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Analyse didactique des effets d'un enseignement valorisant les compétences méthodologiques et sociales sur les apprentissages. Une étude de cas en éducation physique et sportive.

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par Julien Cordelois
ESPE Midi-Pyrénnées, Toulouse Jean-Jaures (Toulouse 2) - Master PIF MEEF OPMSPI 2015
  

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11 DISCUSSION

Cette partie a vocation à répondre à nos questions de recherche au regard des résultats précédemment énoncés. A l'approche du terme de ce travail et dans le cadre de l'ingénierie didactique, notre intention est de recouper les interrogations autour de l'option théorique qui est la nôtre, avec les résultats de l'expérimentation menée.

Pour commencer, nous constatons que les deux cycles ont produit des effets sur les apprentissages des élèves. Le cycle où la C.M.S 2 a été incluse aux situations d'enseignement semble cependant amplifier les effets observés.

11.1 PREMIERE QUESTION DE RECHERCHE :

Notre première question était relative à la qualité de l'institutionnalisation, de la dévolution et de l'efficience de la C.M.S 2 :

Rappel : L'institutionnalisation des savoirs relatifs aux C.M.S peut-elle favoriser la dévolution et l'institutionnalisation des savoirs nécessaires à l'acquisition de la compétence attendue en natation de vitesse ? Les liens entre savoirs moteurs et non moteurs favorisent-ils l'acquisition des compétences attendues en E.P.S ?

Réponse à la question :

Au regard des résultats, nous constatons que l'institutionnalisation, des savoirs relatifs aux C.M.S, a facilité l'accès à la compétence attendue en natation de vitesse pour le niveau 1. Cette tendance se manifeste particulièrement chez les élèves à Besoins Educatifs Particuliers, ceux les plus en difficulté en natation de vitesse.

Ainsi, la réponse à notre question peut être affirmative.

Une action positive sur la dévolution :

La maîtrise des savoirs non-moteurs relatifs à la C.M.S 2 semble améliorer la qualité de la dévolution (augmentation du temps de pratique, d'autonomie, centration des remédiations sur les apprentissages, baisse du volume de rappel sur la consigne et de la pression pédagogique auprès des groupes ou de la classe ; §10.2 et 10.3). Cette dernière permet à l'enseignant de se dégager de la conduite de classe et de se centrer sur les apprentissages à

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faire réaliser. L'enseignant, moins occupé à gérer la consigne, passe davantage de temps à faire travailler ses élèves (Cf. entretien après-coup Jeanne, §10.5). Malgré la « liberté » qu'il laisse aux élèves, il parvient à composer avec son désir d'emprise79 grâce à la lisibilité de progrès qui le rassurent.

Renforcée, la dévolution favorise « l'apprendre » des élèves sur « le faire ».

En valorisant la C.M.S 2 incluse aux situations, la dévolution apaise le climat de classe et l'enseignant.

Le temps de pratique effective des élèves augmente et permet davantage de répétitions, d'interactions avec les milieux didactiques (§10.3).

En conséquence, les temps d'institutionnalisation s'organisent davantage autour des connaissances que l'enseignant souhaite valider chez ses élèves (Cf. nature des temps de fin de séance des enseignants dans le cycle CMS 2 incluses).

L'inclusion des compétences méthodologiques et sociales au sein des situations didactiques optimise le temps didactique au sens où l'élève reçoit des occasions supplémentaires de formuler, tester et valider des stratégies d'action pour réussir.

La qualité de l'enseignement se joue autant dans la proposition de milieu adidactique inclusif que dans la nature et la qualité du retour de l'enseignant lors des phases de dévolution et d'institutionnalisation.

Cette dévolution est une variable sensible. Au sens de la didactique clinique, il est possible qu'elle représente un impossible à supporter pour l'enseignant. Son désir d'emprise y est attisé. Il est alors renvoyé à son histoire personnelle et à sa contenance. Anticipée, cette difficulté est réduite. L'enseignant s'apaise et réduit sa fatigue professionnelle.

Une institutionnalisation perlée des savoirs :

Nous remarquons que l'institutionnalisation devient parfois un élément de différenciation. Lors du travail dans le cycle C.M.S 2, les regroupements sont moins nombreux ; les variables sont proposées aux petits groupes, et, au fur et à mesure de l'atteinte des critères de réussite. Des temps d'institutionnalisation s'intègrent aux temps de pratique des élèves de manière perlée et officieuse.

