CONCLUSION :
Ainsi, ce mémoire rédigé dans le cadre de
la validation du Master des Métiers de l'Enseignement, de
l'Éducation et de la Formation visait à comprendre quel est le
rôle de l'enseignant français dans la formation civique des
élèves depuis la IIIème République.
L'histoire de l'éducation, et plus particulièrement de la
création de l'école républicaine de Jules FERRY qui
intervient dans un contexte particulier nous permet de comprendre comment les
enseignants sont formés pour assurer cette mission.
L'étude de l'histoire des Écoles Normales nous a
permis de voir que la formation des enseignants est récente. Si les
philosophes des Lumières réclamaient la mise en place d'une
réelle formation pour les enseignants du primaire dès le
XVIIIème siècle, il a fallu attendre 1808 pour que le
décret de création des Écoles Normales d'instituteurs soit
promulgué. Malgré cela, les Écoles Normales peinent
à se mettre en place et les institutrices en sont exclues. Il a fallu
attendre 1833 et la loi Guizot pour qu'une loi oblige chaque département
à entretenir une École Normale de garçons. À partir
de 1836 cette mesure est étendue aux Écoles Normale
d'institutrices. Malgré ces obligations, la mise en place de ces
infrastructures s'avère difficile. Nombreux sont les départements
qui ne respectent pas cette loi. C'est le cas notamment pour la Marne qui
possède une École Normale de garçons depuis 1838 et qui ne
possède toujours pas d'école pour les institutrices. Ainsi, en
1979, soit plus de quarante ans après les lois GUIZOT, on recense encore
huit départements dépourvus d'Écoles Normales
d'instituteurs et soixante-sept départements dépourvus
d'Écoles Normales d'institutrices. À son arrivée au
Ministère de l'Instruction Publique en 1879, Jules FERRY rend
obligatoire l'ouverture d'une École Normale de garçons et d'une
École Normale de filles dans chaque département dans un
délais de quatre ans. C'est dans ce contexte que naît
l'École Normale d'institutrices de la Marne implantée à
Châlons-sur-Marne.
L'étude des archives de l'École Normale
d'institutrices de Châlons-sur-Marne nous a permis de mieux comprendre
comment l'État s'est servi de la formation des enseignants comme moyen
d'enracinement de la IIIème République. L'exemple de
l'École Normale de la Marne montre comment ces infrastructures
permettaient de forger des enseignants patriotes. Le contenu des cours, de
l'histoire à l'instruction morale et civique en passant par les
conférences pédagogiques était choisi pour éveiller
le sentiment patriote et républicain des futurs enseignants. Cette
formation leur permet ensuite d'assurer la formation civique de leurs
élèves.
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La IIIème République naît en
1870 dans un contexte de guerre et connaît des débuts difficiles.
Ses dirigeants sont donc à la recherche de moyens qui leur permettraient
d'asseoir leur régime politique. La formation des enseignants et plus
largement l'école devient rapidement un outil d'affirmation de la
République. Pour ce faire, une série de lois scolaires est
adoptée entre 1880 et 1905. Jules FERRY rend l'école primaire
obligatoire pour tous les enfants âgés de six à treize ans.
Cette obligation ne pouvait s'opérer que grâce à la
gratuité. Ces mesures s'expliquent par le fait que les membres du
gouvernement considèrent que le manque d'instruction et
d'éducation est à l'origine de la défaite de Sedan face
à l'Armée allemande. De plus, les Républicains souhaitent
affaiblir l'emprise de l'Église sur la société. Les cours
d'instruction civique et morale permettent d'instaurer un catéchisme
républicain qui se substitue au catéchisme religieux. Le
processus de laïcisation de la société s'opère
à partir de 1881 et s'achève en 1905, à la fin de notre
étude, avec la séparation de l'Église et de
l'État.
L'enseignement de l'histoire occupait une place centrale dans
les programmes scolaires de la fin du XIXème siècle.
