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La cour pénale internationale et les juridictions internes des états

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par Serges NDEDOUM
Université de Dschang - Master 2014
  

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Section 2 : Le contenu de la priorité

Pour l'essentiel, il s'agira ici des obligations d'extrader ou de poursuivre (Paragraphe1) et de coopérer (Paragraphe2).

Paragraphe1 - L'obligation d'extradition ou de poursuite

Lorsqu'un crime grave menaçant la paix internationale est commis, l'État qui détient les suspects est bien en droit de les juger au nom de l'ensemble de tout la Communauté Internationale, d'après la compétence universelle qui lui est reconnue, car ce dernier est souverain. Cependant, pour ne pas laisser ces crimes impunis, les États ont une obligation soit de juger les auteurs du crime, soit de les extrader s'ils n'en sont pas capable. Ceci d'après le principe Aut dedere, Aut judicare. L'obligation pour les États d'extrader ou de poursuivre a connu une émergence (A) en droit international dans son exercice (B).

A- L'émergence de l'obligation d'extrader ou de poursuivre en droit international

La règle aut dedere aut judicaresera étudiée d'après les différents types de traités relatifs à l'obligation d'extrader ou de poursuivre (1) et en vertu du droit international général (2).

1- La maxime aut dedere aut judicare et les différents traités internationaux relatifs à l'obligation d'extrader ou de poursuivre

La maxime aut dedere aut judicare (extrader ou poursuivre), est une adaptation moderne de la maxime aut dedere aut punire (extrader ou punir), expression utilisée par Hugo GROOT, connu sous le nom de Grotius dans son ouvrage «De jure Belli ac Pacis». Selon Grotius, il existe une obligation générale d'extrader ou de punir à l'égard de toutes les infractions pour lesquelles un État est particulièrement lésé. L'État lésé a un droit naturel d'imposer une punition par lui-même contre le coupable. Néanmoins, selon la maxime aut dedere aut punire, l'État dans lequel l'auteur d'un crime cherche à se réfugier peut aussi imposer une punition. Ledit État peut aussi livrer un coupable à l'État qui est touché par le crime. Donc, il existe toujours une obligation alternative76(*). Bien que la maxime aut dedere aut punire soit toujours considérée comme une référence pour la maxime aut dedere aut judicare, il faut savoir qu'il y a des différences entre les deux maximes. La première, c'est que selon Grotius, la règle autdedere aut punire s'applique seulement dans les cas où le suspect a déjà été déterminé coupable77(*). Tandis que la règle aut dedere aut judicare, s'applique seulement dans les cas où il y a un crime et un suspect. La seconde différence c'est que selon Grotius, la maxime aut dedere aut punire pourrait être utilisée pour toutes les infractions, tandis que ce n'est pas le cas dans le cadre de l'obligation aut dedere aut judicare78(*). La troisième différence entre les deux maximes, c'est que la règle aut dedere aut judicare est une obligation de juger et de poursuivre, et n'est pas une obligation de punir79(*).