Dans un contexte où l'élève autonome reste immergé plus longtemps dans le milieu didactique, les pratiques ostensives (Salin, 1999) de l'enseignant sont utilisées pour rappeler la consigne ; des éléments d'institutionnalisation sont quant à eux livrés pour renforcer la

79 Désir d'emprise : besoin de se sentir responsable de quelque chose dans les apprentissages des élèves.

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validation des stratégies des élèves, et, en conséquence, induire une évolution du travail donné.

Les élèves concernés sont en mesure d'être à leur tour des ressources de la séance.

Ainsi, « Le maître que nous observons ne tombe pas dans ce travers (celui de la passivité) : il intervient judicieusement, sans empiéter sur les connaissances cruciales pour la résolution du problème et la découverte des procédures adéquates. » (Margolinas & Laparra, 2008, p.6)

Explicitation du contrat didactique et désir de l'enseignant :

Le manque de coordination entre dévolution et institutionnalisation mais aussi la moindre présence de dévolution affaiblissent le contrat didactique, dans la mesure où, cela rend le projet didactique de l'enseignant flou aux yeux de l'élève. L'implicite présent par nature dans le contrat didactique envahi l'élève qui ne comprend pas ce qui est attendu de lui. Si l'enseignant, ou la situation qu'il propose, n'explicite pas assez ce qui est attendu, alors, l'élève questionne son investissement. Il peut également s'éloigner d'une gestion de son activité via son identité d'élève.

L'explicitation du projet didactique participe à l'explicitation de la mise en avant du désir de transmettre de l'enseignant (Girard, 1961), de ses intentions. Ainsi, si le désir d'apprendre de l'élève s'oriente vers le désir d'enseigner du professeur, cela génère l'investissement d'élèves qui voient, enfin, quel sens injecter dans la pratique qui leurs est proposée.

Selon M-F Carnus, le projet didactique renvoie au déjà-là intentionnel de l'enseignant au sein duquel se « niche » le désir d'enseigner. Le contrat met en scène les désirs d'enseigner et d'apprendre à travers un jeu d'influences et d'attentes réciproques entre enseignant et élève(s).

C'est de la nature du désir de l'enseignant et de ce qu'il s'autorise à en expliquer auprès des élèves qu'il s'agit. Ainsi, selon que le désir se porte sur la performance ou sur l`apprentissage, sur le maintien du calme ou sur la bienveillance, l'élève transcrit dans son comportement la part de désir identifié qu'il fait sien.

De l'orientation du désir et de l'intention de l'enseignant dépend l'inclinaison de l'élève pour tout ou partie de l'apprentissage ; son intérêt pour l'identité d'élève.

L'engagement et l'investissement de l'élève dépendrait-il de la nature du désir qu'il identifie chez son professeur ?

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Centration des enseignements sur les savoirs à enseigner :

L'enseignant assujetti à l'institution est soumis au paradoxe d'injonctions pas toujours réalisables. Se sentant en difficulté avec la réalisation de la commande, il éprouve non seulement du déplaisir, mais intensifie plus ou moins consciemment sa centration sur ce que l'institution attend de lui : la transmission des savoirs à enseigner.

Dans ces conditions, la centration sur les savoirs à enseigner peut-être de nature à occulter une part des attentes des élèves, et notamment celle liée au plaisir à agir, à apprendre. Cette absence du plaisir, part vivante et dynamisante de la transmission, désincorpore des savoirs que les élèves peinent à référencer. L'expérience répétée du déplaisir, ou encore, le manque de plaisir amène l'élève à envisager l'acquisition des savoirs comme une épreuve à valence négative.

Chez Serge, la prise en compte de l'élève est permanente, mais, l'enseignant, pris dans la gestion de ses missions, valorise davantage les savoirs à enseigner que les savoirs enseignés. Le savoir à transmettre prend le pas sur le savoir retenu/appris par l'élève ; le curriculum réel sur le curriculum réalisé en raison de celui qui serait caché (Perrenoud, 1993b).

La réussite de l'enseignement se juge à l'atteinte de la compétence attendue. Elle agit sur la valeur professionnelle que l'enseignant s'accorde quotidiennement. Celle qui lui serait accordée par les cadres d'inspection pédagogique également.

Au sens d'Erwing Goffman (1974), l'enseignant, dès lors qu'il se sent en difficulté dans l'exercice de sa mission, s'organise pour gérer « la face » malgré la culpabilité générer par son assujettissement.

