10.6 EFFETS DÉCLARÉS PAR LES ENSEIGNANTS
LORS DES
ENTRETIENS D'APRES-COUP :
(Cf. annexes)
Cet entretien d'après-coup a eu lieu une année
après la fin de l'expérimentation. Il s'est
déroulé à partir des mêmes questions
posées dans le même ordre.
Les enseignants ont d'abord eu l'occasion de s'exprimer
librement, puis, ils ont été confrontés aux
résultats des données quantifiées et des effets
déclarés par les élèves.
Les similitudes dans les entretiens
d'après-coup
|
Confrontés aux résultats et réponses de
leurs élèves, les deux collègues ne se déclarent
pas surpris. Jeanne, qui dit ne pas avoir eu d'attentes particulières,
trouve « réconfortant », par rapport à son action, son
utilité professionnelle que ses élèves aient obtenue de
tels résultats.
Elle y voit un gain ergonomique pour l'enseignant :
«Concrètement, (ce que permettent des C.M.S incluses aux
situations d'apprentissage) c'est se dédouaner des tâches
d'organisation et de fonctionnement pour se centrer sur l'apprentissage que ce
soit pour l'enseignant mais aussi pour l'élève, les rituels de
fonctionnement permettent aussi, lui, de le décentrer de la consigne et
de se centrer sur les apprentissages. »
Serge s'attarde d'abord sur les effets constatés sur
les productions des élèves. Il n'est pas étonné du
progrès des élèves dont « les temps de
départ étaient assez bons ».
Serge revient sur le bien-être de ses
élèves en supposant que leur adhésion au travail,
l'absence d'abandon vaut satisfaction suffisante. De manière assez
proche, Jeanne pense que le temps de travail important est le gage d'un plaisir
ressenti : « Ils pourraient très bien rester sur le bord ou
mettre un temps de rotation beaucoup plus longue ; pour moi c'est un
réel indicateur du plaisir qu'ils ont eu à pratiquer et du
bien-être qu'ils ont ressenti. »
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Analyse didactique des effets d'un enseignement valorisant les
C.M.S sur les apprentissages. Une étude de cas en Education
Physique et Sportive.
Les différences dans les entretiens
d'après-coup
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L'après-coup pour JEANNE (cycle C.M.S
2)
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Jeanne évoque le fait de s'être sentie à
l'aise avec sa classe grâce au fonctionnement de l'étude :
« Je me suis bien senti vraiment bien dans le sens où tu as du
temps pour réguler individuellement ces gamins-là. Tu as le temps
de t'extraire aussi du cours pour réguler les fonctionnements. Ce
temps-là tu ne l'a pas si tu ne places pas les C.M.S au centre.
»
Elle déclare avoir continué à enseigner
en valorisant les C.M.S en général (chose qu'elle faisait
déjà en dehors de l'étude).
Jeanne confirme la satisfaction évoquée en fin
de cycle. Elle utilise l'argument du temps gagné pour être en
position de corriger les élèves : « (...) tu peux
prendre le temps d'observer un élève sur une phase un peu plus
longue pour vraiment le transformer. »
Elle évoque que ce temps lui a libéré de
l'attention et une énergie propice à faire son métier.
Pour elle, c'est cela qui donne vie à un épanouissement
personnel.
A propos des apprentissages réalisés, Jeanne se
satisfait de ce qui a été appris sur le temps de pratique.
Pour revenir sur ce qui a fait défaut, Jeanne
évoque l'évaluation où elle a la sensation d'avoir
été sous tension : « (...) moi j'avais peur qu'ils
passent à côté, du coup j'ai repris la main c'était
indépendant de ma volonté. ». Rappel 135 interventions
en séances 7 au lieu de 110 en moyenne.
Jeanne est satisfaite de l'autonomie de ses
élèves mais évoque ensuite le caractère
déstabilisant de cette autonomie ; le professeur doit laisser ses
élèves explorer, fonctionner seul. Ne pas intervenir, et laisser
l'élève se tromper, fait peser une forme de culpabilité
sur l'enseignant, celle de ne pas agir directement lorsqu'il voit un besoin
éducatif chez ses élèves : « Après il y a
une certaine frustration de, des fois les laisser faire tout le temps et de ne
pas avoir la main sur l'ensemble de la pratique. (...) C'est un peu
anxiogène de rester à la disposition des élèves car
tous les élèves ne s'en saisissent pas de la même
façon. »
Note : le discours de Jeanne renvoie à la notion
d' « impossible à supporter » de la didactique clinique :
L'enseignant « (...) ne peut qu'être surpris par les
difficultés qu'il rencontre et par son embarras pour les surmonter, mais
il lui est aussi « impossible de supporter » certaines faiblesses des
élèves (...) » (M.-F. Carnus, 2013)
Selon Jeanne, un fonctionnement comme celui de l'étude
favorise « les bons élèves »
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Analyse didactique des effets d'un enseignement valorisant les
C.M.S sur les apprentissages. Une étude de cas en Education
Physique et Sportive.
car ils savent verbaliser le besoin d'aide. Elle évoque
que le temps dégagé lui permet de s'occuper des
élèves en difficulté : « C'est pour ça que
souvent je vais les chercher, je vais les observer.».
