INTRODUCTION GENERALE
L'unicité de caisse de l'Etat à travers la
centralisation de fonds publics favorise une bonne prévision de recettes
et de dépenses publiques. Cette dernière peut conduire à
une meilleure gestion de la trésorerie de l'Etat, lorsqu'il existe,
au préalable, un système de paiement qui est, non seulement,
efficace mais surtout efficient.
A titre de rappel, un système de paiement
regroupe l'ensemble de règles, de procédures, d'instruments
et d'infrastructures utilisés pour échanger les valeurs
financières entre deux parties s'acquittant d'une obligation
contractuelle1.
Selon la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC), depuis la
fin de la décennie
90, le système de paiement de tous les pays membres de la
Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) était
devenu obsolète et défaillant.
D'abord, les principes budgétaires devant encadrer le
fonctionnement de ce système ne sont pas respectés. En effet,
tous les Trésors Publics de la CEMAC disposaient de plusieurs comptes
ouverts dans les banques secondaires. A titre d'illustration, en 2005, le
Trésor Public camerounais disposait de plus de huit cent (800) comptes
répartis respectivement dans les banques secondaires et à la
BEAC.2 Le Trésor Public centrafricain dispose, quant
à lui, de vingt-trois (23) comptes ouverts dans les banques commerciales
et de quarante-quatre (44) comptes ouverts à la BEAC. De même, le
Trésor Public du Tchad, du Congo et du Gabon en disposaient aussi de
plusieurs comptes dans les banques secondaires. Cette diversité des
comptes publics ne facilite pas, non seulement, une meilleure gestion de la
trésorerie de l'Etat, mais constitue également une violation de
la règle de l'unicité de caisse.
Ensuite, à côté cette diversité des
comptes publics, existe aussi le mécanisme de la bancarisation de
recettes et de dépenses de l'Etat. Cette dernière constitue une
dérogation aux procédures et principes budgétaires selon
lesquels tous les fonds de l'Etat doivent être déposés au
Trésor Public.
Enfin, les instruments ainsi que les infrastructures du
système de paiement, dans tous les pays de la CEMAC, sont devenus
obsolètes. D'une part, ils se caractérisent par un faible niveau
de sécurité des opérations de paiement, un coût
très élevé des transactio ns et des
opérations effectuées ainsi que des délais
d'encaissement des valeurs et d'exécution des
1 Règlement n°02/03/CEMAC/UMAC/CM relatif
aux systèmes, moyens et incidents de paiement
2 Balance des comptes du Trésor Public du
Cameroun 2005.
opérations assez longs. D'autre part, le problème
de prévision de recettes et de dépenses publiques ne favorise pas
une meilleure gestion de la trésorerie de l'Etat.
Pour pallier ces insuffisances et promouvoir le bon
fonctionnement du système de paiement dans la zone et parvenir à
une meilleure gestion de la Trésorerie de l'Etat, les autorités
monétaires de la CEMAC, à l'initiative de la Banque
Mondiale et du Fonds Monétaire International, cherchent à
moderniser le système de paiement de tous les Trésors Publics des
Etats membres de la zone et celui de tout le système bancaire de la
Communauté. C'est dans cette perspective qu'à partir de
l'année 2007, diverses réformes ont été
initiées. Ces dernières ont pour objectif, d'une part, de
favoriser une meilleure prévision de recettes et de dépenses
publiques afin de parvenir à une bonne gestion de la trésorerie
de l'Etat, et d'autre part, de réduire le coût moyen des
opérations de paiement ainsi que le délai de paiement et de
règlement dans toute la communauté.
Plusieurs approches ont donc été retenues pour
aboutir à une réforme complète du système de
paiement des Trésors Publics de la Sous-région. La
première approche consiste à mettre progressivement en oeuvre de
nouveaux instruments de paiement au sein de chaque Trésor Public de la
zone et dans les banques secondaires, afin de favoriser l'interconnexion des
échanges et de promouvoir un règlement rapide dans toute la
Sous-région ; c'est ainsi que trois systèmes de paiement devant
accroître la rapidité des opérations de règlements
ont été proposés. Leur architecture peut être
présentée comme suit :
- un système de règlement brut en temps
réel (RBTR), au niveau régional, pour les opérations
de gros montants et de politique monétaire baptisé Système
de Gros Montants Automatisé (SYGMA) ;
- un système net de paiement en masse (SNPM), par
pays, pour la télé-compensation des chèques, virements et
prélèvements, connu sous l'acronyme SYSTAC (Système de
Télé- compensation en Afrique Centrale) ;
- un système monétique interbancaire avec
l'émergence des cartes bancaires par pays et
pour la Sous-région, baptisé Système de
Monétique en Afrique Centrale (SMAC).
De ces trois systèmes recommandés, la mise en
oeuvre du SYGMA et du SYSTAC s'avère non seulement très
important, mais aussi très urgent afin de faciliter l'arrimage du
système de paiement de toute la zone aux nouvelles normes standards et
internationales. Cette urgence a ainsi accéléré le
démarrage du SYGMA à la fin de l'année 2007 dans certains
pays membres de la CEMAC tels que le Cameroun et le Gabon.
Actuellement, pour moderniser leur système de
paiement, la plupart des Trésors Publics de la Sous-région
ont déjà commencé à utiliser ces nouveaux
instruments de paiement. Toutefois, le Trésor Public centrafricain
tarde encore à les mettre en oeuvre, et continue toujours d'utiliser son
ancien système de paiement qui est caractérisé par une
diversité des ses comptes au sein des banques secondaires et
à la BEAC, et par la bancarisation de ses recettes et de ses
dépenses publiques.
Ce retard du Trésor Public centrafricain dans la mise
en oeuvre des nouveaux instruments de paiement recommandés par les
directives de la CEMAC devient préoccupant et soulève plusieurs
interrogations restées toujours sans suite. Pour certains observateurs,
il se pose un problème financier pour installer les plateformes du
nouveau système. D'autres postulent, par contre, sur la question
d'opportunité du nouveau système à mettre en oeuvre. Mais,
au-delà de toutes ces observations, aucune analyse scientifique n'a
jamais été menée afin de donner une meilleure explication
des causes du retard du redéploiement des nouveaux instruments de
paiement par le Trésor Public centrafricain comme les autres
Trésors Publics de la Sous-région ; c'est dans cette optique que
ce travail cherche concrètement à savoir :
Pourquoi la réforme du système de
paiement du Trésor Public centrafricain, à travers la mise en
oeuvre du SYGMA et du SYSTAC, reste-t-elle encore problématique alors
qu'elle est censée moderniser l'ensemble du système de paiement
du Trésor Public ?
Pour donner une explication scientifique à cette
préoccupation, ce travail se fixe comme objectif principal, la
détermination des facteurs explicatifs du retard de la mise en oeuvre
des nouveaux instruments de paiement par le Trésor Public centrafricain
et l'analyse des préalables et des opportunités de la
réforme du système de paiement du Trésor Public
centrafricain. De façon spécifique, il convient très
précisément de :
- faire un diagnostic du système actuel de paiement du
Trésor Public centrafricain ;
- mettre en évidence les préalables et les
opportunités liés à une réforme du système
de paiement du Trésor Public centrafricain.
La suite du travail est articulée autour de deux
principaux points à savoir :
- un diagnostic de l'existant du système de paiement du
Trésor Public centrafricain, constitue l'objet de la première
partie ;
- les préalables et les opportunités de la mise en
oeuvre des nouveaux instruments de paiement, sont traités dans la
seconde partie.
|