La cour pénale internationale et les juridictions internes des états( Télécharger le fichier original )par Serges NDEDOUM Université de Dschang - Master 2014 |
Section 2 : Le contenu de la prioritéPour l'essentiel, il s'agira ici des obligations d'extrader ou de poursuivre (Paragraphe1) et de coopérer (Paragraphe2). Paragraphe1 - L'obligation d'extradition ou de poursuiteLorsqu'un crime grave menaçant la paix internationale est commis, l'État qui détient les suspects est bien en droit de les juger au nom de l'ensemble de tout la Communauté Internationale, d'après la compétence universelle qui lui est reconnue, car ce dernier est souverain. Cependant, pour ne pas laisser ces crimes impunis, les États ont une obligation soit de juger les auteurs du crime, soit de les extrader s'ils n'en sont pas capable. Ceci d'après le principe Aut dedere, Aut judicare. L'obligation pour les États d'extrader ou de poursuivre a connu une émergence (A) en droit international dans son exercice (B).
La règle aut dedere aut judicaresera étudiée d'après les différents types de traités relatifs à l'obligation d'extrader ou de poursuivre (1) et en vertu du droit international général (2).
Bien qu'il existe un Accord à peu près général sur le fait que les dispositions conventionnelles pertinentes sont actuellement considérées comme une source incontestable de l'obligation d'extrader ou de poursuivre, une partie de la jurisprudence soutient l'origine coutumière de cette obligation. À cet égard, le juge Weeramantry dans son opinion dissidente sur les questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie en 1992, par rapport au caractère coutumier de l'obligation aut dedere aut judicare souligne qu': «Un autre aspect de la convention de Montréal est qu'elle ne porte pas atteinte au principe de droit international coutumier aut dedere aut judicare ». Le caractère bien établi de ce principe en droit international coutumier ressort clairement de l'exposé suivant: «L'emploi très répandu de la formule «poursuivre ou extrader», qu'elle figure expressément dans le texte, qu'elle soit exprimée par l'obligation d'extrader, ou qu'elle soit sous-entendue dans l'obligation d'exercer des poursuites ou de qualifier l'acte d'infraction, ainsi que le nombre des signataires de ces nombreuses conventions, attestent de l'existence de ce principe général du jus cogens»83(*). Le juge El-Kosheri en se référant à la règle aut dedere aut judicare de la Convention de 197184(*) confirme que: «La règle en question implique nécessairement confirmation du principe profondément enraciné du droit international général...»85(*). Selon le juge Bedjaoui aussi, l'obligation des États par rapport à la Convention de Montréal de 1971: «impose impérativement à tout État partie à la Convention soit d'extrader, soit de faire poursuivre par ses tribunaux les auteurs présumés de l'infraction, conformément à l'option traditionnellement ouverte par la maxime aut dedere aut judicare»86(*). Dans le cadre de la jurisprudence interne, on peut constater des cas dans lesquels la nature coutumière de l'obligation d'extrader ou de poursuivre est confirmée à l'égard des crimes de jus cogens. À titre d'exemple, en 2008, le juge d'instruction Santiago Pedraz, en charge de l'affaire Rios Montt à Madrid, après avoir reçu la réponse négative des autorités guatémaltèques d'extrader vers l'Espagne l'ancien Président Rios Montt pour génocide et crime contre l'humanité, dans ses observations juridiques, confirma la nature coutumière de l'obligation aut dedere aut judicare à l'égard de toutes les infractions aux normes impératives du droit international. La juridiction espagnole affirme ainsi: «...l'obligation internationale erga omnes (opposable à tous) aut dedere aut judicare (d'extrader ou de poursuivre), qui est reconnue par la doctrine la plus autorisée depuis qu'elle a été établie par Grotius au XVIIe siècle et qui aujourd'hui fait partie des règles du droit international et du droit pénal international, tant coutumières que conventionnelles»87(*).
Le sujet « l'obligation d'extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare) en droit international », semble répondre à un réel besoin des États de développement progressif et de codification du droit international. Le développement d'une pratique, en particulier ces dernières décennies, consistant pour les États à inclure « l'obligation » en question dans de nombreux traités internationaux et l'appliquer dans leurs relations mutuelles, soulève la question d'une entente commune dans la mise en oeuvre de cette « obligation ». Comme déjà souligner, l'obligation d'extrader ou de poursuivre, n'est pas uniquement fondée sur les traités, mais également sur les normes coutumières. Pour cette raison, elle mérite d'être objet de préoccupation de l'ensemble de la communauté internationale. Le sujet semble être suffisamment mûr pour se prêter à une codification et à un développement progressif, en particulier à la lumière de la pratique des États telle qu'elle se développe, ainsi que de sa place croissante dans les activités des tribunaux et dans la doctrine. Le développement et l'identification juridique des éléments de l'obligation d'extrader ou de poursuivre semblent être dans l'intérêt des États, en ce qu'elle constitue l'un des principaux facteurs susceptibles de rendre leur coopération en matière pénale plus efficace. Bien que l'obligation d'extrader ou de poursuivre semble, à première vue, des plus classiques, il convient de ne pas se laisser abuser par sa formulation latine ancienne. L'obligation elle-même ne peut être traitée uniquement comme un sujet classique. Son évolution, l'époque de Grotius aux périodes les plus récentes, et son développement en tant qu'instrument de lutte contre les menaces croissantes que font peser les infractions criminelles sur les États et les individus, conduisent aisément à conclure que cette obligation à côté de celle de coopérer traduit bien les tendances nouvelles du droit international et des préoccupations urgentes de la Communauté Internationale.
* 83 Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. États-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, Ordonnance du 14 avril C.I.J, Recueil 1992, Opinion dissidente de M. Weeramantry, p. 179. * 84 Selon l'article 7 de cette Convention: «L'État contractant sur le territoire duquel l'auteur présumé de l'une des infractions est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, sans aucune exception et que l'infraction ait ou non été commise sur son territoire, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. Ces autorités prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de caractère grave conformément aux lois de cet État». Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, signée à Montréal le 23 septembre 1971. * 85 Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie, op.cit., Opinion dissidente de M. El-Kosheri, p. 214. * 86 Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie, op.cit., Opinion dissidente de M. Bedjaoui, p.148 * 87 International Law Commission: The obligation to extradite or proscute «aut dedere aut judicare», Par Amnesty International, 3 février 2009, N° d'index: IOR 40/001/2009, disponible sur : https://www.amnesty.org/fr/documents/IOR40/001/2009/en/, (dernière consultation le 29 juillet 2015); Voir aussi: Audiencia Nacional, Juzgado Central de Instrucción Uno, D. Previas 331/1999 of 16 January 2008, Judge Santiago Pedraz, consideran do quinto. |
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