La motivation du personnel au secteur touristique( Télécharger le fichier original )par Youssef FTAIMI - filière de gestion des entreprises 2016 |
II- Emploi, formation et besoins en compétences : les enjeux de la professionnalisationTableau 2. Ventilation des emplois transverses 7(*)par fonction dans tout le secteur (hôtellerie et tourisme)
Source : tableau confectionné par nos soins à partir des données de l'étude du schéma directeur de la formation professionnelle (ministère du tourisme 1995). La faible part des postes de directeurs des ressources humaines démontre le peu d'intérêt accordé au facteur humain. Et de fait, quand la fonction « ressources humaines » existe, elle reste ambiguë dans ses attributions et ses objectifs. Parallèlement. Le nombre de chefs du personnel dénote l'étroitesse de l'optique et du cadre d'exercice de cette fonction dont le contenu est exclusivement administratif et juridique. Les préoccupations prioritaires des chefs du personnel se limitent à l'ordre, la discipline et les affaires administratives. Souvent, la paie, et donc la maîtrise des coûts du travail ainsi que l'embauche, sont respectivement du ressort des chefs des départements financiers et du directeur de l'établissement. Le tableau ci-après met en évidence l'optique de la gestion du facteur humain prédominant dans le secteur, ainsi que le désintérêt concernant la gestion des ressources humaines. Tableau 3.Quelques éléments de l'optique dominant la gestion du personnel
L'insuffisance de ce genre d'emplois et de fonctions fondamentales dans le processus d'adaptation et de réaction de l'entreprise face aux mutations de l'environnement et aux exigences du marché est intimement liée à la nature de l'organisation de l'entreprise hôtelière et à la faible pénétration des méthodes modernes de gestion. Les principaux obstacles à la capitalisation des compétences La situation de l'emploi dans le secteur hôtelier ne s'est guère améliorée depuis les années 80, et ce malgré les efforts de l'Etat en matière de développement du système de formation. Cette situation témoigne, d'un côté, d'une déperdition inquiétante qui se traduit par un gaspillage de potentiels et de ressources : la part des lauréats dans l'emploi total ne représente que 10%, contre 23% en 1989. D'un autre côté, elle met en exergue le sous-encadrement, à la fois quantitatif et qualitatif, des entreprises hôtelières, de même que l'hypertrophie du personnel sans qualification. L'analyse de cette situation permet, enfin, d'avancer que le fonctionnement de l'hôtellerie marocaine se base en réalité sur une main-oeuvre à faible technicité, ce qui a pour corollaire un processus de maintien de structures de faible qualification. Il est intéressant de relever que sous l'effet du développement des chaînes hôtelières (industrialisation du secteur), de l'internationalisation croissante du phénomène de concentration économique et financière sous diverses formes, et d'une technicité accrue en matière de management, les spécialistes ont été amenés à émettre une hypothèse prévoyant que l'évolution de l'hôtellerie entrainerait un changement dans la structure de l'emploi dans ce secteur et une modification du profil des personnels hôteliers. Ainsi de par les exigences de qualifications croissantes liées à la recherche de qualité. Au souci de l'amélioration de la compétitivité et de la productivité. L'hôtellerie ferait de plus appel à une main-d'oeuvre qualifiée capable de s'adapter aux nouvelles technologies introduites dans le fonctionnement du système productif de l'entreprise hôtelière, et aux motivations changeantes de la clientèle. Ceci se traduirait par une réduction de la main-d'oeuvre de base (sans qualification) et par une meilleure répartition des effectifs au niveau des autres qualifications. Pour faire face à ces nouvelles données, les entreprises touristiques tendraient à fidéliser le noyau dur que constitue la main-d'oeuvre permanente et qualifiée, et à recourir à la flexibilité qualitative (fonctionnelle) pour s'adapter aux fluctuations de l'activité touristique et hôtelière, tout en développant la polyvalence de leurs salariés permanents. Quant à la main-d'oeuvre sans qualification, elle serait soumise à la flexibilité quantitative telle que la flexibilité externe qui permet à l'entreprise de ne pas renouveler les contrats à durée déterminée (ce qui est moins coûteux, car ceux-ci ne donnent pas droit à des indemnités de licenciement), et à la flexibilité par externalisation en faisant appel aux agences