Jeanne mesure la satisfaction des élèves
à la faiblesse des inaptitudes et évitements des cours. Pour
elle, c'est parce que les élèves ont progressé qu'ils ont
ressenti du plaisir et se sont investis, ont accepté de respecter
l'autonomie de fonctionnement : « Après pour eux ça a
dû être un petit changement parce que quand même ils
étaient très autonomes et je pense que vu les sourires ça
a été plutôt bien perçu. »
A propos des effets déclarés, Jeanne revient sur
le plaisir déclarés de ses élèves et évoque
que l'enseignant pourrait évoluer sur la confiance qu'il peut faire
à ses élèves pour fonctionner de manière
renouvelée : « je pense que finalement on pourrait leur faire
confiance quoi !?
Chercheur : tu penses que
d'habitude on a du mal ?
Certainement, c'est pour ça qu'on veut tout
maîtriser par un cadrage très fort, le fait que l'enseignant aussi
décide des modes de fonctionnement, des modes de passage. »
Jeanne se montre sceptique sur l'amélioration de la
connaissance de soi. Selon elle, les élèves ont appris à
observer. Mais elle doute que ces observations aient un effet sur
l'élève observateur.
De l'ensemble de ses interventions, Jeanne retient
l'importance des renforcements positifs : « je pense qu'il faudrait
limiter au maximum les renforcements négatifs ou du moins intervenir
pour que l'élève se pose la question de ce qui est bien ou pas
trop. »
Au final à propos de la place des C.M.S au plus
près des situations d'enseignement, Jeanne se montre convaincue par une
« entrée » par les C.M.S et évoque que cela crée
« des modes d'interaction plus positifs à l'égard des
progrès des élèves. »
Sur l'évaluation et de son influence sur
l'enseignement :
Jeanne s'amuse du stress que l'évaluation lui aurait
fait ressentir sur son enseignement. Elle convient qu'elle a mis de l'enjeu en
raison de la clôture du cycle. Elle revient aussi de manière
directe sur l'intérêt de l'évaluation dans le contexte de
cet enseignement : « Non elle m'a mis en stress cette
évaluation ! Pourquoi faire une évaluation ? C'est pas la peine
!
Chercheur : la place de
l'évaluation sommative à la fin était un obstacle pour toi
!?
Ah oui pleinement ! J'aurais pu poursuivre le cycle et
évaluer en formatif tout le temps et voir s'ils ont acquis la
compétence de niveau 1 ou pas point !(...) ».
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Analyse didactique des effets d'un enseignement valorisant les
C.M.S sur les apprentissages. Une étude de cas en Education
Physique et Sportive.
A propos de l'effet du cycle sur les
élèves à Besoins Educatifs Particuliers :
Jeanne revient sur le gain de temps et l'autonomie
laissée aux élèves en réussite dans le
fonctionnement incluant la C.M.S 2 aux situations. Elle considère que
c'est ce gain de temps qui a permis de consacrer davantage d'interventions aux
élèves à B.E.P.
Elle envisage le progrès des élèves B.E.P
essentiellement par la médiation de l'enseignant lorsqu'il intervient
directement en tant que ressources pour l'élève en
difficulté.
A cet instant, elle ne s'arrête pas sur l'effet des
situations pensées pour cela. Se faisant, elle semble indiquer que les
situations ont surtout vocation à générer du temps pour
mieux intervenir sur les élèves, l'effet de l'inclusion de la
C.M.S 2 au sein des situations sur les élèves B.E.P n'est
malheureusement pas questionné sous un autre angle.
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L'après-coup pour SERGE
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Serge revient sur sa sensation négative d'avoir
dû composer avec moins de C.M.S (rappel : l'ensemble des collègues
du collège ont fédéré des pratiques valorisant les
C.M.S au sein du projet pédagogique). Il s'y est cependant tenu :
« C'est vrai que le fait d'être bloqué, dans la
préparation de la séance, ça oblige à chercher
d'autres fonctionnements qui peuvent être un petit peu
déstabilisants. »
Il évoque avoir ressenti un manque à devoir
faire sans les apports des C.M.S : « Il y a un manque en fait. Moi je
trouve qu'il y a un manque surtout par rapport au public (éducation
prioritaire) ; c'est vrai que les CMS par rapport au public c'est
important. Du coup c'est un manque ! »
Il revisite la satisfaction évoquée en fin de
cycle et évoque pour ce qui le satisfait/ l'épanouit l'importance
de savoir que ses élèves ont progressé. Il dit que ses
élèves auraient pu davantage progresser avec le fonctionnement de
Jeanne.
