Chapitre II : Les énergies marines renouvelables
face aux contraintes environnementales
L'intérêt pour les énergies marines
renouvelables est apparu en France suite au PNA2E du 6 décembre 2000,
prévoyant d'accélérer le développement des
énergies renouvelables. Il a depuis pris en ampleur avec la directive du
23 avril 2009116 visant à porter à 20% à
l'horizon 2020 la part de l'énergie provenant de sources renouvelables.
Si les projets EMR proviennent tous d'initiatives à vocation
environnementale, ils demeurent néanmoins des instruments de
préservation de l'environnement qui dénaturent l'espace maritime
naturel. Leur installation va donc impliquer de prendre en compte certaines
règles environnementales préexistantes relatives au milieu marin
(I). Devront également être comptabilisés les nouveaux
risques environnementaux créés par l'exploitation des EMR
(II).
116 Dir. N°2009/28 du 23 avril 2009, préc.
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I. L'existence de zones marines protégées
restreignant l'implantation des EMR
L'intégralité du littoral français fait
l'objet d'une protection très stricte (A) tandis que certaines zones
naturelles sous juridiction françaises bénéficient
également d'un régime particulier (B).
A. Protection du littoral
1) Principe d'interdiction des EMR sur la bande
littorale
Le littoral est une notion relativement floue qui peut
s'entendre comme une ligne départageant la mer de la terre. Pour autant,
cette ligne n'est pas fixe et sa dimension n'est pas définie. On peut
simplement retenir un arrêt du Conseil d'État du 5 juillet 1999
retenant qu'une concession de sable marin située à 4 miles et
demi du rivage ne se situe pas sur le littoral117. La loi du 3
janvier 1986, dite loi littoral, lui a attribué un statut bien
particulier, principalement gouverné par des motifs
d'intérêt général. L'article 1 de la loi,
aujourd'hui codifié à l'article L321-1 du Code de
l'environnement, dispose en effet que « le littoral est une entité
géographique qui appelle une politique spécifique
d'aménagement, de protection et de mise en valeur », qu'il
nécessite dès lors une « politique d'intérêt
général » ayant pour objet « la protection des
équilibres biologiques et écologiques, la lutte contre
l'érosion, la préservation des sites et paysages et du patrimoine
». L'article 146-6 du Code de l'urbanisme va dans le même sens en
ajoutant que le littoral est doté d'un « patrimoine naturel et
culturel ». En conséquence, la loi littoral interdit strictement
les constructions ou installations sur une bande littorale de cent
mètres à compter de la limite haute du rivage118.
L'article L321-1 du Code de l'environnement pose des
exceptions à cette interdiction, disposant que le littoral peut
être aménagé pour la préservation et le
développement de la pêche, les cultures marines, les
activités portuaires, la construction et la réparation navale,
les transports ainsi que « le maintien ou le développement des
activités agricoles, de l'industrie, de l'artisanat et du tourisme
». L'article est à rapprocher avec l'article L2124-2 du CGPPP
disposant qu'il « ne peut être porté atteinte à
l'état naturel du rivage de la mer », « sous réserve de
l'exécution des opérations de défense contre la mer et de
la réalisation des ouvrages et installations nécessaires à
la sécurité maritime, à la défense nationale,
à la pêche maritime ».
117 CE 5 juillet 1999, n°197287
118 Art. 146-4 III C. de l'urbanisme
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Dans chaque situation, l'exploitation EMR n'est pas
mentionnée, ce qui a priori l'exclue des dérogations
à la préservation du littoral. Pour autant, il est difficile de
ne pas considérer l'énergie marine comme une industrie, ce qui
pourrait l'inclure dans les exceptions prévues par le Code de
l'environnement. De même, l'article L2124-2 du CGPPP apporte une
dernière dérogation à l'état naturel du littoral
« pour des ouvrages ou installations liés à l'exercice d'un
service public ou l'exécution d'un travail public dont la localisation
au bord de mer s'impose pour des raisons topographiques ou techniques
impératives et qui ont donné lieu à une déclaration
d'utilité publique ». Or, il a été vu
précédemment que le développement des EMR pouvait
être vu comme répondant à un motif d'intérêt
général. De plus, en raison de la configuration des côtes
françaises atteignant rapidement des profondeurs élevées,
les projets éoliens posés seront souvent amenés à
ne pouvoir être installés qu'en zone littorale119.
Mais dès lors qu'il peut y avoir des énergies
marines renouvelables ailleurs que sur la zone littorale, l'argument
d'impératif est discutable.
2) Autorisation d'installation de câbles de
raccordement dans la zone littorale
Bien que les EMR puissent être installées en
dehors des zones littorales, leur présence en mer implique leur
raccordement à des centrales pour redistribution de
l'électricité sur terre. Pour ce faire, des câbles
traversant la zone littorale doivent être posés. Même s'ils
sont enterrés, ils constituent une atteinte à l'état
naturel du rivage et du littoral non comprise par les exceptions des textes.
La loi Grenelle II est venue répondre à cette
problématique en ajoutant à l'article L1464 III que
l'interdiction de construction sur la bande littorale ne s'applique pas aux
constructions ou installations nécessaires à des services publics
ou à des activités économiques exigeant la
proximité immédiate de l'eau, « et notamment aux ouvrages de
raccordement aux réseaux publics de transport ou de distribution
d'électricité des installations marines utilisant les
énergies renouvelables ».
La loi du 15 avril 2013 dite « transition
énergétique »120 est venue définitivement
clore le débat, ajoutant à l'article L146-6 que « peuvent
être également autorisées les canalisations du
réseau public de transport ou de distribution
d'électricité visant à promouvoir l'utilisation des
énergies renouvelables », à la condition que « les
techniques utilisées pour la réalisation de ces ouvrages sont
souterraines et toujours celles de
119 C. Augris, P. Clabaut, « Cartographie géologique
des fonds marins côtiers », Ifremer, 2001
120 Loi n°2013-312 du 13 avril 2013
50
moindre impact environnemental ».
Malgré de nombreuses dérogations, les
aménagements de la bande littorale font l'objet d'un contrôle
très strict. Ce n'est cependant pas la seule zone maritime soumise
à une protection particulière.
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