d'intérim, ou à la sous-traitance pour la réalisation de taches « annexes » (telles que la lingerie) afin de se recentrer sur son activité principale. Cependant, force est de constater que l'évolution de l'hôtellerie marocaine n'a pas permi un relèvement des qualifications, ni même d'éponger le déficit structurel souligné plus loin (qualification). Ce dernier s'est plutôt creusé, et ce malgré les efforts de l'Etat, depuis les années 1960, en matière de formation professionnelle et de formation des cadres. Ce désencadrement est lié, en partie, aux départs à l'étranger et à l'abandon pur et simple de la profession par les jeunes cadres et techniciens au profit d'autres secteurs. Les causes de ces phénomènes et leurs incidences sur la productivité et la compétitivité du secteur restent difficiles à cerner et à apprécier en l'absence d'une analyse des coûts générés par la rotation du personnel. Néanmoins, à l'occasion d'une enquête personnelle, nous avons relevé un ensemble de raisons susceptibles d'expliquer les nombreux abandons de la profession8(*), que nous présentons ci-dessus. A. Des salaires peu attractifs :Les bas salaires constituent l'une des causes du découragement et du départ des jeunes cadres et techniciens. La rémunération qui leur est proposée ne permet pas d'inciter le personnel qualifié à faire carrière dans les entreprises hôtelières. Au contraire, attirés par des perspectives de gains plus élevés et des possibilités de perfectionnement plus attrayantes, les jeunes cadres et techniciens préfèrent quitter le pays ou se reconvertir dans d'autres secteurs tels que la banque ou les assurances. Pour les lauréats de l'ISIT.Ainsi donc, l'abandon de la profession et la reconversion professionnelle sont, dans la plupart des cas, le résultat d'une distorsion entre les attentes des jeunes salariés et les réalités d'un secteur (niveau d'emploi ne correspondant pas à la qualification, rémunérations modestes. Perspectives de carrière relativement peu valorisantes, conditions de travail ingrates, modèle de gestion désuet...) où la pression sur la masse salariale est la seule composante d'une politique de gestion encore artisanale. A ce sujet, l'étude de la stratégie d'aménagement touristique relève que « la rémunération moyenne constatée dans les hôtels visités représente un salaire mensuel moyen par collaborateur de 2000 à 3500 DH, ce qui peut être considéré comme modeste si l'on admet que bon nombre de collaborateurs sont rémunérés au SMIG voire même en-dessous du seuil légal »9(*) conjugué à l'hypertrophie de la main-d'oeuvre sans qualification, ce phénomène érode la motivation professionnelle, pénalisant la qualité des prestations de service et, par ricochet, la productivité des établissements hôteliers. L'un des arguments avancés pour justifier la politique des bas salaires dans ce secteur repose sur l'impératif de compétitivité, où ce n'est pas l'unique variable déterminante dans le processus de compétitivité ainsi que les différents déterminants de la compétitivité hors-prix qui permettraient au secteur de conquérir des parts de marché et d'affronter la concurrence. Au lieu de privilégier la compétitivité-prix en négligeant la compétitivité structurelle (ce qui est dangereux pour le devenir du secteur), il faudrait plutôt focaliser les efforts sur les causes de la faiblesse de la productivité du travail dans le secteur. Ces causes tiennent à la mauvaise qualité des ressources humaines - due à la déficience des qualifications et des compétences des salariés, et au caractère artisanal de l'organisation et de la gestion des entreprises du secteur. Il importe de signaler aussi que dans l'esprit des employeurs hôteliers, la main-d'oeuvre sans qualification, formée sur le tas, présente une série d'avantages, elle est docile, facile à licencier, peut tout faire, accepte la précarité des conditions de travail de l'hôtellerie... seulement, ce que les professionnels ne prennent pas en considération, ce sont les coûts cachés que peut générer l'utilisation d'une main-d'oeuvre sans qualification, à savoir les erreurs à répétition, la mauvaise qualité du travail, les difficultés d'adaptation à leurs emplois, le gaspillage des matières, la méconnaissance des styles de vie des touristes et des techniques de communication et d'accueil, et la non-résolution des problèmes découlant des réclamations des clients. Dans ce cadre, toujours, si l'on admet comme dépassé le mythe de l'école qui place sur le marché du travail des jeunes formés et prêts à l'emploi, il