en
2008 dans la revue « Communication de crise et sensible » 2 avait
ouvert les recherches avec son sujet « La communication des
établissements bancaires face à la crise ». La prise de
recul était alors peu importante et l'envergure stratégique
à long terme non traitée. La littérature laisse aussi des
problématiques en suspens, auxquelles nous essaieront de répondre
dans le cadre de nos recherches. Ainsi, Maria Mercati-Guérin
s'interrogeait en 2011 à la fin de son article de recherche sur la
relation entre la perception de l'argent et la confiance dans sa banque suite
à une crise. Gardes et Berguinet ont dans leur article de recherche en
2012, expliqué qu'il serait intéressant d'étudier quels
traits de personnalité impactent le plus la confiance dans le milieu
bancaire.
La crise de 2008 n'est pas la première que le secteur
rencontre, et ne sera surtout par la dernière. Il apparaît alors
pertinent de chercher à comprendre quels sont les meilleurs facteurs qui
inhibent une crise de confiance afin de mieux appréhender les crises
futures.
Notre problématique de recherche sera donc la suivante
:
Quels ont été les impacts de la crise
financière de 2008 sur la confiance des consommateurs et les
stratégies publicitaires des banques françaises?
Pour répondre à cette problématique nous
articulerons notre travail autour de questions de recherches précises.
Comment la confiance des consommateurs a été impactée par
la crise médiatique ? Dans quelle mesure les stratégies
publicitaires des banques françaises ont été
modifiées ? Quels sont les facteurs d'une stratégie de
communication, qui permettent d'atténuer la baisse de la confiance suite
à une crise ?
Nous aborderons le sujet grâce à un plan en deux
parties. La première section nous permettra de cadrer notre sujet en
décrivant la place que tient le secteur bancaire français dans
notre société. Nous comprendrons que ce secteur s'est
retrouvé au centre d'une crise financière sans
précédent, qui a
2 Farabee E., Le Berrigaud A., (2008) - La communication des
établissements bancaires face à la crise
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fortement impacté la confiance des consommateurs du
marché. La complexité et l'envergure du sujet nous impose de
revenir sur l'historique du secteur et de la crise, afin de bien comprendre la
manière dont les protagonistes ont réagi. La seconde section
apportera une analyse précise des stratégies publicitaires avant
et après la crise. Le différentiel entre les deux périodes
nous apportera les éléments de compréhension
nécessaire à l'analyse. Nous y aborderons en détail le
concept de la personnalité de marque qui est au coeur de notre sujet.
C'est aussi dans cette partie, que la perception des stratégies de
communication sera évaluée auprès des consommateurs.
Ce plan mélange le travail théorique et
empirique mais nous permet de suivre un raisonnement logique pour
répondre à notre question. Il faut le voir comme un fil
chronologique, partant des prémices du secteur bancaire et de la crise,
jusqu'aux impacts des nouvelles stratégies publicitaires sur le client
final.
Pour articuler l'ensemble des éléments et
répondre au mieux à notre problématique, nous avons
adopté une démarche positiviste. Nous proposons ainsi des
hypothèses nous permettant d'émettre des présomptions sur
les phénomènes étudiés.
H1 : La crise financière de 2008 a
fortement impacté la confiance des consommateurs et notamment la
confiance institutionnelle.
H2 : Les banques ont modifié leur
stratégie de communication publicitaire afin de s'humaniser.
H3 : La personnalité de marque est un
facteur qui permet de limiter la baisse de la confiance du consommateur.
Pour récolter nos données, nous avons
utilisé différents modes d'enquêtes. Une étude
quantitative nous a permis de sonder les consommateurs afin de comprendre
l'impact de la crise et des nouvelles stratégies publicitaires sur leur
confiance. Cent quarante-deux personnes ont répondu à notre
questionnaire diffusé sur internet. Les résultats ont
été traités grâce aux statistiques
inférentielles nous permettant de comprendre les liens entre
différentes variables (corrélation, régression, Khi2).
Durant la phase qualitative nous avons mené deux interviews avec des
responsables communication du groupe BNP Paribas. Cette étude nous
permet de comprendre des mécanismes profonds et précis. Nous
avons enfin mené une large enquête sémiologique afin
d'analyser les campagnes publicitaires des banques françaises. Plus de
cent spots télévisés ont été
visualisés afin de comprendre les campagnes de communication. Ces
données primaires ont complété la lecture de nombreux
articles de journaux, d'études de cabinets privés et bien
sûr, d'articles de recherche scientifique.
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