La place de la performance motrice dans les enseignements :

Cette proposition émerge à l'observation des initiatives de Serge et de son discours (« les C.M.S manquantes ») lors des temps d'institutionnalisation. Contraint à moins inclure les C.M.S à ses situations, il se recentre sur la performance produite des élèves plutôt que sur les contenus d'enseignement à valoriser.

En conséquence, les déclarations d'apprentissage de ses élèves sont qualitativement et quantitativement moins élaborées que pour Jeanne.

La centration sur la performance (chez Serge), comme moyen d'atteindre la compétence attendue, est un choix qui témoigne du souci de faire réussir les élèves. Je comprends la

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centration sur la performance comme un moyen pour le professeur de gérer la commande initiale des textes officiels : l'atteinte de la compétence attendue.

En E.P.S, celui dont les ressources motrices sont puissantes, celui qui est performant, accède plus facilement à la réussite.

L'enseignant sous tension, pour éviter de « perdre la face » va à l'essentiel. Cet essentiel qui fait également écho à son déjà-là expérientiel d'ancien sportif confirmé voire de haut niveau. Parce que la performance renvoie plus vite à la notion de réussite (Chomsky, 1971b), il cherche à voir, et organise prioritairement la performance de ses élèves plutôt que leurs apprentissages car c'est elle qui exprime la compétence atteinte. Il lui faut voir que ce qu'il propose est utile aux élèves.

Ce faisant, il se recentre sur des situations d'enseignement proches de la logique interne80 de l'A.P.S.A, plutôt que sur l'originalité de situations d'apprentissage ciblant la réussite des élèves. Une des conséquences de cette translation est la valorisation de pratiques d'évaluation.

A mon sens, cette inclinaison éloigne l'élève de la finalité de l'E.P.S (surtout celui en difficulté) car, dans l'implicite, seuls les savoirs moteurs sont considérés comme importants. Pourtant, les savoirs non moteurs des C.M.S sont, eux aussi, disciplinaires (Cf. formulation des compétences attendus).

La valorisation de la performance dans son enseignement pourrait amener l'enseignant à se retourner tant sur ses tensions professionnelles que personnelles, sur la manière dont il se sent influencé (ou refuse de le ressentir) par sa condition professionnelle.

Bien que la performance physique soit non négligeable, faire réussir tous les élèves nécessite que l'enseignant pense la réussite autrement. Cet « autrement » fait « l'étendue, la richesse et la complexité de ses missions »81 (Delignières & Garsault, 2004) ; il se joue dans l'équilibre idéal que le professeur, seul et en équipe, parvient à instaurer entre l'objet et le moyen de l'E.P.S.

J'en déduis que lorsque l'enseignant néglige le rôle de moyen des A.P.S.A, il tend à déshumaniser son enseignement. Seuls ceux qui se reconnaissent dans l'enseignant seraient alors tentés de « le suivre ». Ainsi, la présence de la performance en E.P.S peut se penser au travers de l'objectivité avec laquelle l'enseignant gère son assujettissement institutionnel.

80 Selon Pierre Parlebas, la logique interne « intègre les règles constitutives, l'esprit et la signification essentielle de l'activité physique et sportive »

PARLEBAS, P. (1981) Lexique commenté en sciences de l'action motrice, Paris, INSEP

81 « Ce qui protège l'enseignant d'éducation physique et sportive face aux entraîneurs et aux brevetés d'Etat, ce n'est pas sa polyvalence : c'est l'étendue, la richesse et la complexité de ses missions. »

Delignières et Garsault, 2004, Libre propos sur l'EP, p180

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De tout temps, la présence scolaire de l'E.P.S s'est jouée dans des relations étroites d'interdépendances entre l'institution, ses acteurs et ses agents.

La performance des corps a constamment été un enjeu pour l'institution scolaire. Que ce soit pour la guerre, au plan sanitaire, pour le rayonnement national ou encore aujourd'hui l'adaptabilité sociale, la noosphère (avec des niveaux de conscience à interroger) crée l'assujettissement des agents, afin d'organiser celui des corporéités.

C'est avant tout les élèves performants qui restent sensibles à un enseignement valorisant la performance. L'inclusion de savoirs non moteurs, issus des rôles sociaux et de la prise de responsabilité par les élèves, favorise la notion d'effort, plutôt que celle de performance. Les élèves en difficulté sont en mesure de mettre autant de sens que les autres dans leur activité. Cela dès lors que l'enseignant intègre qu'il a à se centrer sur ce que chacun pourrait être en mesure de réaliser.

