I. LE SECTEUR BANCAIRE FRANÇAIS AU COEUR D'UNE
CRISE DE CONFIANCE
Cette première partie aura pour rôle de
présenter le contexte dans lequel notre problématique se pose.
Nous présenterons les spécificités du secteur bancaire
français, puis nous analyserons la crise financière qui a
secoué le monde en 2008. Nous comprendrons enfin comment cette crise
financière s'est transformée en une crise de défiance et
de confiance chez les consommateurs. Pour faciliter la lecture, nous
utiliserons régulièrement les abréviations pour
désigner les banques (se rapporter au glossaire p.70 si besoin).
a. ANALYSE DU SECTEUR BANCAIRE FRANÇAIS
1. HISTORIQUE DU SECTEUR BANCAIRE
Il apparaît nécessaire de revenir sur
l'évolution des banques et de leur statut au fil du temps afin de bien
comprendre la place qu'elles occupent aujourd'hui dans notre
société. Pour synthétiser cet historique, nous avons
principalement basé notre lecture sur les travaux d'Alain Plessis
(1998)3.
Les activités se rattachant à l'argent ou aux
biens, existent depuis très longtemps. Au IIème millénaire
avant J-C, il existait déjà des activités permettant de
réaliser du prêt sur marchandise (prêt sur gage) en
Mésopotamie. C'est en effet une activité nécessaire
dès lors qu'une forme de gouvernement se crée et que des
richesses apparaissent grâce notamment à l'agriculture. Plus tard,
vers le VIIème siècle avant J-C, les monnaies prolifèrent
en même temps que le commerce méditerranéen ce qui entraine
une nouvelle activité : le change. Les croisades ainsi que le
développement des routes commerciales entre orient/occident font
proliférer l'utilisation de produit financiers tels que la lettre de
paiement qui permet le crédit sans transporter de monnaies. Mais nous ne
pouvons pas encore parler de banques au sens moderne du terme.
L'étymologie italienne du mot banque
(banca4) nous amène à un premier constat :
l'activité bancaire est principalement originaire d'Italie et n'est
apparue en France que plus tardivement (vers le XIII siècle). C'est le
développement des grands ports français ainsi que des besoins
pécuniaires du royaume qui ont démocratisé les
activités bancaires sur le territoire. Les opérations
réalisées en France sont d'abord d'ordre gouvernemental ou
commercial (change, transfert, dépôt...). Des Lombards Italiens
(qui ont laissé leur nom à la fameuse rue de Paris) ainsi que des
Juifs d'Espagne et d'Europe de l'Est se
3 Plessis A. Professeur émérite Université
Parix X Nanterre (1998) - Histoires de la Banque en France, Albin
Michel
4 Banca (it) : banc (fr)
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spécialisent alors dans ces activités en France.
Les premières banques d'envergure européenne sont issues de
grandes familles, comme par exemple les Medicis dont les filiales sont
présentes dans toutes l'Europe et financent l'Eglise et les grands
marchands. Un peu plus tard, les bourses aux matières premières
fleurissent un peu partout en Europe (1592 à Anvers) et des
investisseurs opèrent les premières entrées dans le
capital d'entreprise (Jacob Fugger). L'Angleterre sera la première
à émettre des billets (1565) et prend une place
prédominante en Europe, avec Amsterdam et sa banque centrale. Ainsi en
quelques siècles, le secteur bancaire s'est développé
très rapidement en Europe entre les grandes familles et les
gouvernements, ce qui va permettre de transformer une société
basée sur le troc en une société tournée vers la
finance monétaire. Les clients sont alors encore entièrement
institutionnels.
La France essuie son premier échec avec la
création de la « Banque Générale » de John Law
(1716). Malgré le fonctionnement de la banque dans l'émission de
billets et de crédits, l'ambition du projet est trop grande (neutraliser
les dettes de guerre de la France) et le projet succombe sous le poids de la
spéculation. C'est la première crise financière que le
pays traverse et elle ternit pour une longue période, l'image du
secteur. En 1800 Napoléon Bonaparte fonde la Banque de France qui a une
portée nationale en partenariat avec les grands banquiers du temps
(Rothschild, Mirabaud, Perier...). Ces maisons permettent le financement de la
révolution industrielle en financement les grands projets (usines,
voiries, transports...). C'est en 1818 que la première Caisse d'Epargne
est ouverte afin d'encourager « l'épargne populaire ».
La seconde moitié du XIXème siècle en
France laisse se développer largement le système financier. De
nombreux comptoirs d'escomptes (avance d'argent) fleurissent partout en France.