n'en reste pas moins que le diplôme demeure le signe d'un potentiel. Lorsque ce potentiel est investi dans un projet professionnel personnel maîtrisé, il permet la connaissance théorique et un rapport aisé aux nouveaux outils ; l'itinéraire professionnel individuel, tout en restant à compléter par l'expérience. En outre, il est essentiel de noter que la compression des salaires, comme composante de la gestion des rémunérations, est devenue obsolète au regard de l'évolution de la technologie hôtelière et de l'organisation du travail. En effet. Pour mieux gérer les rémunérations, il est possible aujourd'hui de réaliser un gain sur la partie variable des charges de personnel (et donc une diminution de la main-d'oeuvre s'y référant) grâce : - Aux nouveaux plans d'aménagement des installations hôtelières (construction adaptée à l'organisation du travail), permettant une meilleure circulation du personnel ; - A la possibilité qu'offre le marché externe du travail (marché secondaire), d'externaliser certaines activités hôtelières demeurant un personnel peu qualifié ou sans qualification. Le gain que peuvent générer ces deux facteurs permettra aux entreprises hôtelières de se recentrer sur leur métier principal et de sous-traiter des secteurs d'activité tels que la lingerie, les tâches de l'étage et le nettoyage. Les entreprises peuvent même étendre la variabilité de la main-d'oeuvre à certains postes de travail qui, quoique fixes, dépendent du volume d'activité ou de la charge du travail, tels que certains emplois dans le service de la restauration et de l'entretien, et ce pour ne garder qu'un effectif moyen nécessaire au fonctionnement de l'entreprise quelle que soit la variation des affaires. Par conséquent cette extension de la « variabilité » des charges du personnel accorde aux entreprises la latitude de : - Diminuer les charges du personnel et de focaliser l'attention sur le noyau dur de leurs employés pour les former, les fidéliser et les stabiliser ; - De mieux rémunérer, de mobiliser et d'impliquer les ressources humaines dans les objectifs de leur organisation. Tout l'art du management tient dans la gestion du clivage entre l'utilisation d'une main-d'oeuvre permanente (marché du travail primaire) et d'une main d'oeuvre sous-traitée et/ou temporaire (marché du travail secondaire). En outre, si la détermination de la structure des rémunérations doit reposer sur le principe de la rationalité budgétaire de l'entreprise, elle doit aussi tenir compte, à la fois, de la compétitivité externe (compte tenu d'un état du marché du travail pour chaque type de qualification) et du principe d'équité, pour ne pas se voir confrontée à deux dysfonctionnements essentiels graves : la difficulté de fidéliser ses salariés et celle d'effectuer des ultérieurs. Le cas de l'hôtellerie est à ce sujet édifiant. Par ailleurs, la structure des rémunérations individuelles a tendance à se baser sur des critères plus rationnels et plus objectifs, tels que le niveau des postes, la performance, l'expérience, le savoir-faire et le savoir-être, données primordiales dans les métiers du tourisme et de l'hôtellerie. Ces critères portent autant sur les qualités humaines et personnelles (qualité des relations interpersonnelles, motivation, aptitude à la communication. Capacité d'encadrement...) que sur les qualités professionnelles et techniques (créativité, compétences, résultat, sens de l'organisation...) a cet égard, force est de relever l'absence de procédures objectives et rationnelles qui, seules, permettent de piloter le système de rémunération et, partant, le système d'appréciation des performances du personnel dans les unités hôtelières. Une enquête sur la gestion de l'emploi dans l'hôtellerie marocaine relève que sur les 64 entreprises hôtelières de 4 et de 5 étoiles ayant répondu à notre questionnaire, quatre unités à peine (dont 3 gérées par des chaînes étrangères) gérant l'emploi et les compétences à partir d'outils tels que le référentiel, la nomenclature et les compétences et le profil des emplois, ou un système d'appréciation du personnel. Cette lacune porte préjudice au pilotage des ressources humaines et à leurs compétences. Nous considérons que l'une des actions à réaliser pour une mise à niveau des ressources humaines consiste à doter les entreprises hôtelières de procédures et d'outils à même de les aider à rationaliser leurs méthodes de gestion du facteur humain. En effet, la procédure d'évaluation et de classification des emplois est un outil fondamental