Note : en passant, Serge associe son
épanouissement professionnel à la réussite et aux
progrès de ses élèves.
Serge se montre ensuite surpris des effets constatés
sur sa gestion du temps et revient à ce moment sur la difficulté
ressentie au niveau des regroupements : « Maintenant ce que je vois
c'est par rapport au temps de pratique et aux choix des regroupements, comme je
l'ai expliqué, que j'estime faire moins souvent mais plus en classe
entière...c'est vrai que je ne m'en étais pas rendu compte et je
me rends bien compte qu'il y a pas mal de perte de temps, par rapport à
ça ; ça je ne m'y attendais pas honnêtement! »
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Analyse didactique des effets d'un enseignement valorisant les
C.M.S sur les apprentissages. Une étude de cas en Education
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Pour contourner ce problème de regroupement, Serge dit
qu'il valoriserait davantage l'explicitation de l'intention de l'enseignant et
l'autonomie de ses élèves : « Cela m'aurait un peu
économisé oui ! ».
En passant, il évoque qu'il a le sentiment d'une
dépense importante d'énergie (ce que confirme son plus important
volume d'intervention (438/ 3 séances).
A propos des apprentissages réalisés, Serge
regrette de ne pas avoir passé plus de temps à travailler
l'organisation des surfaces motrices (l'amplitude).
A propos de la manière dont l'enseignement a
été perçu : Serge évoque que les
élèves ont adhéré au cycle en se
référant à la bonne participation des élèves
dans les phases de bilan.
Serge revient sur les effets déclarés des
élèves et les met en relation avec la meilleure maîtrise de
l'A.P.S.A par l'enseignant. Ainsi, il évoque que ce que retiennent ses
élèves (davantage de mots clés que de stratégies)
est à l'image des différences entre Jeanne (spécialiste
natation) et lui, du style d'enseignement contraint par l'étude (moins
de C.M.S dans les situations) : « C'est vrai que je me suis pas mal
centré sur la performance vu qu'il n'y avait pas de CMS. C'est vrai que
le retour sur les performances, sur les temps, le classement, voilà j'ai
plutôt fait ça ! C'était un choix aussi par rapport je
pense à ma connaissance de l'activité ».
Des interventions qu'il a faites, Serge est surpris par la
forte place des précisions apportées à la consigne. Selon
lui elles ont servi à compenser la faiblesse du cadre des situations en
raison de l'absence de C.M.S : « Il a fallu compenser le cadre par les
interventions sur la consigne pour que ça tourne assez bien et encore
j'étais avec une classe qui fonctionne bien. Je me dis avec une classe
qui fonctionne difficilement, pas d'autonomie, je me dis que ça aurait
été, je pense très compliqué ».
Au final à propos de la place des C.M.S au plus
près des situations d'enseignement, Serge évoque qu'il a pu avoir
du mal à s'inscrire spontanément dans le projet
pédagogique local (à son arrivée au collège), puis
qu'il a adhéré. Il ressent l'utilité des C.M.S pour
créer une autonomie de fonctionnement des élèves. Cette
utilité se fait surtout présente en début d'année
et/ou de cycle, et prioritairement pour les C.M.S 1 et 2. Il évoque
davantage de difficulté à inclure la C.M.S 3 (mise en projet de
soi) à son enseignement.
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Analyse didactique des effets d'un enseignement valorisant les
C.M.S sur les apprentissages. Une étude de cas en Education
Physique et Sportive.
Sur l'évaluation et de son influence sur
l'enseignement : Serge parle d'une influence dans la mesure où
il a encouragé ses élèves à chercher comment jouer
avec le barème « pour gagner des points sur ma note
».
A propos de l'effet du cycle sur les
élèves à Besoins Educatifs Particuliers : Serge
revient sur cette différence en faisant valoir qu'il lui semble que
plutôt que de la répétition (ce qu'il a proposé), il
semble que l'observation du partenaire et son conseil permettent aux
élèves à B.E.P de formuler de meilleures stratégies
d'action.
En conclusion de cette partie consacrée aux
résultats, je tiens à souligner comme les entretiens ante
et post cycle ont été porteurs d'une lecture
affinée de la mise en oeuvre de l'expérimentation.
Les résultats de ces entretiens ont permis d'affiner
l'analyse préalable et a priori, mais aussi, de croiser des
résultats de natures quantitatives et qualitatives tout en
exerçant une vigilance quant aux effets en mesure de limiter la
validité scientifique de ce travail.
Ce que montrent ces résultats doit à
présent être discuté afin de clore la validation interne de
notre ingénierie didactique (Artigue, 1988).
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Analyse didactique des effets d'un enseignement valorisant les
C.M.S sur les apprentissages. Une étude de cas en Education
Physique et Sportive.
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