L'enseignant est responsable de cet équilibre fragile et contingent qu'il installe. Centré sur les savoirs moteurs, il court le risque d'affaiblir la qualité de la relation avec ses élèves. Les élèves peuvent vivre l'enseignement de manière anomique. Ils se démotivent. A l'inverse, si les élèves perçoivent trop d'exigences, l'interaction savoir-sujet s'affaiblit et l'élève se décentre des savoirs visés (Cf. § 10.3 tableau 11 ; volume d'interventions à caractère éducatif plus importants chez Serge).

L'épreuve des apprentissages :

La notion d'épreuve renvoie au mode d'accompagnement de l'élève (Carnus, 2013), voire à la carence dans la participation de celui qui sait, l'adulte, le parent, l'enseignant.

Le déséquilibre nécessaire à l'apprendre est compliqué par des motivations qui s'érodent, des résignations qui s'apprennent.

C'est la confiance et le sens de l'effort qui s'éteignent lorsque l'encouragement intrinsèquement porté par le milieu est absent (Cf. holding chez Winnicott ; Blanchard-Laville, C. (2001) propose de s'orienter « vers un holding didactiquement bien tempéré » (Ch12)). Pourquoi un élève s'investirait, s'il s'ennuie ou connaît la vacuité de ses efforts?

La forte valorisation de la réussite introduit un biais en affaiblissant la valeur de l'effort consenti. La compétence est une notion binaire et polychrone (« polychrone » au sens de Gwiazdzinski, 2012a). Elle s'inscrit dans une visée développementale.

Je suis compétent ou je ne le suis pas à ce moment-là.

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Pas besoin d'une autre forme d'échelle (sauf si l'effort n'a pas la même valeur d'un élève à l'autre).

Ne pouvant ignorer que le mérite des élèves se lit au filtre de leurs besoins éducatifs (particuliers ou non), les enseignants jouent surtout avec leur expertise pour gérer la difficulté scolaire.

La primauté d'une reconnaissance de la réussite sur celle des efforts réalisés induirait-elle un affaiblissement de la confiance à celui qui sait, de la valeur du savoir ?

Tout apprentissage a un coût qui interroge l'affectif, le sensible. Je pense que la qualité d'un apprentissage ne devrait pas se juger à ce qu'a dû endurer celui qui l'a réalisé. Le milieu didactique, parce qu'il organise les interactions enseignant-élèves-savoirs est vecteur d'un apaisement qu'il serait prometteur de rechercher. L'élève ne rechigne pas à l'effort, il demande simplement à ce qu'il fasse écho à son désir d'apprendre. Il cherche à ce qu'il ait un sens faisant avant d'accepter l'inconfort lié à l'apprendre (à son engagement).

En l'absence de sens, dans l'épreuve, l'inconfort devient douleur.

Une réduction de l'hétérogénéité à l'entrée dans le cycle favorable à la finalité de l'E.P.S :

Nous constatons que la présence de la C.M.S 2 au sein des situations permet, via la plus forte progression des élèves en difficulté, d'homogénéiser le niveau d'atteinte de la compétence attendue.

La dialectique créée entre savoirs moteurs et savoirs non moteurs, à l'intérieur des situations incluant la C.M.S 2, améliore l'effectivité de l'enseignement grâce à la réduction de l'hétérogénéité qu'elle propose, mais aussi, parce que la compétence attendue est poursuivie dans sa globalité.

L'articulation entre les savoirs issus de la C.M.S 2 et ceux issus de la motricité de l'élève optimise à court terme l'atteinte de la compétence attendue. S'il y a des effets différés chez les élèves, nous pouvons faire l'hypothèse qu'ils sont présents même s'il n'y a pas simultanéité de leur expression. A long terme, nous pouvons donc supposer (à vérifier) que cette articulation autour du pôle des savoirs favorise l'atteinte de la finalité de l'E.P.S.

La présence de C.M.S au sein des situations crée des conditions pour que l'élève soit acteur de ses apprentissages.

Cette inclusion aux situations m'apparaît comme le gage d'un renouvellement des pratiques enseignantes afin que, ressource de la trajectoire d'apprentissage, le professeur accompagne l'élève en déplacement vers la compétence visé, plus qu'il n'assiste passivement à sa réussite ou à son échec.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984