On peut estimer qu'il existe quatre groupes de traités englobant l'obligation d'extrader ou de poursuivre. Le premier, comporte les traités d'extradition qui ne portent pas forcément sur les crimes de droit international. La non-extradition des ressortissants vers un autre État pour être jugés est la raison principale pour conclure ces traités. Le deuxième englobe le traité qui suit le langage de la Convention pour la répression du faux monnayage de 1929. Selon cette Convention, si un État refuse d'extrader une personne vers un autre État, il n'est pas obligé de la traduire en justice. Autrement dit, juger des suspects dépend de la loi interne régissant la compétence extraterritoriale de l'État. L'idée derrière cette logique, c'est que chaque État a une vision différente par rapport aux crimes commis à l'extérieur de leur territoire. À titre d'exemple, on pourrait citer la formule utilisée dans la Convention pour la Prévention et la Répression du terrorisme de 1937 et la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui de 1949. Le troisième type de traité qui contient l'obligation aut dedere aut judicare, est basée sur la formule utilisée dans la Convention de la Haye de 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs. D'après la formule utilisée dans cette Convention, si le suspect se trouvant sur le territoire d'un État n'est pas extradé vers un autre État voulant appliquer sa compétence, l'État territorial refusant d'extrader est obligé de traduire en justice le suspect devant sa juridiction interne. Dans ce contexte, selon l'article 7 de la Convention de la Haye de 1970: «L'État contractant sur le territoire duquel l'auteur présumé de l'infraction est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, sans aucune exception et que l'infraction ait ou non été commise sur son territoire, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. Ces autorités prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de caractère grave conformément aux lois de cet État»80(*). On peut aussi estimer que la formule utilisée dans le cadre des Conventions de Genève de 1949 concernant le droit des conflits armés et le droit international humanitaire, peut être considérée comme quatrième modèle de traité obligeant les États à appliquer la règle aut dedere aut judicare81(*). A cet effet, les Conventions de Genève de 1949 comportent une obligation soit de traduire en justice le suspect, soit de l'extrader82(*).

2- L'application de la règle aut dedere aut judicare en vertu du droit international général

Bien qu'il existe un Accord à peu près général sur le fait que les dispositions conventionnelles pertinentes sont actuellement considérées comme une source incontestable de l'obligation d'extrader ou de poursuivre, une partie de la jurisprudence soutient l'origine coutumière de cette obligation. À cet égard, le juge Weeramantry dans son opinion dissidente sur les questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie en 1992, par rapport au caractère coutumier de l'obligation aut dedere aut judicare souligne qu': «Un autre aspect de la convention de Montréal est qu'elle ne porte pas atteinte au principe de droit international coutumier aut dedere aut judicare ». Le caractère bien établi de ce principe en droit international coutumier ressort clairement de l'exposé suivant: «L'emploi très répandu de la formule «poursuivre ou extrader», qu'elle figure expressément dans le texte, qu'elle soit exprimée par l'obligation d'extrader, ou qu'elle soit sous-entendue dans l'obligation d'exercer des poursuites ou de qualifier l'acte d'infraction, ainsi que le nombre des signataires de ces nombreuses conventions, attestent de l'existence de ce principe général du jus cogens»83(*). Le juge El-Kosheri en se référant à la règle aut dedere aut judicare de la Convention de 197184(*) confirme que: «La règle en question implique nécessairement confirmation du principe profondément enraciné du droit international général...»85(*). Selon le juge Bedjaoui aussi, l'obligation des États par rapport à la Convention de Montréal de 1971: «impose impérativement à tout État partie à la Convention soit d'extrader, soit de faire poursuivre par ses tribunaux les auteurs présumés de l'infraction, conformément à l'option traditionnellement ouverte par la maxime aut dedere aut judicare»86(*). Dans le cadre de la jurisprudence interne, on peut constater des cas dans lesquels la nature coutumière de l'obligation d'extrader ou de poursuivre est confirmée à l'égard des crimes de jus cogens. À titre d'exemple, en 2008, le juge d'instruction Santiago Pedraz, en charge de l'affaire Rios Montt à Madrid, après avoir reçu la réponse négative des autorités guatémaltèques d'extrader vers l'Espagne l'ancien Président Rios Montt pour génocide et crime contre l'humanité, dans ses observations juridiques, confirma la nature coutumière de l'obligation aut dedere aut judicare à l'égard de toutes les infractions aux normes impératives du droit international. La juridiction espagnole affirme ainsi: «...l'obligation internationale erga omnes (opposable à tous) aut dedere aut judicare (d'extrader ou de poursuivre), qui est reconnue par la doctrine la plus autorisée depuis qu'elle a été établie par Grotius au XVIIe siècle et qui aujourd'hui fait partie des règles du droit international et du droit pénal international, tant coutumières que conventionnelles»87(*).