Il avait pour objectif de former des citoyens patriotes sous la
IIIème République. Les valeurs républicaines
étaient au coeur des leçons d'histoire. La principale valeur
enseignée était la liberté, héritage des
Lumières. La liberté, et notamment la liberté de
pensée, liberté de culte, liberté d'expression sont
présentées comme des moyens d'échapper à l'emprise
de l'Église. Dans les manuels scolaires d'histoire de cette
époque, la France est présentée comme grande, courageuse
et indétrônable. Les instituteurs et institutrices avaient pour
mission de transmettre ces idées, et de sensibiliser leurs
élèves aux valeurs républicaines. Ils ne devaient pas se
contenter de transmettre des connaissances sur la France, mais ils devaient
avant tout faire aimer la France.
L'analyse de la formation des institutrices au sein de
l'École Normale de Châlons-sur-Marne, des finalités et
enjeux de l'enseignement de l'histoire sous la IIIème
République ainsi que des moyens pédagogiques mis à la
disposition du personnel enseignant nous amène à
réfléchir sur nos pratiques sociales, culturelles et
professionnelles. Généralement présentée comme un
idéal, l'école de l'époque de Jules FERRY possède
également des failles souvent passées sous silence. Les
recherches aux archives départementales montrent notamment les
faiblesses de la formation didactique prodiguée aux
élèves-maîtresses. En effet, peu de cours leur sont
donnés pour faire face aux problèmes de gestion des
élèves, pour préparer les cours... Cette étude nous
amène également à nous interroger sur la place de
l'histoire dans les programmes depuis la IIIème
République. Nous avons vu que les Républicains contemporains de
Jules FERRY accordaient une place importante à
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l'histoire, et que depuis plusieurs années, sa place au
sein des programmes ne cesse de diminuer. Cela va en contraction avec la
volonté de renouer avec l'attachement républicain et les valeurs
républicaines prônée par le Ministère de
l'Éducation Nationale.
Ce mémoire m'a également permis de
réfléchir sur mes pratiques professionnelles en tant que
professeure d'histoire-géographie. Tout d'abord, il m'a permis de mieux
comprendre comprendre l'évolution des enjeux et finalités de
l'enseignement de l'histoire. Sous la IIIème
République, l'enseignement des valeurs républicaines et de
l'histoire servait à renforcer l'amour de la patrie, le
dévouement du peuple et également l'esprit de revanche.
Aujourd'hui, l'enseignement des valeurs républicaines passe
essentiellement par l'apprentissage de la laïcité. Les valeurs sont
enseignées pour souder la Nation, pour contribuer à la formation
civique des élèves et surtout pour développer leur esprit
critique.
Ensuite, ce mémoire m'a également permis de
réfléchir sur les méthodes pédagogiques
utilisées par les les enseignants d'histoire pour assurer leurs cours et
susciter l'intérêt de leurs élèves. Les travaux
menés par des didacticiens m'ont donné de nouvelles idées
pour le déroulé de mes cours. Je retiendrai notamment
l'idée d' Alexandre BERTHON-DUMURGIER et de ses « ateliers
d'apprentis ». Il conçoit les séances de cours comme des
ateliers dans lesquels les élèves jouent le rôle
d'apprentis et participent pleinement à la construction de leurs
apprentissages. Cette technique permet de rendre les élèves
pleinement acteurs et permet ainsi de pallier à leur passivité et
désintéressement ponctuels. Ce mémoire m'a
également permis de m'interroger sur la construction des programmes et
manuels scolaires. Tout au long de mes recherches, j'ai eu accès
à des documents extraits de manuels scolaires et à des sources
qui pourront m'être utiles dans la construction de mes prochaines
séquences. Certains documents iconographiques m'ont permis de me rendre
compte qu'il était parfois plus simple d'enseigner certaines valeurs
abstraites pour les élèves, comme la laïcité, en
ayant recours à des images.
Enfin, ce mémoire m'a permis de prendre goût au
travail mené à partir de sources trouvées dans les
archives. Ce mémoire, venant clore mon cursus scolaire, m'a offert la
possibilité de vivre, l'espace de quelques mois, le travail
d'enquêteur mené par les historiens. Il me donne envie de
continuer les investigations à titre personnel et professionnel au sein
des archives. J'envisage à l'avenir de consulter davantage les archives
et d'utiliser certaines sources en classe afin de rendre certaines
études plus concrètes pour les élèves.
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