qui permet non seulement de déterminer la hiérarchisation des salaires en rapport avec l'importance et la hiérarchie des postes de travail dans la structure (et donc de gérer efficacement les rémunérations), en fonction de la contribution de chaque collaborateur dans la réalisation des objectifs de l'entreprise, mais aussi de gérer efficacement les carrières du personnel et de prévoir les besoins en matière de recrutement, de formation et de compétences. En conséquence, cette procédure remplit plusieurs fonctions dont l'importance varie selon les entreprises. Ces fonctions peuvent être résumées dans le tableau suivant : Tableau 4. Fonction du système d'évaluation des emplois
Source : M. Darbelet et J.M. Laugine, Economie d'entreprise, Editions Foucher, Paris 1988, p.410 Il serait utile de doter l'entreprise hôtelière d'une procédure d'évaluation des emplois en matière de gestion des rémunérations, afin de hiérarchiser les postes de travail en fonction de critères tels que l'importance de leurs finalités (c'est-à-dire de l'étendue et de l'impact des résultats attendus de leur fonctionnement) et des aptitudes nécessaires pour les occuper. On arrive ainsi à faire correspondre un niveau de rémunération à chaque type de poste, dans le respect de la hiérarchie des postes établies. Il existe pour ce faire des approches plus ou moins complexes, et qui différent par les critères qu'elles retiennent, tout comme par la pondération qu'elles attribuent à chacun de ces critères. Les plus connues sont présentées dans le tableau ci-après : Tableau 5 : Méthodes d'évaluation des postes de travail
Source : M. Darbelet et J.M. Laugine : Economie d'entreprise, op. cit. La méthode Hay Metra de cotation Cette approche souvent utilisé pour les postes d'encadrement fait appel à l'estimation de trois facteurs : 1- La compétence : définie comme la somme globale de toutes les qualités et connaissances (quel que soit leur mode d'acquisition) nécessaires pour occuper un poste d'une façon satisfaisante. Elle comporte trois aspects : - Les connaissances nécessaires dans les domaines des méthodes pratiques de travail, des techniques spécialisées et des disciplines scientifiques ; - La capacité de direction nécessaire pour intégrer et coordonner les activités soumises à l'autorité hiérarchique ou fonctionnelle du poste ; - Les aptitudes nécessaires en matière de relations humaines, pour motiver autrui. La compétence est appréciée par trois critères : connaissance, capacités de direction, aptitude aux relations humaines. Ces critères sont valorisés pour chaque poste suivant une échelle progressive : par exemple, la connaissance est classé en élémentaire, professionnelle élémentaire, professionnelle..., jusqu'à technique ou spécialisée supérieure. 2- L'initiative créatrice est le degré d'initiative et de réflexion originale que nécessite le poste pour analyser, évaluer, créer, raisonner, aboutir à des conclusions et les exprimer. L'initiative créatrice comporte deux aspects : - Le cadre dans lequel se place la réflexion ; - La nature des problèmes à résoudre. Elle est appréciée à travers deux critères : le cadre dans lequel se place la réflexion et la nature des problèmes à résoudre, ceux-ci sont valorisée, pour un poste donné, à travers des échelles d'appréciation ; par exemple l'initiative créatrice est classée en : routine stricte, routine, normalisée, clairement, définie, largement définie, définie généralement. 3- La finalité est la responsabilité d'une action et de ses conséquences, c'est l'effet mesurable du poste sur les résultats finaux. Elle possède trois dimensions : - Liberté d'action ; - Ampleur du champ d'action (budget sur lequel le poste exerce clairement une influence) ; - Impact plus ou moins direct du poste sur le champ d'action. Elle est appréciée sur la base de trois critères : liberté d'action, ampleur du champ d'action, impact plus ou moins direct du poste sur son champ d'action. Là encore chacun des critères est valorisant pour un poste déterminé suivant une échelle très précisément définie. A. Martory et D. Crazet, Gestion des ressources humaines, Nathan, Paris 1988. * 7 Fait d'être organiser de façon non hiérarchisée * 8 - Enquête réalisée entre, janvier et juin 1996, auprès d'un échantillon représentant les étudiants de trois promotions de l'ISIT (1989-1991, 1990-1993,1992-1994), questionnés sur leur insertion professionnelle. * 9 - Urbaplan, Etude de stratégie d'aménagement touristique, op, cit |
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