Le Crédit Industriel et Commercial (1859), le Crédit Lyonnais
(1863) et la Société Générale (1864) sont les
premières banques à user d'innovations commerciales comme la
publicité pour attirer des clients. Ces banques permettent
l'épargne de masse afin de financer les gros projets de l'époque
sur le modèle anglais. C'est aussi la période où Henri
Germain (fondateur du CL) publie la Doctrine Germain qui est un texte
très important puisqu'il a fortement influencé la manière
dont les banques sont gérées (gestion de la liquidité...)
et il y promeut le crédit à court terme. C'est la première
fois qu'une distinction est faite entre banque d'investissement et banque de
dépôt5. Les grandes banques peuvent germer grâce
au développement de la monnaie fiduciaire, scripturale6 ainsi
que le financement des entreprises par le biais d'émissions de titres.
Mais déjà les grandes banques sont montrées du doigt comme
par exemple lorsqu'elles investissent à l'étranger (exemple de la
crise des « emprunts russes7 ») au lieu de le faire sur le
territoire français. La loi de 1894 institue des sociétés
agricoles qui donneront naissance au Crédit
5 Termes définis p.14 et dans le glossaire p.69
6 Termes définis le glossaire p.69
7 Titres étrangers largement diffusés en France en
début du XXème siècle
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Agricole afin de financier l'agriculture française.
L'état intervient aussi dans la création des banques populaires
afin de favoriser le crédit aux petits entrepreneurs et artisans. Au
début du XXème siècle, les banques françaises
souffrent des guerres mondiales et de la crise de 1930. L'état commence
donc sa politique interventionniste dans le secteur bancaire en encourageant
les banques d'état et les banques mutualistes.
Franklin D. Roosevelt instaure en 1933 aux Etats-Unis la
césure entre les banques de dépôts et d'investissement
(Glass Steagall Act). La France copie le modèle Américain
après la seconde guerre mondiale en cloisonnant les deux types de
banques (application de la doctrine Germain), qui rend très rigide le
secteur notamment à cause des premières grandes nationalisations
(CL, CG...). Durant deux décennies les banques françaises
effectuent principalement de la collecte. C'est le début des Trente
Glorieuses, de l'essor des chèques bancaires et de la carte bancaire
venue des Etats-Unis. Pour rendre plus concurrentiel le marché et
permettre le financement de la forte croissance, les Lois Debré de 1967
assouplissent l'encadrement du système bancaire. Cela permet une
croissance fulgurante du secteur bancaire en France (+90% d'agences en sept
ans). Suite aux chocs pétroliers, le gouvernement de Mitterrand
décide de nationaliser toutes les banques qui détiennent plus
d'un milliard de francs, ce qui permet de sauver de nombreuses banques de la
crise encourue. Le secteur bancaire est donc devenu un secteur
d'activité important dans l'économie et au centre de toutes les
attentions médiatiques, politiques et stratégiques.
Après cette période, c'est le début de la
finance libéralisée, avec le décloisonnement des
activités bancaires et la privatisation des grandes banques. Les
produits bancaires se complexifient dans le monde et la spéculation
devient monnaie courante grâce aux changes flottants8 et aux
nouvelles technologies. Les années 90 sont assez difficiles pour les
banques françaises, livrées à elles même sur un
marché en pleine mutation et face aux différentes crises
mondiales. Faillite, fusion acquisition dessinent le paysage où seules
les plus fortes subsisteront. C'est aussi une période où banque
et assurance se rapprochent. Les grandes banques françaises
acquièrent une dimension internationale et peuvent proliférer sur
le globe grâce à l'expansion d'Internet qui attire aussi de
nouveaux acteurs. La mise en place de la monnaie unique, Euro a
été une opportunité ainsi qu'une menace en facilitant
l'insertion des banques dans les pays de la nouvelle zone Euro. La
montée de l'intensité concurrentielle depuis les années 80
a nécessité les démarches marketing de plus en plus fortes
de la part des banques afin de segmenter la clientèle et
développer des offres adaptées.
8 Terme défini le glossaire p.69
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Cet historique nous permet de comprendre que le secteur
bancaire a toujours été confronté à de nombreuses
crises et remaniements. Nous comprenons aussi que la structure du
système bancaire connue aujourd'hui est très récente (fin
des années 1990). Enfin les nouvelles technologies et la
libéralisation ont permis le développement de la « finance
de l'ombre9 » permettant l'existence de nouveaux produits
financiers très complexes. L'ensemble de ces postulats nous permettent
de mieux comprendre le contexte précédent la crise mondiale de
2008.
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