B- L'importance d'exercer la maxime aut dedere aut judicare

Le sujet « l'obligation d'extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare) en droit international », semble répondre à un réel besoin des États de développement progressif et de codification du droit international. Le développement d'une pratique, en particulier ces dernières décennies, consistant pour les États à inclure «  l'obligation » en question dans de nombreux traités internationaux et l'appliquer dans leurs relations mutuelles, soulève la question d'une entente commune dans la mise en oeuvre de cette « obligation ». Comme déjà souligner, l'obligation d'extrader ou de poursuivre, n'est pas uniquement fondée sur les traités, mais également sur les normes coutumières. Pour cette raison, elle mérite d'être objet de préoccupation de l'ensemble de la communauté internationale.

Le sujet semble être suffisamment mûr pour se prêter à une codification et à un développement progressif, en particulier à la lumière de la pratique des États telle qu'elle se développe, ainsi que de sa place croissante dans les activités des tribunaux et dans la doctrine. Le développement et l'identification juridique des éléments de l'obligation d'extrader ou de poursuivre semblent être dans l'intérêt des États, en ce qu'elle constitue l'un des principaux facteurs susceptibles de rendre leur coopération en matière pénale plus efficace. Bien que l'obligation d'extrader ou de poursuivre semble, à première vue, des plus classiques, il convient de ne pas se laisser abuser par sa formulation latine ancienne. L'obligation elle-même ne peut être traitée uniquement comme un sujet classique. Son évolution, l'époque de Grotius aux périodes les plus récentes, et son développement en tant qu'instrument de lutte contre les menaces croissantes que font peser les infractions criminelles sur les États et les individus, conduisent aisément à conclure que cette obligation à côté de celle de coopérer traduit bien les tendances nouvelles du droit international et des préoccupations urgentes de la Communauté Internationale.

* 76 Bassiouni, (M.) Cherif & Wise, Edward (M), Aut Dedere Aut Judicare: The Duty to Extradite or Prosecute in International Law, Martinus Nijhoff Publishers, 1995, pp.3-5.

* 77 Ibid., p.40.

* 78 Ibid., p.5.

* 79 La maxime aut dedere aut judicare «correspond mieux au sens contemporain car, à strictement parler, elle n'implique pas l'obligation de «punir» mais plutôt celle de juger, ou même simplement de «prendre des mesures de poursuite» ». A/CN.4/571, Rapport préliminaire sur l'obligation d'extrader ou de poursuivre (« aut dedere aut judicare ») M. Zdzislaw Galicki, Rapporteur spécial, 12 juillet 2006.

* 80 Convention de la Haye pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, 16 décembre 1970.

* 81 Bassiouni, M. Cherif & Wise M. Edward, Op. cit, p.15.

* 82 L'article 49, Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, le 12 août 1949; L'article 50, Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, le 12 août 1949 ; L'article 129, Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, le 12 août 1949; L'article 146, Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, le 12 août 1949. Voir aussi: L'article 85 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, le 8 juin 1977.

* 83 Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. États-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, Ordonnance du 14 avril C.I.J, Recueil 1992, Opinion dissidente de M. Weeramantry, p. 179.

* 84 Selon l'article 7 de cette Convention: «L'État contractant sur le territoire duquel l'auteur présumé de l'une des infractions est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, sans aucune exception et que l'infraction ait ou non été commise sur son territoire, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. Ces autorités prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de caractère grave conformément aux lois de cet État». Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, signée à Montréal le 23 septembre 1971.

* 85 Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie, op.cit., Opinion dissidente de M. El-Kosheri, p. 214.

* 86 Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie, op.cit., Opinion dissidente de M. Bedjaoui, p.148

* 87 International Law Commission: The obligation to extradite or proscute «aut dedere aut judicare», Par Amnesty International, 3 février 2009, N° d'index: IOR 40/001/2009, disponible sur : https://www.amnesty.org/fr/documents/IOR40/001/2009/en/, (dernière consultation le 29 juillet 2015); Voir aussi: Audiencia Nacional, Juzgado Central de Instrucción Uno, D. Previas 331/1999 of 16 January 2008, Judge Santiago Pedraz, consideran do quinto.

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