2) Restaurer la confiance des investisseurs
Suite à l'éclatement de la bulle internet au
début du millénaire, l'économie mondiale était dans
une situation de relative plénitude marquée par la croissance et
l'apparition de nouvelles économies en voie de développement.
Cependant, la crise des subprimes survenue en 2008 a fait le même effet
que le vent qui s'abat sur un château de carte, il a
ébranlé l'économie mondiale et par la même occasion
la confiance dont jouissaient les institutions bancaires jusqu'à
présent.
La stabilité de l'environnement économique a
créé un sentiment de sécurité propice aux
expérimentations durant toute la période pré-crise. Ce
climat a conduit l'ensemble des acteurs du système financier à
privilégier le profit au détriment de l'évaluation des
risques. Les établissements bancaires se sont mis à prêter
sur la base de la valeur du bien acheté à crédit
plutôt que sur les revenus des candidats à l'achat, permettant
à des ménages, qui ne remplissaient pas les conditions, de
s'endetter au-delà de leurs capacités. Cette pratique fut
l'étincelle qui mit le feu au système financier mondial et
à l'économie par voie de conséquence. Seconde erreur de
jugement des banques, elles ont développé la pratique de la
titrisation, dont l'objectif affiché était de répartir le
risque de façon homogène dans l'ensemble du système
financier. Quand les prix de l'immobilier ont chuté, les banques ont
cessé de se prêter entre elles sur le marché interbancaire.
Le gel de ces échanges est la conséquence de la titrisation, qui
a eu pour effet néfaste de rendre le risque, lié aux subprimes,
opaque et donc non détectable. Tandis que les prêts risqués
peuvent être associés à l'étincelle, la titrisation
est le kérosène qui a facilité la propagation de la crise
à travers le monde.
Les banques ont donc eu plus qu'une part de
responsabilité dans les évènements survenus, elles en sont
les actrices majeures. Avec la crise de 2008, c'est une facette opaque des
institutions bancaires qui est dévoilé au grand public. La
défiance commence à naître à partir du moment
où l'on prend conscience que les banques ne font pas seulement de
l'intermédiation financière, qui est leur rôle premier,
mais qu'elles spéculent également sans vraiment s'interroger sur
la pérennité même de leur modèle. Les banques
dévoilent alors indirectement, à l'opinion publique, les
coulisses et les failles du monde bancaire.
12
Les années suivantes n'ont pas dérogé et
ont été le théâtre d'une autre crise
économique et de plusieurs scandales bancaires. Bien que la crise de la
dette européenne qui se manifeste en 2010 soit avant tout le fait d'une
gestion chaotique des finances publiques grecques et non directement imputable
aux banques, l'image des banques se retrouve encore une fois
écornée par la prestation de service à 600 millions
d'euros de Goldman Sachs qui a permis au gouvernement grec de maquiller ses
comptes et sa dette publique afin de se conformer aux exigences d'entrée
dans la Zone Euro. Le secteur de la gestion privée n'est pas en reste,
avec l'affaire SwissLeaks révélée en février 2015
concernant HSBC Private Bank ou encore l'affaire UBS AG, qui n'est rien de
moins que le numéro un mondial de la gestion de fortune, qui avait alors
mis en place un vaste système d'évasion fiscale. Plus
récemment encore, l'affaire des Panama Papers a touché certaines
banques françaises. Nous pourrions également citer l'affaire
Kerviel qui participe au climat de défiance envers les banques.
Ce surplus d'informations négatives survenu à
propos des banques en si peu de temps a conforté le portrait d'une
institution sans état d'âme, qui profite des moindres
opportunités pour s'enrichir au détriment de la stabilité
et de l'avenir économique. Les banques sont pourtant des institutions
tentaculaires très différentes les unes des autres, chacune
comprend des activités très diverses et une organisation interne
propre. Il n'est ainsi pas pertinent, après réflexion, d'associer
une banque mutualiste française comme la Caisse d'Epargne à une
banque d'investissement américaine tel que Goldman Sachs. Pourtant, dans
l'imaginaire collectif, la banque est un tout, un ensemble, un bloc : la banque
de réseau est la banque d'investissement, la banque française est
la banque américaine. Ainsi lorsqu'une banque écorne son image,
tous les participants du secteur subissent des répercussions
néfastes.
Sans se fier à une quelconque étude, les effets
des évènements évoqués plus haut sur la confiance
des ménages envers les institutions bancaires sont perceptibles. A ce
titre, l'élection présidentielle est représentative d'un
sondage grandeur nature. Lors de la campagne de 2012, l'un des slogans phares
du futur président fut « mon ennemi, c'est la finance ». Or la
partie émergée du système financier est la banque, et la
finance en soi est un concept trop abstrait, trop large, pour qu'on puisse
être son ennemi. Ainsi, pour beaucoup, cette phrase signifiait, de
façon plus directe et plus concise : « mon ennemi, c'est la banque
».
Mais il existe également des chiffres qui ne trompent
pas, ainsi, d'après un sondage Ifop effectué en 2011, 77% des
français estiment que les banques ont eu un rôle important dans le
déclenchement des différentes crises financières survenues
ces dernières années. Ils n'étaient que de 58% en mars
2009, au lendemain de l'affaire des subprimes. Dans le même sens, la
confiance envers les banques n'est que de 60% et de seulement 34% envers le
système bancaire selon le
13
sondage annuel 2014 du cabinet Deloitte sur « la relation
banques clients ». Plus inquiétant encore pour l'avenir des
professions bancaires, 71% des personnes interrogées estiment que les
leçons de la crise n'ont pas été tirées et que les
comportements bancaires n'ont pas changé. C'est
précisément ce chiffre qui laisse à penser que la
confiance des individus envers le système est brisée, or le
métier de la banque consiste essentiellement à vendre de la
confiance. Personne ne viendrait placer ses économies dans une
institution envers laquelle il n'a aucune confiance.
Ces critiques virulentes ne sont pas formulées qu'en
France puisque, comme le montrent le graphique5 suivant, on les
retrouve exprimées avec une intensité assez similaire dans de
nombreux pays :
Perception du système bancaire par l'opinion publique de
différents
pays
100%
40%
90%
80%
70%
60%
50%
30%
20%
10%
0%
88%
83%
84%
53%
92%
82%
91%
88%
58%
69%
95%
65%
67%
61%
Allemagne Etats-Unis France Italie Pays-bas Royaume-Uni Suisse
le secteur bancaire porte une très lourde
responsabilité dans le déclenchement de la crise
économique et financière
Les banquiers n'ont pas tiré les leçons de la crise
et adopté des comportements moins risqués
Lorsqu'un individu est mécontent d'un service, comme
c'est le cas pour la banque, il se met à rechercher une alternative. La
masse de ces individus constitue alors une base clientèle potentielle
pour d'autres. A titre d'exemple, un ancien cadre d'UBS Wealth
Management6 a expliqué que « si les banques
privées étrangères se sont si bien implantées en
France, c'est parce que les banques françaises offraient un service peu
adapté à ce type de clientèle. L'implantation ne fut pas
possible au Royaume-Uni, dont la demande était déjà
comblée par les acteurs nationaux ». C'est
5 « Les banques face à l'opinion publiques » -
Fondation Jean-Jaurès - 18 décembre 2012
6 Monsieur Jean-François Gramain lors d'un
cours dispensé à l'université Paris-Dauphine
14
précisément dans cet environnement de
défiance généralisée que peuvent émerger des
services plus en phase avec les attentes du client.
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